Piano : naissance du piano jazz en Amérique. Chapitre 8

L’apogée du piano-jazz

La sophistication du piano-jazz atteignit son apogée avec le phénomène Art Tatum (né en 1910). Tatum, c’est la musique citadine et particulièrement la chanson de la grande époque du jazz à laquelle il prodigue une technique pianistique inouïe. Parfois, hélas, sa technique et son imagination l’emportèrent sur son instinct musical. Le travail harmonique, intéressant en soi, détruit l’unité et même les époustouflantes enjolivures s’émoussent à la longue.
L’époque Tatum, c’est 1940-1955, qui vit aussi l’éclosion des grandes formations. Il était orchestre à lui tout seul. Dans un grand ensemble, toutefois, le piano devait stimuler par opposition. Chez Basie, les solistes vont jusqu’à lutter contre l’orchestre ; le count engage généralement la bataille lui-même avec un solo de piano tranchant et étincelant comme un cristal, invitant les instruments à cornet à se mesurer aux sauvages clameurs du chorus d’ensemble.
A l’intérieur des grandes formations, les pianistes avaient du mal à s’affirmer. C’est sans doute pourquoi cette même période marqua le zénith du piano solo, avec ses trois vedettes - Hines, Tatum, Williams -, tous improvisteurs de conception "orchestrale" et structurée.
Par ailleurs, l’intensité nerveuse, l’attente dans Basie, Willians et Garner, devint patent quand, avec le déclin des grands orchestres, les pianistes de jazz réintégrèrent le jeu d’ensemble. Les plus importants sont Thénonious Monk et Bud Powell.

Plus tard, Bill Evans, pianiste blanc, joue chez Miles Davis au moment de "la naissance du cool" ; il a une façon subtile de faire "parler" les voix au piano. Sa sensualité harmonique n’est pas passive mais vivante. Sa période de maturité se situe entre 1950 et 1965 environ, quand il jouait en trio avec Scott LeFaro à la basse et Paul Motian à la batterie.
Entre 1960 et 1980, toutes les traditions du piano jazz dont nous avons parlé se sont maintenues avec beaucoup d’éclat pour certaines d’entre elles. Le piano de bastringue, ancien style, connaît un renouveau avec la résurrection du blues grâce à l’électrophone et à des chanteurs comme Muddy Waters.
Quant aux musiciens les plus représentatifs de la génération du modern-jazz, ils s’appellent Cecil Taylor et McCoy Tyner. Taylor est un Noir de formation classique qui s’inspira d’abord d’Ellington, Monk, Powell, Parker et Mingus.

Plus tard encore, les improvisations solistes de Chick Corea - Noon Song et Sometime Ago - sont de la même veine que celes de Keith Jarett ; elles traduisent un repli sur une vie intérieure, un "éternel retour" aux origines qui est la préoccupatio du jazz récent. Ces improvisations, au départ enfantines dans leur mélodie modale, déploient sur un rythme en méandres un luxe d’harmonie et de texture, afin de se retirer en elle-même et de se rechercher une patrie, un paradis terrestre. Or, nous l’avons vu, cet Eden peut être une Afrique légendaire aux Dieux puissants, recours des Noirs déracinés mais aussi des Blancs égarés.
La musique de Dollar Brand boucle à cet égard le cycle du piano jazz.
Partant du blues de bastringue, raidi par le pianisme éclaté de Monk, Dollar restitue la musique à ses ancêtres et reconstitue un univers tribal en menant son teuf-teuf haletant à travers la jungle ou le désert. Ses meilleures pièces sont celles où il juxtapose des contraires avec le plus de brusqueries : fragments de musique rituelle africaine et de chants missionnaires britanniques, pilonnage de tambours africains et successions d’accords européens à la résonance dévote.

Rédacteur  Docteur Arcier André, président fondateur de Médecine des arts®
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