La médecine du temps de Mozart. Les systèmes médicaux. Tome 5

Les systèmes médicaux

Les médecins du XVIIIème cherchent à comprendre le fonctionnement du corps humain. Soumis aux influences et aux concepts des autres sciences et des philosophes, ils vont créer des « systèmes » susceptibles d’expliquer l’être humain. Galilée (1564-1642) avait proclamé : « la nature s’inscrit en caractères mathématiques », ouvrant la voie aux scientifiques rationalistes du XVIIIème. De même, le philosophe La Mettrie, après le mathématicien Maupertuis qui plaçait l’homme au centre d’une vaste cosmogonie, réduit l’homme à un objet dans son ouvrage « l’homme machine », à l’origine de la théorie des « mécanistes ».(83)

Doctrinaire de la médecine mécanique, Friedrich Hoffmann (1660-1742), en Allemagne, est à l’origine de la « médecine rationnelle et systématique ». (27) Pour lui, « c’est la mécanique qui est la cause, la source, la loi de toutes les actions ». Le raisonnement et l’expérience sont la base de la médecine. Le fonctionnement du corps humain est soumis à une alternance dans la tension, « strictum », et le relâchement , « laxum », des fibres du corps. L’équilibre entre ta tension et le relâchement est conditionné par « l’éther nerveux », fluide mal défini provenant du cerveau. Cette notion de « tonus » des fibres de l’organisme résumera, à ses yeux, toute la physiologie neuro¬musculaire. La cause principale des maladies, c’est la « pléthore » du sang, contre laquelle il préconise cependant les thérapeutiques actives, saignées et purgations, à adapter selon l’état du tonus qu’il faut exciter ou calmer. Hoffmann croit à la contagion dans les épidémies : les « miasmes » sécrètent des poisons dont l’action est semblable à celle de ferments. Il a écrit sur la grippe et la malaria, nous a laissé des monographies descriptives de l’hystérie et des maladies digestives. Il développa de nombreux traitements, dont les « gouttes d’Hoffmann », et prôna l’utilisation de l’eau minérale.

Plus tard, à Edimbourg, John Brown (1735-1788) conçoit la vie comme une résultante de forces nerveuses répondant plus ou moins à. des excitations, et se rapproche en cela des mécanistes. La perturbation de ces forces entraîne les maladies dites « sthéniques », ou au contraire « asthéniques ». Contre les affections sthéniques on emploie alors l’opium sédatif, contre les maladies asthéniques l’alcool stimulant (27). Le « Brownisme », qui simplifie les mécanismes pathologiques et la thérapeutique, fera de nombreux émules en Grande-Bretagne, Italie et Allemagne. Il est introduit à. Paris par les chirurgiens militaires.
En Allemagne, le successeur de Brown se nomme Roschlaub, qui développe la « théorie de l’irritabilité », selon laquelle le déséquilibre des irritabilités qui agissent sur les organes entraîne les maladies.

Les iatrochimistes, quant à eux, expliquent tout par des phénomènes chimiques. Ils sont les successeurs des fondateurs de ce système que furent au XVIIème siècle Willis (1622-1675) en Angleterre, Sylvius (1588-1672) en Hollande, de Blegny en France. Pour eux, tout n’est qu’alternance entre « fermentation » et « effervescence », « acrimonies » et « transmutations », conflits entre l’acidité et l’alcalinité des humeurs, qui induisent d’eux-mêmes les conduites thérapeutiques.
Le chimiste Georg Stahl (1660-1734) constate que les théories mécanistes ne tiennent pas compte de la vie, et se rapproche en cela des théories des Anciens, pour qui la nature est le modèle de toute chose (27).

Mais pour Stahl, rival d’Hoffmann, il n’y a pas seulement, dans la vie, la santé et la maladie, des phénomènes physiques, chimiques ou mécaniques. Il y a des « phénomènes vitaux ». Selon lui, la vie est due à une « âme sensible » (anima) qui règle tous les échanges à l’intérieur du corps et empêche la mort. Les maladies sont des maladies de l’ âme. Cet « animisme » reprend le thème antique de la nature bienfaisante que le médecin doit laisser agir jusqu’à la guérison. La fièvre est utile. Elle est l’expression de la lutte de l’âme « contre la matière peccante pour la chasser de l’organisme ». Stahl utilise les saignées fréquentes et les remèdes de son époque. Il établit également les bases de la médecine physiologique et est à l’origine de la théorie du « phlogiston » qui conduira plus tard à celle de la combustion.

La France, quant à elle, se partage entre les mécanistes et les nouveaux « vitalistes ». Plus qu’à Paris, c’est à Montpellier que se développe cette école. Pour Théophile de Bordeu (1722-1776) et Paul-Joseph Barthez (1734-1806), la vie répond à des phénomènes spécifiques qui ne peuvent s’expliquer ni par l’animisme, qui ne rend pas compte des échanges physiques et chimiques pourtant facilement observables, ni par le pur mécanisme, trop simpliste.
Le vitalisme reconnaît à la vie un caractère irréductible, et en cela se présente comme un moyen terme entre les deux systèmes. L’ « élan vital » de Bordeu, impossible à isoler et donc à matérialiser, ressemble beaucoup au « pneuma « des Anciens. En fait, les vitalistes ne vont pas plus loin dans l’explication des phénomènes vitaux que les pneumatistes antiques. Ce « vitalisme montpelliérain » sera diffusé à Paris plus tard par Pinel et Bichat.

Plus tard, Pinel (1745-1826), très porté sur les mathématiques, présente en 1787 à l’Académie des sciences un mémoire sur l’application des mathématiques à l’étude du corps humain. Il sera également l’auteur d’une nosographie, après 1789, et sera surtout célébré en tant que psychiatre.

Tous les systèmes médicaux proclament la nécessité de l’observation et de l’expérience, mais les décalages entre théorie et pratique sont nombreux. C’est à cette époque que sont introduits dans les sciences médicales les systèmes de mesures, empruntés aux autres sciences, amenant ainsi des notions quantitatives aux connaissances du corps humain. De même, l’application des mathématiques à la médecine va donner naissance à la science statistique.

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