Estampes japonaises

L’apogée de l’estampe japonaise

La plus belle époque de l’estampe japonaise est celle de Kiyonaga (1742-1815), d’Outamaro (1754-1806), de Hokusaï ((1760-1849) et de Hiroshigué (1792-1858). On doit citer également Sharaku, qui s’est spécialisé dans les têtes d’acteurs (3) et dont la verve caustique et le réalisme n’ont pas été surpassés.

Un acteur, par Sharaku
3 Un acteur, par Sharaku

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Kiyonaga possède les dons les plus rares. Son coloris est une admirable symphonie, où les noirs veloutés, discrètement employés, accompagnent soit des rouges brique, soit des roses, et où les gris verts s’opposent aux bruns. Parfois, avec une incroyable dextérité, il recouvre dessin et couleurs d’un bleu ou d’un noir très transparent. Sa palette a comme un éclat tempéré. On admire dans ses œuvres une étonnante aisance du dessin. Ses groupes de femmes s’équilibrent avec une science profonde d de la composition.

Lorsque ces groupes sont composés de trois femmes, ce qui est fréquent, comme dans son estampe du Bac traversant le Sumida (4), la femme du milieu est figurée debout dans une attitude pleine de noblesse et d’élégance ; celles qui l’entourent ont une attitude penchée. Avant Kiyonaga, les femmes étaient, soit comme celles de Moronobu, de robustes filles très jeunes, soit, comme celles d’Harunobu, des adolescentes. C’est Kiyonaga qui, le premier, a représenté la femme japonaise dans la plénitude de ses formes. Quelle que soit l’élégance de leurs silhouettes, les femmes de Kiyonaga ont un embonpoint normal, sauf celles qu’il a dessinées à la fin de sa carrière : à ce moment, comme son rival Outamaro, il figure des corps étirés et d’une sveltesse irréelle.

Bac traversant la Sumida par Kiyonaga
4 Bac traversant la Sumida par Kiyonaga

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


D’une façon générale, Kiyonaga nous a donné une image très fidèle de la Japonaise avec son visage arrondi, ses gestes simples et naturels. Signalons enfin dans l’œuvre de cet artiste l’impressionnisme des paysages qu’il donne comme fond à ses compositions. Ces paysages sont indiqués d’une façon sommaire (4), en quelques touches très habiles.

Kitagawa Outamaro est un des maîtres les plus admirés de l’estampe japonaise ; ses œuvres ont joui et jouissent encore d’une immense vogue, non seulement au Japon, mais aussi en Europe. Son coloris délicat, parfois subtil, a une distinction particulière : c’est une harmonie de tons fondus, passés et pourtant très chatoyants, mais sans une seule note criarde. Ce n’est que dans ses œuvres qu’on observe certains tons, comme le mauve qui se dégrade en gorge de pigeon, ou bien des gris indécis qu’aucun autre artiste n’a su imiter. Outamaro a été, avant tout, le peintre de la femme ; il a consacré à cet art toute sa vie et tout son génie. Grandes dames, courtisanes, femmes du peuple défilent dans ses livres illustrés et dans les innombrables estampes qu’il a signées. Il y a lieu d’appeler l’attention sur la série d’estampes intitulée Scènes maternelles : on y découvrira avec surprise un Outamaro simple et vrai, étudiant avec bonhomie de petites scènes d’intérieur, où les mères s’efforcent d’amuser des bambins. Toutefois, la caractéristique du talent d’Outamaro est ailleurs. C’est dans les deux livres illustrés par lui et intitulé l’Annuaire des maisons vertes et les Fleurs des quatre saisons qu’on pourra le mieux apprécier son talent. Outamaro s’y montre sous un vrai jour, c’est-à-dire comme un idéaliste, souvent outrancier, qui ne veut point voir la femme japonaise telle qu’elle est ; il crée là un type de femme qui ne correspond guère à la réalité. En effet, bien que la plupart des Japonaises aient un visage arrondi, Outamaro adopte le visage ovale, parfois trop allongé. La chevelure, très haute, est ornée de multiples épingles (5), et, sous de fins sourcils très arqués, les yeux sont à peine entr’ouverts ; le nez long est sommairement indiqué et la bouche minuscule donne l’impression de deux pétales de fleurs. Cet artiste possède au plus haut point le sentiment de la ligne ; un charme infini se dégage de ses compositions.

Une Japonaise, par Outamaro
5 Une Japonaise, par Outamaro

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Dans sa série des Grandes Têtes notamment, les gestes ont une grâce captivante (5) et les mains sont admirablement dessinées. Outamaro est, avant tout, le peintre des élégances. La femme japonaise est petite, plutôt trapue et assez rondelette.
Or, Outamaro a imaginé un type idéal de Japonaise svelte et élancée (6).

Les Jolies femmes célèbres, par Outamaro
6 Les Jolies femmes célèbres, par Outamaro

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ces corps de femmes, souvent plus grands que nature et qu’un écrivains du siècle dernier a appelés les corps mannequinés d’Outamaro, sont habillés avec un goût somptueux et délicat. Les robes de soie sont décorées avec une fantaisie remarquable : dans sa série d’estampes intitulée les Heures on en trouvera de merveilleux spécimens. Ce sont tantôt des robes pourpres, où il semble que des cours d’eau tracent leurs sillons, tantôt des robes violettes avec des oiseaux sur des arbres en fleurs ou des caractères japonais en blanc, tantôt encore des robes d’un beau noir profond avec des chrysanthèmes, tantôt enfin des robes bleues décorées de pivoines roses. Les larges ceintures s’harmonisent de la façon la plus heureuse avec les robes de couleurs ; elles ont des tonalités éteintes, souvent en vieil or. A la fin de sa carrière, Outamaro est tombé dans le maniérisme et l’afféterie. Ses femmes ont des gestes et des attitudes contournées ; et son dessin, trop souple, dégénère en arabesques. Les corps ne sont plus seulement élancés, mais démesurément étirés. Il nous reste à dire un mot d’un aspect tout fait différent du génie d’Outamaro. Cet artiste qu’on peut considérer comme le prince des idéalistes, fut également un merveilleux réaliste. Il a illustré trois livres d’histoire naturelle, qui sont des chefs-d’œuvre d’observation et de coloris. Ce sont d’abord les Insectes choisis, où il étudie avec minutie la vie de ces animaux, puis le livre intitulé les Cent crieurs, qui nous donne des études d’oiseaux, et enfin les Souvenirs de la marée basse, le plus beau des trois, sans doute, consacré aux coquillages.

 

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