Expression

L'expression en musique

Qualité par laquelle la musique se trouve en rapport direct de caractère avec les sentiments qu’elle veut rendre, les passions qu’elle veut exciter. La perception de ce rapport est excessivement peu commune ; on voit fréquemment le public tout entier d’une salle d’opéra, qu’un son douteux révolterait à l’instant, écouter sans mécontentement, et même avec plaisir, des morceaux dont l’expression est d’une complète fausseté.

Définition d’Hector Berlioz, in A travers Chants, 1862. Michel Lévy frères, éditeurs.

 

C’est la poésie de la musique. C’est ce qui donne à une oeuvre ce caractère de vérité et d’énergie dont l’attrait irrésistible survit à toutes les variations du goût, à tous les caprices de la mode et qu’on remarque dans les productions des grands compositeurs du siècle dernier et de notre époque, notamment de Gluck, de Mozart, de Rossini, de Spontini, de Méhul, de Meyer- beer, d’Auber, d’Halévy, d’Adam, de Gounod, de Félilicien David, d’Ambroise Thomas, de Donizetti, de Ricci, de Verdi. L’essor donné de nos jours à l’expression musicale l’a malheureusement portée quelquefois à un degré d’exagération qui passe toute limite. Qu’on le sache bien, la véritable inspiration ne procède pas par des cris forcenés, par une instrumentation bruyante : sans doute, il est des situations où l’orchestre doit déployer toutes ses ressources, la voix humaine toute sa puissance, et les passions leurs transports les plus fougueux. Mais le drame lyrique serait en dehors de la nature et de la vérité, si les effets étaient prodigués sans discernement et sans mesure ; pour frapper fort, il faut que le compositeur frappe juste ; c’est-à-dire que la musique soit toujours en harmonie avec la situation.

On peut surprendre le public par un luxe prodigieux d’instrumentation et d’effets, mais on ne l’émeut, on ne le captive, on ne l’intéresse réellement que par une expression vraie, juste et naturelle. Après la protestation énergique des hommes compétents, vient le dégoût général qui fait promptement justice de tout ce qui est faux ou exagéré. Il y a une expression de composition et une d’exécution, et c’est de leur concours que résulte l’effet musical le plus puissant et le plus agréable. Pour donner de l’expression à ses ouvrages, le compositeur doit saisir et comparer tous les rapports qui peuvent se trouver entre les traits de son objet et les productions de son art ; il doit connaître ou sentir l’effet de tous les caractères, afin de porter exactement celui qu’il choisit au degré qui lui convient. Comme un bon peintre ne donne pas la même lumière à tous ses objets, l’habile musicien ne donnera pas non plus la même énergie à tous ses sentiments, ni la même force à tous ses tableaux ; il placera chaque partie au lieu qui lui convient, moins pour la faire valoir seule que pour donner un plus grand effet au tout.

Quant à l’expression vocale, il y a des voix fortes qui imposent par leur ampleur, d’autres, sensibles et délicates, vont au cœur par des chants-doux et pathétiques. En général, les voix élevées sont plus propres à exprimer la tendresse et la douceur ; les basses et les concordants interprètent mieux l’emportement et la colère. Les instruments ont aussi des expressions très-différentes, selon que le son en est faible ou fort, que le timbre en est aigre ou doux, que le diapason en est grave ou aigu et qu’on en peut tirer des sons en plus grande ou en moindre quantité. La flûte est douce, la clarinette d’une noble tendresse, le hautbois naïf et pastoral, la trompette guerrière, le cor sonore et mélancolique, le trombone solennel, majestueux et propre aux grandes expressions, etc. Mais il n’y a point d’instrument dont on lire une expression plus variée et plus universelle que le violon.

Dictionnaire de musique, Léon et Marie Escudier, 1872

 

L’une des plus nobles facultés du comédien, celle qui lui permet de rendre avec exactitude, avec chaleur, avec vérité, toute la pensée du poète. C’est dans son intelligence, dans son cœur, dans ses entrailles que l’acteur doit trouver la source de l’expression vraie. Il faut, a dit un théoricien, savoir penser avant que de parler ; la facilité d’expression produit l’harmonie, et l’harmonie est la musique du style. L’acteur qui a le don de l’expression remuera les foules, agitera l’âme du spectateur, et excitera chez lui l’enthousiasme et l’admiration. Un critique disait, il y a soixante ans : « Le geste de Bigottini, éloquent comme la parole ; le chant de Pasta, dramatique comme la poésie de Voltaire ou de Shakespeare ; la fureur de Talma, terrible comme celle des héros d’Homère ; la physionomie de Mlle Georges dans les Machabées et dans Sémiramis, belle comme la Niobé antique ; l’ingénuité de Mlle Mars, innocente et maligne comme celle d’une fille de seize ans à son premier amour ; le naturel de Michot, vrai comme la bonhomie d’une paysan suisse : voilà les modèles de l’expression théâtrale, voilà ce qu’il faut admirer, messiers les amateurs ; voilà ce qu’il faudrait imiter, messiers les petits acteurs aux grandes prétentions. »

Dictionnaire pittoresque et historique du théâtre d ‘Arthur Pougin, 1885


 

Imprimer

Association

Faire un don
Adhérer

Formation Médecine des arts-musique

Cursus Médecine des arts-musique