La médecine du temps de Mozart. Les systèmes médicaux. Tome 5

Les physiologistes

L’ingéniosité de certains expérimentateurs du XVIIème siècle allait susciter de nombreux émules à l’époque du siècle des Lumières, que l’on peut considérer comme le siècle fondateur de la physiologie moderne. Albrecht von Haller (1708-1777), anatomiste, chimiste, expérimentateur et poète suisse, établit les premières bases de la physiologie scientifique, et fonde la physiologie neuro-musculaire (60). Elève de Boerhaave, scientifique aux multiples facettes, il s’intéresse plus particulièrement à la physiologie des nerfs et des muscles. Il établit que le muscle est irritable, tandis que la sensibilité est le propre des nerfs ou des muscles pourvus d’une innervation : « J’appelle, partie irritable du corps humain, disait-il, celle qui devient plus courte quand quelque corps étranger la touche un peu fortement » . Il fait donc de l’irritabilité et de la sensibilité les caractéristiques du vivant. Il publie en 1751 une « Methodus studii medici », première ébauche d’une histoire de la médecine, et écrira tout au long de sa vie une véritable bibliothèque de physiologie générale.(92)

Après William Harvey (1578- 1657) qui avait découvert le principe de la circulation sanguine et qui, selon Jean Hamburger était « aussi le premier médecin qui introduisit en médecine l’esprit scientifique », l’Italien Lazzaro Spallanzani (1729-1799) explore de nombreux domaines de la physiologie, en particulier celui de la circulation du sang (10). Il démontre, le premier, que la systole cardiaque maintient le sang en circulation dans tout l’arbre artériel jusqu’aux plus fins capillaires, et ceci sans interruption. Il tente de mesurer la vitesse de circulation du sang, et grâce au microscope, réussit à capter le passage des globules rouges des artères vers les veines à travers les capillaires. Il s’intéresse également au phénomène de la contraction du muscle cardiaque, à la circulation pulmonaire. Après Lower (1631-1691), qui pressentait que la couleur rouge du sang artériel provient de son mélange avec l’air des poumons, puis Hales, Antoine-Laurent de Lavoisier (1743-1794) poussera plus loin les recherches. Chimiste, naturaliste, économiste, député à la Constituante, il se penche sur les phénomènes de la respiration. Il est le premier à attribuer à l’oxygène son nom définitif. Il démontre que l’air se compose d’azote et d’oxygène, seul l’oxygène se combinant avec les éléments du sang. Il applique cette découverte à la physiologie, et démontre le mécanisme chimique de la respiration, dans ces fameux « Mémoires », en particulier celui de 1777. Il est également le fondateur d’une nomenclature chimique cohérente et rationnelle. Dans le même domaine, Spallanzani découvre le mécanisme de l’asphyxie, due au manque d’oxygène du système nerveux.

En France, Philippe Hecquet (1661-1737) et Jean Astruc (1684-1766) se penchent sur les phénomènes de la digestion et les transformations mécaniques que subissent les aliments. René de Réaumur (1683-1757), quant à lui, étudie les faits chimiques intervenant au cours de la digestion. On assiste également au développement de la physiologie de la reproduction, qui fait l’objet de nombreuses recherches. Spallanzani étudie la reproduction des grenouilles et des crapauds et démontre que le contact des deux semences est nécessaire à la reproduction, et attribue la vertu fécondante au liquide spermatique. Il procède, le premier, à une insémination artificielle sur une chienne, avec succès. Il laisse cependant la question de l’ontogenèse irrésolue. C’est Caspar Friedrich Wolff (1,733-1794) qui, en défendant l’épigenèse, démontrera qu’aucun tissu ou organe n’est décelable dans l’oeuf, leur structure se développant progressivement après la fécondation. En Italie, Luigi Galvani (1737-1798) et Alessandro Volta (1745-1827) développent l’électrophysiologie, qui donnera naissance à la neurophysiologie. Fahrenheit, vers 1725, et Celsius, en 1742, mettent au point des appareils de mesure de la température et créent des échelles thermométriques.

Boerhaave, Van Swieten, Haen et Corvisart sont les promoteurs de l’usage du thermomètre, dont l’utilisation deviendra courante au XIXème siècle. En ce qui concerne la « physiologie générale », le bilan du XVIIIème siècle s’avère donc largement positif. Les physiologistes s’intéressent également à l’anatomie, à la clinique, à la chimie. Les ouvrages « Physiologia » sont nombreux, démontrant la curiosité et la volonté de diffusion des connaissances de ces scientifiques.

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