Acoustique des Instruments à anche

Introduction générale sur la physique des instrumentistes à vent

Les instruments à anches (simples, doubles ou lippale) ont un comportement commun. On peut dire, très schématiquement, que ces instruments fonctionnent en pression. On s’intéressera aux maximuns de leur impédance d’entrée. Les instruments à embouchure de flûte ont par contre, un mode de fonctionnement en débit (ou, ce qui revient au même en vitesse). Il conviendra donc de s’intéresser aux minimuns de leur impédance sans perdre de vue que cette description peut n’être que très partielle.

Fig. 1. Instrument à vent type
a. la source d'énergie, b. la non linéarité, c. le résonateur

Dans tous les cas, un instrument à vent doit être considéré comme un système à deux parties : une partie linéaire, que l’on caractérise par son impédance d’entrée, et une autre non linéaire, qui a pour rôle essentiel de transformer l’énergie fournie par le musicien sous la forme d’une pression ou d’un débit continu en une grandeur alternative. Avant d’aller plus loin, nous essayerons de donner une idée de ce qu’est un système linéaire et de montrer pourquoi un instruments à sons entretenus (et pas seulement un instrument à vent) est obligatoirement un système non linéaire. Un système est dit linéaire si, excité par une grandeur d’amplitude A, il fabrique une grandeur d’amplitude B et si, excité par une grandeur d’amplitude N fois 1, il produit une grandeur d’amplitude N fois B. On voit facilement que c’est le cas de beaucoup de systèmes physiques, dès lors que N n’est pas trop grand. Pour un instrument à vent, dès que l’on souffle plus fort on sait que l’intensité émise augmente, mais aussi que le timbre se modifie, de même que la hauteur qui change dans des proportions parfois importantes (essayez sur une flûte à bec !) : on ne peut plus parler de système linéaire. Une autre caractéristique d’un système linéaire est de ne pas créer de fréquences nouvelles entre l’entrée et la sortie du système. Dans un instrument à vent, il n’y a pas de « fréquence » à l’entrée. La pression ou le débit dans la bouche du musicien est de fréquence nulle ou presque. Le son émis en comporte un certain nombre, variant selon les instruments de 20 Hz à 20 kHz. Difficiles ici encore déparler de système linéaire. Pourtant, tout ce qui a été dit et vérifié à propos de l’impédance suppose un système linéaire ! La seule partie fortement non linaire d’un instrument à vent est celle qui pose le plus de problèmes au musicien : c’est le système excitable ; c’est lui qui permet le fonctionnement de l’instrument. C’est aussi lui qui donne le plus de soucis aux physiciens. La physique des systèmes dynamiques non linaires, auxquels se rattachent les dispositifs du type anche couplés à un résonateur ou lame d’air-biseau, est un domaine encore mal connu et difficile. Nous nous contenterons ici de l’évoquer.

Fig. 2. Non linéarité

Instruments à anche

Fonctionnement schématique d’un instrument cylindrique (schémas ci-contre)
Comme nous l’avons déjà noté, nous regroupons ici tous les types d’instruments à anche. Notre description, bien que très simple, permet néanmoins de rendre compte de nombre de phénomènes.

La figure 1 représente un instrument schématique.
On a représenté :
- a) la source d’énergie,
- b) la non-linéarité,
- c) le résonateur (ou tuyau, ou instrument de musique).

Fig.3

Comment l’ensemble fonctionne-t-il ?
La figure 2 donne l’allure d’une non linéaire qui pourrait être celle d’une anche de clarinette.
La figure 3 schématise l’ensemble d’événements successifs qui se produisent et donnent lieu à la production d’un son. Initialement, l’instrumentiste commence à souffler. Aussitôt, l’air pénètre dans le tube résonateur, suffisamment pour y créer une augmentation de pression (dans une clarinette, de l’ordre de 40 mbar) avant que l’anche poussée par la pression interne (on suppose le fonctionnement en anche battante) ne referme la communication. Dès sa création (soit à l’instant t=0) cette suppression se propage le long du tube sonore.
La surpression se propage ainsi sans déformation notable jusqu’à rencontrer soit un trou ouvert, soit l’extrémité du tuyau. Arrivée à ce trou ou cette extrémité (nous sommes au temps t= L/c), que se passe-t-il ? Comme on le sait, une onde de pression se réfléchit sur une extrémité ouverte en changeant de signe (voir les textes de J. Kergomard et A. Chaigne dans ce même ouvrage). C’est donc une dépression qui se propage maintenant dans le tuyau et retourne vers l’anche. Arrivée (au temps t=2 L/c) sur cette anche qui, nous le supposons, ferme le tuyau, la dépression ne peut avoir qu’un effet, celui d’attirer l’anche vers l’intérieur du tuyau. La réflexion de la dépression se fait sur l’anche sans changer de signe et la dépression se propage vers l’extrémité (ou le trou). Devant ce trou, le même phénomène se répète, réflexion avec changement de signe et retour d’une surpression vers l’anche. Arrivée au niveau de l’anche, la surpression va aider l’anche à s’ouvrir et à admettre une nouvelle bouffée de pression prélevée dans la bouche de l’instrumentiste, et le cycle recommence.

Il est important de noter les points suivants
- 1) l’onde de pression initiale a parcouru quatre fois la longueur du tuyau avant que l’anche puisse se rouvrir. La période du phénomène est donc, pour une vitesse de propagation « c », de 4. L/c. La fréquence correspondance f= c/ 4. L est celle de la fréquence fondamentale émise.
- 2) A chaque réflexion sur l’extrémité ouverte, une petite partie de l’énergie s’échappe et génère le son. Il y a une perte d’énergie, à laquelle il faut ajouter les pertes viscothermique provenant des divers frottements et échanges thermiques lors de la propagation dans le tuyau. La nouvelle bouffée de pression admise à chaque cycle doit au début, permettre de compenser ces pertes et d’amener le système à un état d’équilibre et passe ce stade, simplement compenser les pertes. La « valeur » de cette bouffée doit donc évoluer en fonction de la pression à l’intérieur de l’instrument. Elle doit être maximale au début et décroître ensuite. On peut étudier ce phénomène à l’aide de la courbe en cloche de la figure 2.

La description précédente suppose l’anche battante, donc fermant totalement le tuyau. Chacun sait que l’instrument fonctionne même si l’anche ne ferme pas le tuyau. La condition d’oscillation est contenue dans la courbe de la figure 2. La différente P0-p doit se trouver dans la zone II. Il est hors de notre propos de justifier ce fait, qui se réfère il est hors de notre propos de justifier ce fait, qui se réfère à des considérations mathématiques sans intérêt ici.
Le schéma précédent doit bien évidemment être relié à la notion d’impédance. C’est celui que l’on rencontre pour un tuyau cylindrique, avec de nombreuses approximations. Un schéma équivalent pour un tuyau simplement conique serait bien plus compliqué. Dans un tuyau cylindrique, les « pics d’impédances » sont bien alignés, ce qui sous-entend que l’onde réfléchie n’est pas (ou est peu) modifiée (sans sa forme) par les diverses réflexions.
On peut également dire que les divers pics coopèrent tous de manière idéale. Ce n’est pas le cas des instruments réels de manière idéale. Ce n’est pas le cas des instruments réels. Le moindre désalignement des pics se traduit par une déformation importante de l’impulsion initiale. On peut en avoir une idée en calculant la fonction de réflexion de l’instrument et en la comparant avec celle d’un tuyau cylindrique (fig 4). La fonction de réflexion se déduit simplement de la courbe d’impédance en utilisant la notion de Transformée de Fourier.

Il est clair que le comportement de l’anche ne sera pas le même dans les deux cas. Mais il n’est pas évident que c’est le comportement correspondant au tuyau cylindrique qui sera le plus musical. Dans les deux cas d’un instrument réel, les pics ne coopèrent pas tous entre eux. L’influence de la clé de douzième sur le doigté de Mi grave d’une clarinette va nous permettre d’illustrer ceci.
L’effet de la clé de douzième sur le doigté du Mi grave d’une clarinette est de diminuer fortement le premier pic de la courbe d’impédance obtenue sans clé de douzième et surtout de décaler ce pic de sorte qu’il soit fortement inharmonique par rapport aux autres. Il ne peut ainsi pratiquement pas coopérer avec les pics suivant (fig 5). L’oscillation, et donc la fréquence émise, va alors correspondre à la hauteur définie par le second pic.

Vincent Gibiat. Ingénieur de recherche au CNRS
article paru dans la revue du CENAM, 1988

Ce texte s’inspire très largement dans sa partie « instrument à anche » de l’article de S et F. de Laloë paru dans la revue Pour la Science et repris dans l’ouvrage de l’orchestre aux éditions Belin. Il correspond au moins dans son esprit, à l’exposé de F. Laloë (Laboratoire de spectroscopie hertzienne) du 19 novembre 1988.


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