La Joconde, une beauté dévoilée

Des pigments toxiques pour la santé

Une recherche récente (2008) menée par Mady Elias, physicienne du CNRS a permis d’élucider un secret technique de Léonard de Vinci qui avait tenu secret. En utilisant une caméra multispectrale, Le visage de la Joconde s’est un peu plus dévoilé.

La Joconde

Deux chercheurs dont une physicienne de l’Institut des nanosciences de Paris (CNRS/Université Paris 6/ Université Paris 7), enseignante à l’Université Evry Val-Essonne ont révélé pour la première fois la composition du fameux « sfumato », technique artistique utilisée par Léonard de Vinci pour peindre les visages. Après un « dévernissage virtuel » de la Joconde, ils ont mis en évidence la présence d’un glacis, technique de la peinture à l’huile inventée par les Primitifs flamands et qui n’était pas utilisée à cette époque en Italie. Ils ont également identifié les composants de la première couche picturale ainsi que de la sous-couche du tableau.

Lorsque nous admirons le sourire de Mona Lisa, la lumière qui parvient à nos yeux a traversé plusieurs couches picturales et un vernis qui a jauni au fil du temps. En analysant la composition de cette lumière en de multiples points du tableau, les physiciens ont pu démêler les effets respectifs du vernis, de la couche superficielle et de la sous-couche du tableau. Les chercheurs ont tout d’abord mesuré en cent millions de points la composition de la lumière renvoyée par le tableau. Ceci a permis de déterminer l’effet du vernis sur chaque couleur et de procéder à un « dévernissage virtuel » permettant de retrouver les couleurs inaltérées des pigments de Mona Lisa. Les chercheurs se sont alors concentrés sur le rendu pictural du visage de la Joconde (carnation). Ils ont identifié une terre d’ombre comme unique pigment contenu dans la couche superficielle. Les mesures ont également mis en évidence une saturation exceptionnelle de la couleur. Ces deux caractéristiques sont la signature d’un glacis, technique artistique inventée par les Primitifs Flamands et qui n’était pas utilisée en Italie à l’époque de Léonard [2]

Le mystère de la technique du sfumato
Cette caméra permet de mesurer en cent millions de points la composition de "la lumière renvoyée par le tableau". Le teint nébuleux, vaporeux de la Mona Lisa a été obtenu par une technique particulière : le sfumato. (de l’italien enfumer). Les calculs de la physicienne dévoile la manière dont l’effet a été obtenu par Léonard de Vinci. Il s’agit d’un glacis, "technique de la peinture à l’huile inventée par les primitifs flamands, "jamais utilisée en Italie à l’époque". Madame Elias précise que l’enquête qu’elle a menée l’a conduite à consulter des archives qui indiquent qu’"un peintre italien du nom d’Antonello Da Messina avait fait un long séjour en Flandres" [1], où cette technique était pratiquée. A son retour, il a permis le développement de la technique en Italie, que Vinci a alors reprise.

Pour parvenir à leurs fins sans effectuer aucun prélèvement sur le tableau, les physiciens ont combiné plusieurs techniques spécialement développées à cet effet. En premier lieu, la « photographie » du tableau a été effectuée grâce à une caméra multi-spectrale permettant de mesurer cent millions de spectres lumineux en autant de points du tableau. Ces mêmes mesures ont parallèlement été réalisées avec de nombreux pigments utilisés dans les peintures du XVIe siècle, recouverts ou non de vernis vieillis artificiellement. C’est la comparaison des spectres de la Joconde et de ces spectres de référence qui a alors permis d’ôter numériquement le vernis de Mona Lisa, puis d’identifier les pigments de la couche superficielle du visage.

Une fois la terre d’ombre identifiée, deux hypothèses pouvaient alors expliquer le rendu des couleurs du visage : soit l’utilisation de mélanges de blanc et de pigment coloré en diverses proportions, soit une technique de glacis (superposition d’un nombre plus ou moins important de couches d’une même couleur très diluée). Ces deux méthodes se distinguent par la saturation de la couleur beaucoup plus élevée dans le cas du glacis. La comparaison des couleurs mesurées sur le visage et des simulations numériques [3] correspondant aux deux hypothèses a permis de déterminer sans ambiguïté qu’il s’agissait d’un glacis. Cette comparaison met également en évidence que ce glacis a été appliqué sur un mélange composé de 1% de vermillon et de 99% de blanc de plomb, mélange couramment utilisé par les peintres italiens de l’époque mais pour la couche picturale superficielle seulement, non pas pour la sous-couche.

Les chercheurs envisagent de systématiser cette identification des composants de couches picturales stratifiées en faisant appel à des bases de données conséquentes contenant les propriétés optiques de nombreux pigments et fonds de référence. Ce qui permettra ainsi de disposer d’une méthode d’analyse des œuvres d’art totalement non-destructive, portable et dont les résultats seront exploitables en quelques minutes.

Des pigments toxiques

Sous ce glacis, cette recherche a permis de mettre en évidence une couche constitué de "1% de vermillon et de 99% de blanc de plomb". On peut remarquer que les peintures utilisées à cette époque pouvaient présenter une grande toxicité. Les risques liés à l'utilisation de certains produits n'étaient pas connus. La santé des travailleurs est plus encore des artistes n'intéressait pas les chercheurs et les scientifiques de l'époque. Pourtant Ramazzini, médecin italien né en 1635 va rassembler l’ensemble des connaissances sur les risques professionnels et surtour ces observations cliniques et sur le terrain et publier en 1715 le premier ouvrage sur les pathologies du travail qui fait figure d’exception. D’ailleurs ses travaux et publications ne seront véritablement diffusés et reconnus qu’un siècle plus tard.

Rédacteur docteur Arcier président fondateur de médecine des arts®
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Bibliographie

[1] le Figaro, le 27 avril 2008
[2] Ce serait un autre peintre italien Antonello Da Messina qui, revenu en Italie après un voyage dans le nord de l’Europe, aurait diffusé cette technique, notamment auprès de Léonard de Vinci. La Dame à l’hermine, autre tableau célèbre de Léonard, antérieur à la Joconde (qui va bientôt être lui aussi déverni virtuellement par la même équipe) ne comporterait pas de glacis.
[3] Les chercheurs ont modélisé l’interaction lumière/matière à l’aide de l’équation de transfert radiatif, résolue par une méthode développée récemment à l’INSP


 

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