Le toucher des élèves. Chronique d'un professeur de piano. N°17

Piano et Pédagogie Chacun doit pouvoir jouer selon ses possibilités techniques et envies. Je suis là pour les aider à comprendre, décoder, structurer cette langue mais chacun doit pouvoir rester lui même. J’évite les comparaisons, les jugements de valeur. L’intérêt du piano, c’est qu’il peut être un plaisir partagé ou solitaire (ce qui est plus difficile pour certains instruments). Il peut apporter une ouverture d’esprit, comme la littérature, la philosophie, la psychologie. Il peut apporter une connaissance de soi, un plus dans les relations humaines.
Je le conçois comme une aide pour se construire, pour vivre, comme un « art de vivre ». Il doit permettre à chacun de trouver un plus à sa vie. On peut jouer du piano comme jardiner, bricoler, lire, cuisiner, faire du sport. Ainsi, l’instrument, la technique deviennent accessibles à tous sans souci de performance. Les leçons de piano deviennent des leçons de vie tout simplement.
Pour les étudiants que j’ai seulement une année universitaire, et qui ont peu de temps à consacrer au piano, j’essaie de faire en sorte que mes cours leur apportent beaucoup en peu de temps.
Pour ceux qui auront fait le choix de prendre des cours pendant 10 ans, 15 ans, voire plus, l’apprentissage se fera sur le long terme, les apports sur l’année seront donc moins importants.
Le but étant qu’ils en retirent toujours quelque chose de nouveau et d’équilibrant. Pour les plus jeunes, je ne fais parfois que semer ou faire germer des idées. L’important est qu’ils sachent qu’ils pourront revenir au piano, avec ou sans cours, à n’importe quel moment de leur vie. Quand ils se remettent au piano après une interruption de plusieurs années, ils sont étonnés de ne pas avoir tout oublié. Mon rôle est de les en persuader et de leur donner les clefs et la confiance pour pouvoir de nouveau arrêter puis reprendre (souvent plus par obligation que par choix).
Je garde souvent un contact par écrit avec eux. C’est toujours un plaisir d’échanger des nouvelles pendant plusieurs années, de suivre l’évolution de leur vie, à défaut de suivre l’évolution de leur carrière pianistique. Pour les plus âgés, j’essaie de les accompagner le plus longtemps dans leur pratique et de m’adapter à leur corps vieillissant. Nous sommes parfois obligés de changer de répertoire ou de technique en fonction des problèmes physiques qui surviennent. J’espère permettre à leur corps et à leur esprit de vieillir plus harmonieusement.
Par rapport au sport, à la danse ou autre, l’instrument reste un des domaines que les professionnels pratiquent le plus longtemps. Le piano peut-être encore plus que certains instruments. Pour les vents par exemple, le souffle ou un problème cardiaque peuvent limiter le jeu dans le temps.

J’ai eu ainsi pour élève une ancienne clarinettiste professionnelle qui a débuté le piano à 50 ans suite à l’arrêt de la clarinette à cause d’un accident cardiaque.
C’est à nous musiciens d’adapter cette règle aux amateurs et de ne pas considérer le cours d’instrument seulement comme un temps d’apprentissage donné. Je ressens une forte demande en ce sens (qui ira croissante, je pense, avec l’augmentation de l’espérance de vie). Peu de structures y répondent actuellement, exceptées les chorales, c’est un vide à combler, un défi à relever, une perspective d’avenir

Rédacteur. Docteur Arcier, président fondateur de Médecine des arts®
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