Finesse

La Finesse au Théâtre

Du latin finis

Qualité de ce qui est fin, délié, délicat, rusé.
Quand un acteur met à peu près dans son action et dans sa récitation toute la vérité convenable ; quand il ne laisse apercevoir nulle part le travail ni l’effort, les spectateurs ordinaires n’en demandent pas davantage, parce qu’ils n’imaginent rien au-delà. Il n’en est pas de même de ceux d’une classe plus éclairée. A leur tribunal, il y a, entre le jeu qui n’est que naturel et vrai, et celui qui de plus est ingénieux et fin, la même différence qu’entre le livre d’un homme de génie. Ils veulent non-seulement que le comédien soit copiste fidèle, mais encore qu’il soit créateur. C’est dans ce dernier point que consistent les finesses de l’art. Ce qui manque dans le dialogue d’une pièce, se retrouve dans le jeu des acteurs supérieurs. Ceux-ci se distinguent surtout par le talent de peindre des sentiments qui ne sont point exprimés dans le discours, mais qui conviennent au caractère et à la situation du personnage. Le comédien habile ne croit pas que les finesses de son art se bornent au talent de prêter des ornements aux ouvrages dramatiques, il tâche encore d’en sauver les défauts.

Quand on ne peut mettre de finesse sans nuire à la vérité, il est essentiel de préférer le jeu vrai au jeu fin. Il ne faut pas non plus employer une finesse qui suppose dans le personnage une entière liberté de raison, lorsque le trouble qui l’agite ne lui permet pas d’avoir une certaine attention à ce qu’il fait et à ce qu’il dit.

Entre les finesses, les unes, pour être senties, n’ont besoin que d’être écoutées ; d’autres ont besoin d’être vues et même quelquefois ne sont destinées qu’à l’amusement des yeux. Ces dernières rentrent dans ce qu’on appelle jeux de théâtre.
– Finesse dans la manière de dire, finesse dans la pantomime, sont deux grands ressorts du comédien. – Des finesses qui appartiennent au tragique. On croit avec raison, que l’objet de la tragédie est d’exciter de grands mouvements. On conclut de là, que les acteurs tragiques ne peuvent trop continuellement s’y livrer, et l’on se trompe. Souvent il importe que, dans les instants où il semble aux âmes communes qu’ils devraient montrer la plus violente agitation, ils affectent la plus parfaite tranquillité. Les principales finesses de leur jeu sont renfermées dans l’art de savoir employer à propos ce contraste. La tragédie se proposant de ne nous représenter la nature que par ses côtés les plus imposants, le premier devoir des comédiens qui chaussent la cothurne est de donner à chacun de leurs personnages tout l’air de grandeur dont il est susceptible. Jamais un héros n’est plus grand que lorsque de puissants intérêts, des malheurs accablants, de cruelles offenses, de vastes projets, ou de pressants dangers, ne peuvent tirer son âme de son assiette naturelle. Plus l’acteur tragique, sans contredire plus il prouvera son habileté. La faveur éclatante dont Auguste honore Cinna, n’a pu détourner ce dernier de conspirer contre son bienfaiteur. Les desseins de ce fameux conjuré sont découverts. Auguste le mande, pour lui annoncer qu’il connait toute sa perfidie. Qui ne voit que cet empereur imprimera plus de respect, qu’il laissera éclater moins d’emportement, et que, plus il a sujet d’être irrité de l’ingratitude d’un traître qu’il a comblé de biens, et qui veut le priver du trône et de la majesté d’un souverain qui juge, et non la colère d’un ennemi qui insulte ? Qui ne voit aussi que, moins on paraît étonné de la grandeur des projets qu’on a conçus, plus on donne une haute idée des ressources qu’on a pour les exécuter, et que par conséquent Mithridate produira plus cette effet, en communiquant d’un air simple à ses fils, le plan des opérations, par lesquelles il espère abaisser la fierté de Rome, qu’en le leur détaillant avec emphase, et du ton d’un homme qui veut qu’on admire l’étendue de son génie et la supériorité de son courage ?... En analysant ainsi le dialogue d’une pièce ; en évitant que ce qui n’est pas défaut soit regardé comme tel ; en nous cachant les vraies fautes, en les palliant ; enfin en ajoutant un nouvel éclat aux beautés, vous obtiendrez la réputation de jouer la tragédie avec finesse. Pour soutenir cette réputation dans certaines scènes de dissimulation, vous aurez besoin d’une grande délicatesse de jeu. Le talent d’allier dans ces scènes la majesté du cothurne et le manège adroit d’une fausseté artificieuse, n’est donné qu’à un petit nombre d’acteurs et d’actrices. – Après avoir lu ces réflexions, on ne doutera pas que la hauteur des sentiments ne soit une condition essentielle pour jouer la tragédie.

– Des finesses particulières au Comique. Le comique noble nous montre la nature polie par l’éducation ; le comique du genre opposé nous la montre privée de cette culture. A cette différence près, non-seulement les deux genres ont le même objet, celui de nous corriger, ou du moins de nous amuser par la peinture des égarements de l’esprit et des faiblesses du cœur, mais encore ils puisent leurs finesses dans les mêmes sources, dont le nombre se réduit à deux. Les acteurs comiques excitent notre gaité, ou par l’air risible qu’ils prêtent à leurs personnages, ou par le talent qu’ils ont de nous faire rire des autres personnages de la pièce. Il est une infinité de moyens de satisfaire à la première obligation. Celui auquel il faut principalement avoir recours, et de profiter des circonstances qui peuvent servir à faire sortir le caractère de votre personnage. L’homme dont vous nous offrez le portrait est un avare. Deux bougies sont allumées dans sa chambre : il doit naturellement en éteindre une. Vous nous peignez un faux libéral. Il est contraint de faire une largesse, et le hasard veut qu’il laisse tomber quelque monnaie : il doit la ramasser et se hâter de la remettre dans sa bourse. Presque toujours les caractères les plus simples sont mixtes. Chaque imperfection est l’assemblage de plusieurs autres. Sachez donc décomposer le défaut que vous avez à nous peindre, et développez-nous, autant que la constitution de la pièce pourra le permettre, ceux qu’il traîne à sa suite. Nous sommes accoutumés à voir un envieux chagrin et brusque. Un sot paraît toujours content de lui, et croit toujours que les autres doivent l’être. Attachez-vous surtout à copier les tics qui, chez les gens de l’état de votre personnage, ont coutume d’accompagner son ridicule dominant. Représentez-vous un suffisant ? Ayez l’air distrait, et ne regardez que rarement celui à qui vous adressez la parole. Non seulement profitez des moindres circonstances pour faire sortir le ridicule de votre personnage, s’il en a quelqu’un ; non-seulement développez-nous les défauts qui entrent dans la composition de son caractère, et prêtez-lui les tics communs chez les personnes de sa condition ; mais encore, si par hasard l’auteur a négligé de le caractériser par quelque travers, suppléez-y en lui donnant ce qu’on peut vraisemblablement lui supposer. Si vous jouez le rôle du valet d’un parvenu impertinent, qu’on remarque en vous ce que peut sur les domestiques la contagion des mauvais exemples de leurs maîtres. Empruntez le ton et le maintien du fat que vous servez. Lorsque vous serez sur la scène avec quelque honnête artisan, qu’on lise dans vos yeux et dans votre action, le plaisir que les personnes d’une condition riche, ont à humilier quelqu’un dont ils envient la fortune sans la respecter. Voulez-vous d’autres manières de nous faire rire de votre personnage ? Que ses actions soient quelquefois contraires à ses intentions. Nous sommes toujours divertis par un amant qui, transporté d’un violent courroux contre sa maîtresse, veut la fuir, et qui par l’habitude, prend le chemin de l’appartement qu’elle habite ; par un étourdi qui dit fort haut ce qu’il désire tenir secret ; par un balourd qui, chargé de deux lettres pour des maisons situées l’une à droite et l’autre à gauche, ne fait pas attention, en se retournant, que la maison qui était à sa gauche est maintenant à sa droite. – Après avoir songé à rendre votre personnage risible, vous devez chercher, si vous vous proposez de jouer finement, à nous réjouir aux dépens des autres personnages de la comédie. Vous pouvez souvent y réussir avec les seuls secours que la pièce vous offre ; et pour les mettre à profit, vous n’avez qu’à rendre littéralement votre rôle où votre leçon est toute dictée. Une des ressources les plus sûres que vous puissiez trouver dans la pièce, pour divertir le public aux dépens des autres personnages, est l’occasion que l’auteur vous donne de parodier quelques-uns d’eux. Ces imitations sont fréquentes dans la comédie. Elles sont supposées être dictées, tantôt par le ressentiment, ainsi que dans scène du Misanthrope, où Célimène emprunte les tons par lesquels la prude et jalouse Arsinoë a couvert du voile de l’amitié ses discours désobligeants ; tantôt par le simple enjouement comme lorsque Pasquin, dans l’Homme à bonnes fortunes, affectant les grands airs de son Maître, adresse à Marton les mêmes discours tenus par Moncade à cette suivante : « Suis-je bien Marton ?... Adieu mon enfant… Je vous souhaite le bonsoir. »

Autant ces imitations plaisent—elles, quand elles sont rendues avec la finesse convenable, autant deviennent-elles froides et insipides, quand elles n’ont pas cet avantage. Dans ce dernier cas, c’est un portrait sans vie. Dans l’autre, c’est un portrait qui respire et qui pense. Plusieurs personnes de théâtre ne mettront, outre les imitations que nous venons de citer, d’autres différences que celles qu’y supposent la condition et le sexe des personnages. Les artistes d’un ordre supérieur y en mettront de plus délicates. Ils remarqueront qu’il est permis à Pasquin de faire éclater sa malice ; qu’au contraire Célimène doit dissimuler la sienne ; que le valet de l’homme à bonnes fortunes, peut copier tous les tons de Moncade ; mais que la maîtresse du Misanthrope ne peut emprunter que quelques-uns de ceux d’Arsinoë ; que si elle ne doit pas de fort grands égards à une fausse amie, elle s’en doit à elle—même, et qu’il faut qu’elle évite d’amener entr’elles la rupture à un éclat déshonorant, pour l’une ou pour l’autre. Lorsque les grands acteurs ne peuvent tirer de la pièce les secours dont ils ont besoin, ils les tirent de leur propre génie. Guidés par ce maître, ils s’ouvrent plusieurs routes qui les conduisent au but proposé. Souvent c’est un contretemps, qui nous réjouit d’autant plus qu’il cause plus d’impatience à quelque personnage. Deux personnes s’introduisent dans une maison, il importe à l’une qu’on ignore qu’elle y est entrée. L’autre, par le bruit qu’elle fait, s’expose à être découverte. Un maître croit ne pouvoir assez tôt lire une lettre que son valet lui apporte. Celui-ci le désespère par la lenteur avec laquelle il la cherche, ou par l’étourderie avec laquelle il prend un papier pour un autre. Eraste, dans les Folies Amoureuses, ouvre avec empressement le billet qu’Agathe, à la faveur d’un feint délire musical, a trouvé le moyen de lui remettre. On compte qu’il va lire tranquillement ce billet. Tout à coup Crispin interrompt son maître, en répétant à plusieurs reprises les dernières notes chantées par la jeune pupille d’Albert. Cette saillie est très comique, parce qu’on ne peut qu’être agréablement surpris par l’obstacle imprévu qui trouble la lecture d’Eraste. Cette même saillie a de plus le mérite d’être dans la plus exacte vraisemblance, parce que la fureur du chant semble être une maladie, dont nous ne pouvons presque nous garantir, lorsque nous avons entendu beaucoup chanter ou jouer des instruments. De pareils contretemps, inventés et placés avec art, renferment un double avantage. Ils nous font rire, et du personnage qui en est la cause, et de celui qui en souffre quelque incommodité. Nous ne finirions pas, si nous voulions indiquer tous les moyens par lesquels, en représentant un personnage, on nous procure l’occasion de nous moquer des autres personnages de la pièce. Par divers exemples que nous avons rapportés, il est aisé de s’apercevoir que plusieurs finesses contribuent seulement à rendre la représentation plus agréable. Autant qu’il est possible, elles doivent, de même que celles qui sont destinées à la rendre plus vraie, naître naturellement des suppositions établies par l’auteur, et lorsqu’elles n’ont pas cet avantage, on désire du moins qu’elles ne paraissent pas trop recherchées. Surtout il ne faut point vouloir donner de l’esprit à la  personne que vous représentez, lorsqu’elle est censée devoir n’en point avoir, ou n’en avoir que peu. Il ne faut pas non plus employer une finesse qui suppose dans le personnage une entière liberté de raison une certaine attention à ce qu’il fait et à ce qu’il dit. Ces deux règles sont fondées sur une qui est la base de toutes les autres : quand on ne peut mettre de finesse sans nuire à la vérité, il est essentiel de préférer le jeu vrai au jeu fin. A cette maxime, nous ajouterons celle-ci  il est plus sage de n’employer aucune finesse, que d’en hasarder de manquées. En fait d’impressions agréables, nous aimons mieux n’en point éprouver, que d’en éprouver d’imparfaites. Quelquefois, pour vouloir jouer trop finement un rôle, on le joue moins bien. Les traits ingénieux ne réussissent qu’autant qu’ils partent de source, et l’on ne commande pas toujours au génie. Dispensant librement ses richesses, il ne les accorde jamais à qui veut les obtenir de force. Quand il refuse d’aider les comédiens, ils ne doivent point songer à lui faire violence. Pour peu que le jeu soit vrai, il plaira suffisamment au plus grand nombre.

Des finesses appelées jeux de théâtre. Entre les finesses, les unes, pour être senties, n’ont besoin que d’être écoutées ; d’autres ont besoin d’être vues, et même quelquefois ne sont destinées qu’à l’amusement des yeux. Ces dernières se nomment jeux de théâtre. Par rapport aux auteurs dramatiques, l’acception de cette dénomination est moins bornée, mais par rapport aux comédiens, elle signifie seulement ce qui peut faire tableau pour le spectateur. Ainsi que les autres finesses, les jeux de théâtre contribuent à la vérité ou au seul agrément de la représentation. Ceux de la première classe conviennent autant à la tragédie qu’à la comédie. Les autres, au contraire, sont particulièrement du ressort de la comédie.

Plus ceux-ci ont une liaison intime avec l’action de la pièce, plus sans doute ils sont parfaits. Mais cela n’est pas absolument essentiel. Il suffit qu’ils n’y soient pas contraires, et qu’ils soient vraisemblables. En général, il ne peut y avoir trop de jeux de théâtre de toute espèce dans la comédie. Il ne peut en particulier y en avait trop de ceux de l’espèce dont il est ici question. Une comédie est faite pour être jouée, non pour être simplement récitée. Dire qu’elle gagnera beaucoup à la lecture, c’est-à-dire qu’elle manque de plusieurs des agréments qu’on exige dans la représentation. Les jeux de théâtre, qui contribuent à la vérité de la représentation, et ceux qui la servent seulement à la rendre plus agréable, peuvent s’exécuter par une seule personne ou ils dépendent du concours de plusieurs acteurs. Dans deux suppositions, nous voulons que les mœurs soient toujours respectées. Il sied à la comédie d’être enjouée, non d’être libertine. Tout badinage dont les femmes ne peuvent rire avec décence, lui est interdit. On ne lui permet pas même le badinage qui dégénère en plate bouffonnerie. Lorsque les jeux de théâtre dépendent du concours de plusieurs acteurs, ceux-ci doivent se concerter tellement, qu’il règne dans le rapport de leurs positions et de leurs mouvements toute la précision nécessaire. Phèdre enlève l’épée d’Hyppolyte. L’acteur et l’actrice n’ont-ils pas pris leurs mesures avec assez de justesse, pour ne pas se trouver dans cet instant trop éloignés l’un de l’autre ; et pour que l’actrice n’ait pas besoin de chercher l’arme dont elle veut se saisir, alors ce tableau n’a plus l’air vrai. Si, des acteurs étant supposé éprouver la même impression, leur action doit être de même genre, ils ont deux règles à observer. La vraisemblance exige que le degré de leur expression soit proportionné au degré d’intérêt que leurs personnages prennent à l’action qui se passe sur la scène. Dans les images que nous offre le spectacle, de même que dans les tableaux, la figure principale doit avoir toujours sur les autres le privilège de fixer principalement les regards. Il n’est pas moins essentiel dans les jeux dont il s’agit, que les attitudes et les gestes des divers acteurs contrastent ensemble le plus qu’il est possible. Tout au théâtre doit être varié. Nous y portons le goût pour la diversité à un tel point que nous voulons, non seulement que les acteurs diffèrent entre eux, mais encore que chaque jour ils diffèrent d’eux-mêmes, du moins à certains égards. Il n’est pas douteux que la variété ne soit nécessaire aux acteurs qui veulent en même temps primer dans les deux genres dramatiques. Il ne l’est pas non plus, qu’elle ne le soit même à ceux qui se bornent à l’un des deux genres, lorsque dans celui qu’ils choisissent, ils ne se bornent pas à un seul caractère. Surtout il est manifeste que dans ce dernier cas elle est encore plus essentielle à l’acteur comique qu’à l’acteur tragique. Au lieu que celui-ci, même en embrassant tous les genres de la tragédie, et en jouant également dans le tendre, dans le majestueux et dans le terrible, ne représente jamais que des hommes d’un ordre supérieur, et n’a qu’un petit nombre de caractères à copier ; l’acteur qui, dans le comique, n’adopte pas une espèce particulière de rôles, représente des hommes fort distants les uns des autres, par la naissance, par la profession et par les façons de penser et de sentir. Dans une pièce, homme de cour, et dans une autre, simple citadin, aujourd’hui militaire, demain magistrat ; alternativement ingénieux et humble, badin et sérieux, indifférent et tendre, simple et rusé, il doit chaque jour non-seulement changer son extérieur, ses tons et son action mais encore pour ainsi dire, changer de manière d’être. Sur la différence que nous établissons entre l’acteur tragique et l’acteur comique, les comédiens pensent de même que le spectateur. Ils pensent aussi de même que lui sur la nécessité dans laquelle ils sont de prendre diverses formes, lorsqu’ils veulent en même temps chausser le cothurne et le brodequin, et même lorsque, se renfermant dans le genre comique, ils ont l’ambition d’y jouer les rôles de nature différente. Mais il en est qui croient être dispensés de varier leur jeu, dès qu’ils se destinent à ne jouer que des rôles de même nature, et cette erreur produit au théâtre une uniformité qui n’est pas moins déraisonnable qu’ennuyeuse. Quelque ressemblance qui soit entre certains personnages, ils différent toujours par quelques nuances. – Des finesses appelées grâces. Lequel d’un acteur est-il parfaitement vrai ? Est-il fin naturel et varié ? Il lui manquera encore quelque chose, s’il ne joint à ces avantages les grâces du débit et de l’action. En annonçant que tout doit être majestueux dans la tragédie, nous avons renfermé en un seul mot tout ce qu’on peut dire sur les grâces qui lui sont propres. L’art d’emprunter les grâces nécessaires aux acteurs comiques est une des finesses les plus délicates du comique noble. Il est fâcheux qu’il ne soit pas plus aisé de définir cet art, que d’en donner des préceptes : on peut dire seulement qu’en général il consiste à rendre la nature élégante jusque dans ses défauts. Ces sortes de personnages à la vérité sont des plus avantageux qu’il y ait au théâtre, mais plus ils renferment d’agrément, plus ils exigent chez l’acteur cette espèce d’élégance, dont il est question.

Quiconque n’est pas capable de donner à son jeu cette élégance aimable, fera sagement de renoncer au haut comique. Ce vernis séduisant, cet élégance aimable, fera sagement de renoncer au haut comique. Ce vernis séduisant, cet élégant je ne sais quoi qui nous charme dans le jeu comique du genre noble, est partout nécessaire. Il varie selon les tableaux, maison on veut toujours le reconnaître. Il n’importe pas moins, même en représentant des personnages auxquels les agréments paraissent être beaucoup moins essentiels, ne pas négliger ce qu’on peut leur prêter avec quelque vraisemblance. Orgon dans le Tartuffe, est un homme qui a vécu à la Cour, et qui a servi avec distinction dans les armées. C’est nous en présenter une fausse copie, que d’en faire un plat bourgeois dans une petite ville de province.

Dictionnaire de l’art dramatique A l’usage des artistes et des gens du monde Ch. De Bussy Paris, Achille Faure, 1866


 

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