Archet

Petit arc formé d'une baguette

Sorte de petit arc formé d’une baguette, où sont fixés et tendus des crins qui servent, par leur frottement, à mettre en vibration les cordes de certains instruments de musique, ainsi qu’à en accentuer, nuancer et prolonger  volonté les sons.

Les instruments modernes à archet sont : le violon, la viole ou alto, le violoncelle et la contrebasse. Autrefois, le nombre et la variété des formes des instruments à archet étaient beaucoup plus considérables ; tels sont, entre autres, le rébec, qui n’est plus connu que de nom, la basse de viole et la viole d’amour, qui ne se trouvent que chez quelques amateurs d’antiquités et dont peu d’artistes savent jouer actuellement.

L’archet, tel qu’on le fabrique de nos jours, se compose d’une baguette en bois dur et assez souple à la  fois ; c’est le bois de Fernambouc qui est généralement préféré. Cette baguette, taillée avec beaucoup d’art et de soin, est cambrée de façon à former une légère courbe concave à l’égard des crins ; elle va en s’amincissant un peu et insensiblement jusqu’à son extrémité supérieure où se trouve une saillie formant une espèce de bec à mortaise, qu’on appelle la tête ou la pointe de l’archet. Un faisceau de cris de cheval (Le nombre des crins est de cent à cent vingt pour l’archet de violon, et de cent soixante à centre quatre-vingts pour l’archet de violoncelle. L’archet de contrebasse exige des crins les plus forts, et leur nombre varie selon la forme de l’archet, dont les proportions sont moins fixes que celles des autres archets) tous d’égale longueur, et qui est lié avec de la soie, est fixé dans la mortaise de ce bec par le moyen d’un petit coin de bois qui ne laisse point sortir la ligature. L’autre bout de ce faisceau de crins est fixé, de la même manière, dans une pièce mobile en bois ou en ivoire, et qu’on nomme la hausse. Cette hausse, qui va rejoindre le bas de la baguette, s’y adapte de manière de former corps avec elle, s’emboîte dans une mortaise, et par le moyen d’un tenon taraudé, communique à une vis de rappel qui entre dans l’extrémité inférieure de la baguette. C’est en faisant fonctionner cette vis qu’on fait mouvoir la hausse, et qu’on tend ou qu’on détend à volonté les cris de l’archet. La tête de cette vis est une petite pièce en ivoire qu’on appelle le bouton, et qui termine le bas ou le talon de l’archet. Lorsque l’archet est détendu, la courbure de la baguette est détendu, la courbure de la baguette touche le crin ; à mesure qu’on le tend, la courbe diminue, s’éloigne du crin, et, dans sa plus grande tension, la baguette est presque droite. Le degré de tension influe nécessairement sur la qualité du son et sur le jeu. L’exécutant règle cette tension d’après le caractère de la musique qu’il veut rendre, ou selon ses habitudes et la nature de son talent. Afin que le crin morde à la corde, on le frotte avec une sorte de résine appelée colophane.

Les dimensions de l’archet sont subordonnées à celles de l’instrument. L’archet doit être d’autant plus fort et plus court que l’instrument est plus grand, parce que la baguette trop longue, n’offrant pas assez de résistance, est sujette à plier aisément. La longueur de l’archet de violon, depuis l’extrémité du bouton jusqu’à la pointe, est de 72 à 73 centimètres ; il peut aussi servir pour l’alto, cependant cet instrument demande de préférence un archet un peu plus court et plus fort.
L’archet de violoncelle a environ 69 centimètres de longueur ; celui de contrebasse 60 centimètres. L’épaisseur de la baguette a, dans sa partie la plus forte (celle qui reçoit la hausse), un diamètre de  à 9 millimètres pour l’archet de violon, de 10 millimètres pour l’archet de violoncelle, et de 17 millimètres pour celui de contrebasse.

La forme et les proportions de l’archet ont subi de grandes transformations depuis son origine qui nous est inconnue, car toutes les conjectures qu’on a faites au sujet de plectrum des anciens (Voyez Plectrum) ne peuvent faire présumer qu’il fût muni de crins. L’archet eut primitivement une forme semblable  celle d’un petit arc ; la courbure de la baguette était assez forte, il était court, et, d’après un grand nombre de tableaux anciens, on peut conclure qu’il n’avait point de hausse. Jusqu’au commencement du seizième siècle, il conserva cette forme ; on peut s’en convaincre par le célèbre portrait du Joueur de violon, peint par Raphaël. Cependant, parmi les œuvres de ce maître, il existe, dans les loges du Vatican, un trophée d’instruments de musique où l’on voit un archet de basse d’une forme moins arquée et muni d’une hausse ; d’où l’on peut inférer qu’une modification très importante dans l’archet eut lieu dès le commencement du seizième siècle ; dans les peintures postérieures  Raphaël, entre autres dans les Noces de Cana, de Paul Véronèse, les archets ont, de même, une forme assez allongée, et la hausse y est très visible. Mais cette hausse était une petite pièce de bois indépendante de l’archet et s’en détachant à volonté ; elle se plaçait tout simplement entre la baguette et le crin, lequel était fixé aux deux extrémités de la baguette. Telle est, du moins, la structure des archets les plus anciens conservés dans les collections d’antiquités. Pour donner plus ou moins de tension aux crins, l’exécutant avait probablement un assortiment de hausses de différentes dimensions. Plus tard on imagina de fixer le crin dans la hausse, à laquelle on attacha un petit crampon en fer allant entourer la baguette, et qui était arrêté par les crans d’une petite crémaillère permettant ainsi d’élever ou d’abaisser la hausse et de régler la tension des crins. Ce petit mécanisme insuffisant fut enfin remplacé par la vis de rappel rejoignant la hausse dans la mortaise pratiquée dans la baguette, et ce perfectionnement, dont on ignore l’auteur, est déjà très important. Ce ne fut que vers 1870 que le célèbre Tourte, simple artisan de Paris, modifia successivement la forme et les proportions de l’archet moderne, et le porta à un degré de perfection que non-seulement on n’a pas dépassé depuis, mais que les meilleurs ouvriers actuels atteignent à peine ; c’est pourquoi ses archets sont toujours très recherchés, et d’un prix beaucoup plus élevé que tous ceux que l’on fabrique aujourd’hui.

La qualité essentielle de l’archet doit être de se prêter également, d’un bout à l’autre, à la volonté de l’exécutant. A cet effet, tout en le rendant suffisamment élastique, il est important qu’il ne fléchisse point, parce que en fléchissant, le crin se rapproche de la baguette qui, elle-même, finit par toucher les cordes. On comprend qu’avec l’archet en forme d’arc la pression du crin sur les cordes fait d’autant plus plier le bois de l’arc que cette pression est plus forte ; le bois, en cédant, fait aussi céder le crin qui, ne pouvant plus conserver sa tension rectiligne, présente, entre autres inconvénients, celui de toucher plusieurs cordes à la fois. Aussi l’ancienne musique pour instruments à archets contient-elle beaucoup d’arpèges, et est-elle généralement douce, que le style en soit large et posé, ou léger et sautillant. A mesure que le style passionné s’introduisit dans la musique et qu’on éprouva le besoin de varier les accents, ainsi que de donner plus de développement et de hardiesse au jeu de l’archet, on s’appliqua à obvier aux inconvénients de l’archet arqué. On fit la baguette aussi droite que possible ; mais la tension des crins et leur pression sur les cordes la forçait toujours à plier plus ou moins, ou bien la faisait déjeter. Selon l’opinion généralement accréditée en France, ce fut Tourte qui imagina de faire la courbure en sens inverse ; par ce moyen, la baguette devient d’autant plus droite que l’archet est plus tendu, et lorsqu’on appuie sur les crins, ceux-ci au lieu de céder, rencontrent dans la baguette une force de résistance qui tend constamment à les redresser. En vertu de ce principe, l’archet, en conservant toute la souplesse désirable, acquiert toutes les qualités qui permettent la vigueur, la fermeté, la délicatesse et la netteté. Sa structure est tellement bien conçue que, d’un bout à l’autre bout du crin, il peut rendre un son d’une égalité parfaite, ou se prêter  toutes les nuances de l’expression musicale. Un exécutant habile le fait obéir soit dans la ténuité, soit dans l’ampleur, soit dans le rebondissement et la répétition précipitée des sons ; en un mot, dans tout ce qui constitue la nomenclature des coups d’archet. Enfin, ce n’est que depuis le perfectionnement dû à Tourte que l’exécutant peut tirer tout le parti possible des admirables instruments fabriqués jadis à Crémone.

L’archet de contrebasse est le seul qui permette, sans inconvénient, la forme arquée ; un certain nombre de contrebassistes l’ont conservée et la préfèrent ; cette préférence dépend de la manière de tenir l’archet ; en tout cas, comme cet archet est beaucoup plus court que les autres, que la baguette en est très-forte et ne plie point, le crin qui se trouve à assez grande distance de la baguette ne peut jamais la toucher.

Le principe dont Tourte parait être l’inventeur lui permit d’allonger, de 5 à 6 centimètres, l’archet de violon, ce qui donne au jeu plus de latitude et de puissance. Il augmenta aussi le nombre des crins, afin de leur donner plus de prise sur la corde et de rendre le son plus ample. Ce fut aussi Tourte qui imagina la garniture en argent (qu’on nomme le coulant) adaptée à la partie supérieure de la hausse, et qui, en empêchant les crins de se tasser, les maintient à plat de manière à former une sorte de ruban uni.

Nous avons considéré comme un devoir de consigner ici le mérite de cet homme qui, durant sa longue vie (car il est mort à plus de quatre-vingts ans), n’a jamais exercé que sa modeste profession de fabricant d’archets, qui n’était pas même luthier, qui ne savait ni lire ni écrire, et que son instinct et sa rare aptitude amenèrent à rendre à l’art musical un service dont on ne saurait trop signaler l’importance.
De tout ce qui précède, il est aisé de conclure que l’archet, loin d’être un objet secondaire, est, de fait, le principe essentiel des instruments qu’il met en vibration ; c’est par lui que ceux-ci acquièrent une variété et une puissance d’accents et d’inflexions dont aucun autre instrument ne peut approcher.

En résumé, c’est par le moyen de l’archet que l’exécutant fait parler son instrument et lui communique la vie. Aussi est-ce avec raison qu’on dit d’un violoniste ou d’un bassiste qui excelle dans son art, qu’il a un bon coup d’archet, qu’il a un bel archet, un archet brillant, un  archet vigoureux ; ces expressions résument les qualités les plus éminentes qu’un exécutant de ce genre doit posséder.

Dictionnaire de l'Académie des Beaux-Arts. Tome II
Paris, Typographie de Firmin Dido Frères, Fils et Cie, 1868


 

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