Dystonie rare violoniste

Dystonie fixe à ne pas confondre avec une dystonie focale liée à la fonction
Après avoir joué 5 heures à l’occasion d’une manifestation de musique traditionnelle irlandaise, cette jeune violoniste de 20 ans a développé une crampe involontaire du Ve doigt de la main gauche… 

Dystonie fixe, Médecine des arts©

   

Cas clinique

Le cas clinique relaté par Andre Lee, Andreas K. Jahnke, Eckart Altenmuller [1] n’est pas celui de la dystonie focale relativement classique chez le musicien (prévalence 1 à 2 % des musiciens de haut niveau), mais un type de dystonie moins connue et nommée dystonie « fixe ». Il s’agit d’une dystonie rare, qui se distingue des dystonies « mouvantes » ou « mobiles » par le fait que l’on retrouve une posture anormale, vicieuse, fixe, alors que dans les dystonies « mouvantes » vient se greffer en plus un mouvement parasite, déclenché souvent (mais pas toujours) par un mouvement volontaire comme le geste musical.


Discussion clinique

Dystonie fixe
Après avoir joué 5 heures à l’occasion d’une manifestation de musique traditionnelle irlandaise, cette jeune violoniste de 20 ans a développé une crampe involontaire du Ve doigt de la main gauche qui se plaçait en adduction coexistant avec une cyanose de la main. Elle développait une dystonie fixe avec le Ve doigt chevauchant le IVe doigt, une flexion de l’interphalangienne distale et une extension de la métacarpo-phalangienne des deux doigts.
Pour préparer ce concert, elle avait joué de longues heures, 8 heures par jour. Cette jeune violoniste avait commencé le violon à 6 ans.
Elle avait connue auparavant deux épisodes en 2008 et 2010 d’incoordination des mêmes doigts à l’occasion d’événements musicaux qui avaient nécessité une préparation assidue de 6 à 10 heures par jour. Ces épisodes étaient survenus au décours d’un syndrome douloureux en relation avec une surutilisation lié à ces longues heures de pratique. Un traitement antalgique et le repos avaient permis la rémission des symptômes au bout de quelques jours sans qu’il n’y ait l’apparition d’une dystonie fixe à ces occasions.
L’examen clinique était normal en dehors de l’hypertonie des muscles fléchisseurs des IVe et Ve doigts de la main gauche qui était constatée. L’ensemble des examens complémentaires étaient normaux (IRM, électrophysiologie). Aucun trouble neurologique familial n’était retrouvé dans les antécédents.
Les traitements entrepris, physiothérapie, L Dopa, diazépam, etc. n’ont apporté aucune amélioration. Une injection de toxine botulique au niveau des muscles hypertoniques ont entraîné la rémission rapide et totale de la dystonie dans les premiers jours.
L’effet thérapeutique s’est estompé au bout de 8 à 10 semaines ; tandis que la dystonie fixe disparaissait, une dystonie spécifique à la tâche apparaissait sur le Ve doigt, le IVe doigt conservant un fonctionnement normal.

Ce cas clinique permet de mettre l’accent sur certains points : un syndrome douloureux complexe régional ou algosdystrophie sympathique réflexe (CRPS Complex regional pain syndrom) peut survenir dans le cadre d’un traumatisme, d’un syndrome de surutilisation. Il est caractérisé par une douleur et des troubles neuro-trophiques et vaso-moteurs [2]. Environ 25 % des cas de CRPS évoluent vers une dystonie de fonction fixe. [3]

  • La dystonie « fixe » est un mode de révélation classique de nombre de dystonies. [4]
  • La dystonie fixe apparaît plus volontiers chez les femmes (dans 80% des cas) [5].
  • Une origine psychogène a été évoquée dans les cas de dystonie fixe (36 % des cas selon Schrag [5] [6] [7]. L’analyse clinique de cette jeune violoniste permet d’écarter cette hypothèse.

Ce cas clinique rare, d’une jeune violoniste atteinte d’une dystonie fixe au décours d’un syndrome douloureux régional complexe évoluant vers une dystonie focale, permet de mettre l’accent sur le rôle des facteurs environnementaux tels que les syndromes de surmenage douloureux dans certaines formes de dystonie [8]. Pour les auteurs, le fait de l’apparition rapide de cette dystonie fixe après un syndrome algique périphérique, ainsi que la résolution rapide de la dystonie fixe avec un traitement botulique plaide pour une origine fonctionnelle de la dystonie fixe.

 

Classification des dystonies

1. Dystonie idiopathique ou primaire
Il s’agit d’un trouble dystonique permanent ou transitoire, focal ou généralisé, totalement isolé sur le plan clinique, sans anomalie structurelle mise en évidence. Une cause génétique peut être retrouvée ou non. Ce concept repose sur l’idée de pathologie « fonctionnelle ».
2. Dystonie syndromique ou « Dystonie plus »
La dystonie s’accompagne ici d’autres troubles neurologiques ou cliniques distincts, mais tout comme les dystonies idiopathiques, sans anomalie structurelle démontrable par les moyens d’investigation actuels. Cette catégorie se distingue donc des dystonies idiopathiques, en ceci qu’il existe d’autres anomalies neurologiques, et des dystonies hérédo-dégénératives par le fait que les troubles précités n’entrent pas dans le cadre d’une maladie neurodégénérative.
3. Dystonie secondaire
L’anamnèse permet, dans ce cas, de mettre en évidence une cause exogène, souvent avec une certitude élevée. Les examens complémentaires démontreront alors presque toujours le caractère secondaire de la dystonie.
4. Dystonies paroxystiques
Cet ensemble de pathologies se caractérise par le fait que la dystonie (qui revêt ici les caractéristiques de pureté des troubles idiopathiques) n’est ni progressive ni permanente, elle survient par accès déclenchés par certains mouvements brusques (dystonie kinésigénique), un exercice prolongé (dystonie induite par l’exercice) ou par d’autres circonstances (thé, alcool, café). Le retour à la normale entre les accès est la règle.
5. Dystonie hérédo-dégénérative
Dans ce cadre, la dystonie souvent généralisée est assez rarement au premier plan, s’accompagnant de troubles divers, multisystémiques, neurologiques et viscéraux souvent évocateurs. Le caractère, presque toujours inéluctable, progressif de ces affections (tant sur le plan viscéral que neurologique) en fait toute la gravité. Ici, les examens complémentaires permettront de mettre en évidence les lésions structurelles dégénératives causant, entre autres, la dystonie, qui n’est alors qu’un symptôme parmi d’autres.
 [9]

Rédacteur Docteur Arcier, président fondateur de Médecine des arts®
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Bibliographie

[1] Andre Lee, Andreas K. Jahnke, Eckart Altenmüller. Fixed Dystonia of the left hand in a violinist : a rare functional disorder. Tremor and other hyperkinectic movements. 2013 ; 3 : tre-03-184-4272-1.
[2] Veldman PH, Reynen HM, Arntz IE, Goris RJ : Signs and symptoms of reflex sympathetic dystrophy : prospective study of 829 patients. Lancet 1993, 342:1012-1016.
[3] Allen G, Galer BS, Schwartz L : Epidemiology of complex regional pain syndrome : a retrospective chart review of 134 patients. Pain 1999, 80:539-544.
[4] Albanese A. Dystonia : clinical approach. Parkinsonism and related disorders, 2007, 13, 356-361
[5] Schrag A. The syndrome of fixed dystonia : an evaluation of 103 patients. Brain 2004 ;127:2360–2372.
[6] Edwards MJ, Bhatia KP. Functional (psychogenic) movement disorders : merging mind and brain. Lancet Neurol 2012 ;11:250–260.
[7] Hawley JS, Weiner WJ. Psychogenic dystonia and peripheral trauma. Neurology. 2011 Aug 2 ;77(5):496–502.
[8] Jankovic J. Can peripheral trauma induce dystonia and other movement disorders ? Yes ! Mov Disord 2001 ;16:7
[9] Z. Jedidi, F. Scholtes, B. Kaschten, D. Martin. Comment j’explore… les troubles dystoniques : un guide simple et pratique. Revue Med. Liège 2009 ; 64 : 11 : 592-597.



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