Risque de cancer du poumon et pratique d’un instrument à vent

Le tabagisme et la consommation du cannabis, un risque méconnu chez l’instrumentiste à vent
Une raison de plus pour les instrumentistes à vent d’arrêter de fumer

Le cancer du poumon est une pathologie courante dans la population générale. Il représente la première cause de mortalité par cancer. On compte dans le monde près d’un million de nouveaux cas par an chez l’homme, un peu plus de 300 000 chez les femmes, avec une croissance forte de l’incidence chez les femmes, puisque la fréquence a été multipliée par 4 en dix ans chez les femmes de 35 à 45 ans.
Le risque principal est parfaitement connu, et sa prévention également : la consommation du tabac, mais aussi le tabagisme passif qui majore le risque de cancer du poumon de 30 % par rapport à un entourage indemne de tabac. L’usage régulier du cannabis constitue un risque supplémentaire, « la fumée du cannabis contient quatre fois plus de goudrons que celle du tabac, davantage de cancérigènes et son effet bronchodilatateur facilite la pénétration des toxiques ».
Mais, d’autres facteurs interviennent dans la cancérogenèse ; des facteurs génétiques semblent jouer un rôle, il existe un nombre croissant de personnes essentiellement des femmes, n’ayant jamais fumé qui présentent un cancer du poumon.

Cancer du poumon, des risques liés à des expositions professionnelles et de loisir

Les expositions professionnelles jouent un rôle non négligeable, puisqu’elles représentent 15 % de de l’origine des cancers du poumouns chez l’homme. L’exposition à l’amiante est un des cancérogènes reconnus et indemnisé en tant que tel par la sécurité sociale. Il est à noter que certains corps de métier du spectacle ont été exposés à l’amiante, par exemple les intermittents du spectacle spécialisés dans l’éclairage, la mécanique (cascadeur), ainsi que les artistes qui travaillent avec des sources de chaleur et des matériaux d’isolation (amiante). Le métier de cascadeur avait été évoqué comme facteur de risque lors du décès de Steeve McQueen, victime d’un mésothéliome (spécifique d’une exposition à l’amiante). Il avait effectivement étécascadeur en début de carrière (comme son père).
D’autres matériaux, produits ou techniques sont des facteurs de risque de cancer du poumon pour les artistes. Pour les plasticiens, par exemple, poussières de nickel, cobalt, silice, travail du cuir et du textile, de la céramique, du verre.

Plus récemment une équipe de chercheurs [1] a fait une analyse comparative des cancers selon la pratique professionnelle. L’étude cas-témoins s’est intéressée à une population de 130 patients atteints d’un cancer du poumon qui était comparée à une population-contrôle de 187 personnes.
Ils ont analysé précisément les activités professionnelles et de loisir de ces deux échantillons. « Outre le tabac et l’exposition professionnelle à des agents cancérigènes », ces chercheurs ont constaté que « certaines activités de loisir sont des facteurs de risque de cancer du poumon. ». Parmi les patients étudiés atteints de cancer de poumon, il y avait deux musiciens jouant « d’un instrument à vent, alors qu’il n’y avait pas de joueurs d’instruments à vent chez les témoins ». Il s’agissait d’un joueur de clarinette et de trombone qui avaient à cet instrument respectivement 35 et 30 ans de pratique instrumentale. Ils n’étaient pas pour autant des musiciens professionnels, et ils étaient tous deux anciens fumeurs (modérés).
Pour ces chercheurs, le fait que dans la population le nombre de personnes jouant d’un instrument à vent est très faible, est en faveur que cette pratique pourrait être un facteur de risque de cancer du poumon. Une autre étude met en évidence un taux de mortalité accru de cancer de poumon dans d’autres professions artistiques comme les peintres, les potiers, les musiciens et les acteurs.

Ces résultats, bien que ne présentant pas du fait de la faiblesse de l’échantillon, une signification élevée sur le plan épidémiologique, pourraient s’expliquer pour ces auteurs par la technique instrumentale qui repose en partie sur l’inspiration, et la respiration de grands volumes d’air, ce qui pourrait être une cause de fragilisation des alvéoles pulmonaires. La pénétrance de substances cancérigènes pourrait être accrue au niveau de l’épithélium pulmonaire, « et cela pourrait être plus dommageable chez les fumeurs ». [2]

Le tabac, un risque indiscutable

Cette étude suggère plusieurs remarques. Tout d’abord, le risque net, indiscutable essentiel est le tabagisme et rien ne doit vous dissuader de ne pas jouer d’un instrument à vent. Mais tout doit vous amener à engager une réflexion sur le tabagisme et le tabagisme passif, avec une raison supplémentaire si vous êtes instrumentiste à vent, sans vous tromper sur l’origine du risque.
Enfin, Médecine des arts souhaite apporter en conclusion un aphorisme « épidémiologique » de sa création : « à pathologie rare, échantillon large ». L’épidémiologie est une science qui est une véritable spécialité nécessaire pour faire avancer les connaissances sur la santé des artistes. Or un certain nombre de troubles chez les artistes sont relativement rares dans la population générale ; parfois même certains troubles sont spécifiques de la population des musiciens, du moins si l’on analyse la physiopathologie. Le rôle de Médecine des arts c’est aussi de faire avancer la manière de faire les études épidémiologiques menées en direction des artistes (c’est par ailleurs la seule manière de faire des méta-analyses), d’améliorer la méthodologie, la stratégie de l’étude, l’échantillonnage etc. A cela, nous nous employons aussi.

Rédacteur Docteur Arcier André, président fondateur de Médecine des arts®
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Bibliographie

[1] A Ruano-Ravina, A Figueiras, J M Barros-Dios. Musicians playing wind instruments and risk of lung cancer : is there an association ? Occup Environ Med 2003 ;60:143 doi:10.1136/oem.60.2.143.
[2] Minder CE, Beer-Porizek V. Cancer mortality of Swiss men by occupation, 1979–1982. Scand J Work Environ Health 1992 ;18 (suppl 3)


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