Les conduites addictives

Classifications et modes d'action des drogues

Définition et historique
Des tablettes sumériennes du IIIè siècle avant J-C relatent déjà l’utilisation du pavot. Le terme de drogue n’est cependant apparu qu’au XIVè siècle pour désigner tout ingrédient utile à la teinture et aux préparations chimiques. Ce n’est qu’au XIXè siècle que ce terme prendra son acception actuelle : "toute substance naturelle ou de synthèse, généralement illicite, dont la consommation provoque une modification de l’état de conscience". Depuis, le problème lié à la consommation de drogues est non seulement sanitaire, mais encore social et politique. On a en effet, progressivement assisté à une véritable mondialisation des pratiques au gré du développement de la chimie moderne, des conflits et des révolutions culturelles :

  • morphine et héroïne délivrées aux blessés lors de la Première Guerre Mondiale ;
  • amphétamines utilisées par les pilotes de chasse lors du conflit 1939-1945 ;
  • cannabis - héroïne - cocaïne, lors des guerres au Vietmam ;
  • mouvements contestaires, actuellement raves-party : cannabis et ectasy.

Aujourd’hui même les toxicomanies, classique facteur de marginalisation et d’exclusion socioprofessionnel lié au "culte de la performance".
L’extension du concept de drogue vise des substances légales telles l’alcool ou/et le tabac souvent utilisés dans les poly-toxicomanies (alcool-tranquilisants, tabac-haschich…) avec lesquelles elles partagent bien des modes d’action.

Essais de classification des drogues
Il est difficile de déterminer une spécificité de produit dans les conduites toxicomaniaques ; il n’y a souvent pas uniquement des sujets alcooliques, héroïnomanes, mais des sujets poly toxicomanes pour lesquels on parle de comportement addictifs. Les comportements addictifs représentent un ensemble de modalités de consommation de substances psychotropes.

Plusieurs classifications des drogues sont proposées
Selon leurs critères d’addiction (voir la notion de dépendance), selon leur dangerosité sociale, selon leur dangerosité propre. Dans ce dernier cas, il faut d’emblée réfuter l’angélisme d’une classification drogue douce - drogue dure, classification trop souvent partagée par le grand public. Une drogue douce serait inoffensive du point de vue toxicologique ; elle ne créerait aucune dépendance psychologique (incapacité à cesser l’usage du produit malgré ses retombées délétères) ou/et physique (marquée par un syndrome de sevrage à l’arrêt de l’intoxication). En ce sens la drogue douce n’existe pas. Ainsi le cannabis parfois qualifié d’inoffensif par certains médias est responsable d’une dépendance physique, bien que discrète en raison de la longue rémanence de son principe actif (le delta-9-tétra hydrocannabinol) ; il présente certains degré d’inter relation avec le système des opioïdes endogènes (pouvant correspondre à une escalade vers les opiacés ?) ; le canais se pose enfin sur le terrain pré morbide de la schizophrénie et expose à un risque accru de cancer pulmonaire du fait de la richesse en goudron de sa fumée (quatre à cinq fois supérieure à celle du tabac). En matière d’accidentologie routière, certaines études récentes (P. Mura) estiment à un millier le nombre de tués par an (sur 8000 décès annuels par accidents de circulation) mettant en cause le cannabis, du fait des modifications comportementales et cognitives engendrées. Quant à l’ectasy dont d’aucun prétendent gérer à la fois les effets euphoriques. Quant à l’ectasy dont d’aucun prétetendent gérer à la fois les effets euphoriques et l’excitation suivant la prise, il convient de signaler le nombre réel (bien faible) de décès rapportés du fait d’arythmies cardiaques, de dépression cérébrales brutales, d’hyperthermies malignes… Il n’y a donc pas lieu de distinguer des drogues qui seraient douces (telles le cannabis) e celles qualifiées de dures (alcool, héroïne…). Toutes les drogues sont toxiques, certaines évidemment plus que d’autres.

Il existe encore des classifications à visée scientifique, la première remontant à 1961, à New York, où soixante dix pays (dont la France) définirent quatre groupes essentiels de drogues : opium et cocaïne, cannabis, et leurs dérivés auxquels étaient adjointes les substances médicamenteuses à risque toxicomanogène. Dix ans plus tard, l’on distinguait amphétamines, barbituriques, tranquillisants et hallucinogènes : stupéfiants et psychotropes.
La classification proposée, en trame des différents tableaux synthétiques, est celle fonctionnelle et toujours actuelle de Delay et Pichot (voir dossier suivant sur ce thème)

Mode d’action
Le mode d’action de toutes ces substances toxicomanogènes a un socle commun neuroanatomique. Les structures qui sous-tendent les comportements addictifs appartiennent toutes en effet, au système mésolimbique.

Ce système représente un ensemble de structures neuronales en forme d’anneau situé à la limite du tronc cérébral et des hémisphères cérébraux : aire tegmentaire ventrale (ATV), zone médiane du télencéphale, partie latérale du thalamus et striatum ventral avec notamment le noyau accumbens .
Les afférences limbiques du noyau accumbens (amygdale pour le contexte émotionnel, hipoccampe pour le processus de mémorisation et ses projections sur le système moteur en font une interface à même de transformer la motivation en action.
Le système limbique est constitué essentiellement de voies noradrénergiques, surtout dopaminergiques, régulées par tout un ensemble de neurotransmetteurs dont l’acide gamma - amino - butyrique (GABA), des acides aminés excitateurs (glutamates), la sérotonine et les opioïdes endogènes.

Tous les produits toxicomanogènes ont la propriété de stimuler la transmission dopaminergique limbique et corticale. L’ensemble de ces données, corrélées par des résultats expérimentaux (techniques d’auto stimulation chez le rat ; Odds - 1958), laisse penser que la dépendance psychologique pourrait être en lien avec les effets hédoniques, positifs sur le système de récompense du cerveau. L’administration de drogues stimule l’activité des neurones dopaminergiques mésencéphaliques avec augmentation concomitante de libération de dopamine au sein du système limbique. Gaba, acides aminés, excitateurs, sérotonine et opioïdes endogènes jouant un rôle renforçateur ou inhibiteur des effets, c’est-à-dire favorisant ou diminuant l’appétence su sujet à la drogue. Récemment, une modulation essentielle provenant de l’axe du stress et de la cortisone a pu être décrite ; chroniquement sollicitée, la cortisone modifierait structurellement le système de récompense, le rendant pus réceptif aux drogues et participant par ailleurs à la dérégulation des mécanismes d’appétence et de plaisir.
Les conduites compulsives résultent du dysfonctionnement (à l’origine des désordres comportementaux) de la boucle noyau accumbens - aire tegmentaire ventrale - thalamus - cortex antérieur et limbique.

Métabolisme
Leur passage au travers des membranes cellulaires acquis par diffusion passive (liée aux gradients de concentration) ou transfert actif (intervention d’un transporteur de membrane) les drogues subissent absorption, distribution, bio transformation et enfin excrétion, le plus souvent urinaire.
La vitesse d’absorption des drogues dépend du mode d’administration et de la surface à laquelle elles sont confrontées (lit alvéolaire, masse sanguine…) avant d’atteindre leurs récepteurs. Ainsi, la voie intraveineuse choisie par les toxicomanes aux opiacées et aux psychostimulants majeurs (cocaïne, amphétamines) est elle la plus rapide suivie d’effets quasi-immédiats. Une autre voie est celle de l’inhalation de vapeurs de drogues qui expose à une rapide diffusion sur l’ensemble de la surface alvéolaire (100 m2) : c’est le mode d’administration classique des poudres d’opium et d’héroïne. L’application directe sur la muqueuse nasale propre au toxicomane qui sniffe la cocaïne, est suivie encore d’effets rapides, ralentis cependant par la vasoconstriction locale induite par le produit. Enfin, par ingestion c’est l’absorption intestinale qui détermine la bio disponibilité du produit : cette absorption est presque totale pour les barbituriques, les benzodiazépines, l’alcool et les hallucinogènes.

La drogue absorbée se distribuera dans les différents tissus de l’organisme ; en première intention coeur, foie, rein et cerveau du fait de leur riche vascularisation. A noter que toute liaison de la drogue à un support protéique du plasma limite sa concentration au sein des tissus et des sites d’action. Le cerveau étant très lipophile, le passage des drogues liposolubles, dès lors qu’elles franchissent la barrière hémato-encéphalique, s’en trouvera grandement facilité ; c’est le cas spécifique des substances psychostimulantes. Par ailleurs, les drogues liposolubles que consomme la mère franchissent la barrière placentaire, exposant le foetus à leurs effets. Les cannabinoïdes s’accumulent aussi dans les graisses assurant une rémanence de leurs effets pendant plusieurs jours.
La bio transformation des drogues se fait essentiellement dans le foie au niveau des enzymes microsomiques. Cette bio transformation recours à plusieurs procédures dont les réactions d’oxydoréduction, déméthylation, hydrolyse. Elle conduit à des dérivés de toxicité variable, devenus moins actifs, telle l’ecgonine pour la cocaïne ou plus toxique variable, devenue moins actifs, telle l’ecgonine pour la cocaïne, ou plus toxiques tel que le 11 - hydroxy - delta 9 - tétrahydrocannabinom pour les cannabinoïdes. Cette bio transformation peut être modulée par des variations génétiquement déterminées.
Enfin, l’élimination des drogues après bio transformation se fait par le rein, la bile et / ou les fécès. L’élimination des drogues responsables de dépendance recours à la voie urinaire essentiellement (ce qui permet leur dépistage).

Usage, abus et dépendance
La classification internationale des maladies (C.I.M. 10) distingue, dans le processus d’utilisation des drogues, l’usage, l’abus et la dépendance.
L’usage implique le contrôle de la consommation du produit et pratiquement pas de modification psychique ou physique chez l’utilisateur, alors que l’abus peut conduire à un état de dépendance où la gestion du produit demeure encore maîtrisable. On préfère actuellement employer la dénomination "usage nocif". En effet, les consommateurs victimes de dommages liés à la drogues ne s’adressent pas aux spécialistes, du moins en première intention ; ils ont recours à des structures plutôt médico-sociales qui prennent en compte en même temps dommages induits et conduites de consommation. Démarche qui élargit donc nettement le champ des intervenants.
La dépendance relève d’un besoin compulsif du produit et ce, malgré la connaissance par l’utilisateur des effets néfastes attendus pour sa santé et / ou sa vie sociale. La dépendance peut être psychique ou physique.
La dépendance psychique est caractérisée par le besoin impérieux, permanent ou non, du produit. Ce qui conduit à une incapacité à en cesser l’usage, à une abdication de la liberté de consommateur vis-à-vis du produit. Cette dépendance psychique est essentiellement en lien avec un processus de mémorisation (intervention des zones hippocampiques) qui peut se maintenir plusieurs années.
La dépendance physique introduit une notion nouvelle celle de la tolérance. La tolérance conduit à consommer le produit pour éviter que survienne le syndrome de sevrage en cas d’arrêt de la consommation ; la survenue d’un tel syndrome en période d’abstinence témoigne en général du caractère physique de la dépendance. Concrètement, la tolérance se manifeste :
soit par le besoin d’une quantité notablement plus forte du produit pour obtenir les effets désirés,
soit par des effets notablement diminués si la consommation du produit se fait à dose identique.
Dépendance psychique et dépendance physique peuvent s’associer (c’est le cas des toxicomanies à l’héroïne, c’est le cas de l’alcool…) ou rester isolées, voire discrètes.
Les critères de dépendance sont définies exhaustivement au sein du DSM IV (voir tableau).

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