Ton

Ton et théâtre

Du latin tonus

Certain degré d’élévation ou d’abaissement de la voix. Les acteurs qui, ayant une poitrine forte et une voix sonore, l’élèvent continuellement avec violence, perdent, par-là, le grand mérite de donner aux expressions, la variété des tons qui est si nécessaire pour la peinture et pour l’intelligence des pensées. Il y a dans le discours, comme dans la musique, une sorte de mesure des tons qui aide à l’esprit. Le ton criard est monotone ; il ne se prête à aucune modulation de la voix ; il ne s’applique à aucun sentiment ; il fatigue l’acteur et tourmente l’auditeur. La mode de finir les phrases par un ton qui en désigne la terminaison, s’est presque totalement perdue. C’est cependant une attention très-nécessaire que d’apprendre à faire le point ; c’est de là que dépendent les changements de tons qui produisent à l’oreille l’effet le plus agréable, et font sentir la justesse et la variété de l’expression. On cherche des tons dans la tragédie, que ni la musique en chantent, ni les hommes en parlant, n’ont jamais pratiqués. Les bons avocats ne plaident point avec les tons affectés et recherchés de la déclamation de théâtre. De tout temps les orateurs ont senti que ce sont des hommes qui parlent à des hommes, que pour cela il ne fait pas se servir d’autres tons que ceux que la nature inspire aux hommes. Plusieurs acteurs se félicitent d’avoir introduit dans leur jeu ce qu’ils appellent des tons de vérité. Ces sortes de tons sont tout-à-fait disparates avec ceux qui précèdent et ceux qui suivent ; ils sont ordinairement trop brusques, trop saillants et tombent presque toujours dans ce familier qu’il faut éviter avec autant de soin que l’emphase et le gigantesque. D’ailleurs, ces passages une fois saisis, dégénèrent en refrains monotones que le public attend, et que l’acteur ne manque jamais ; ils prouvent qu’ils sont le fruit de la combinaison et qu’ils ne partent point de l’âme, unique ressource des tons de variété, de ces éclairs du moment que souvent on ne retrouve plus et qu’il ne faut  jamais rechercher. Il ne faut pas employer indifféremment des tons qui, à peu près semblables en apparence, doivent cependant être distingués. Les tons peuvent être rangés sur différents genres qui comprennent plusieurs espèces, de même que chaque couleur primitive se divise en plusieurs nuances. On regarde par exemple, le ton fier et le ton orgueilleux, comme appartenant à un même genre (espèce), mais ces tons différent évidemment entre eux ; par le premier, nous ne marquons souvent que le juste sentiment que nous avons de notre dignité ; nous faisons toujours connaître, par le second, que nous portons ce sentiment beaucoup plus loin qu’il ne doit s’étendre. Quoique le ton naïf et le ton ingénu soient aussi des espèces d’un même genre, on aurait tort de prendre l’un pour l’autre. L’un est celui d’une personne, qui n’ayant pas la force de cacher ses idées et ses sentiments, laisse échapper les secrets de son âme, même lorsqu’elle a intérêt ou qu’elle désire de les faire ignorer. L’autre est le signe de la candeur plutôt que de la sottise et de la faiblesse ; il est le lot des personnes qui seraient assez adroites ou assez maîtresses d’elles-mêmes pour déguiser leur façon de penser ou de sentir, mais qui ne peuvent s’y résoudre.

Quelques tons appartiennent en même temps à plusieurs genres. L’ironie peut être également dictée par la colère, par le mépris, par le simple enjouement ; mais le ton ironique qui convient à l’un de ces sentiments ne convient pas aux autres. L’amour et l’amitié parlent à certains égards, un langage commun, cependant leur ton n’est pas le même. L’amitié elle-même a plusieurs tons. Celui d’un ami pour son ami. On dit que Molière avait imaginé des espèces de notes, pour se rappeler certains tons heureux dans ses rôles, qu’il avait soin de réciter toujours de la même manière.

Dictionnaire de l’art dramatique A l’usage des artistes et des gens du monde Ch. De Bussy Paris, Achille Faure, 1866


 

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