Cou, hauteur laryngée et longueur des cordes vocales

Cou et voix chantée
Hauteur laryngée, proéminence de la pomme d’Adam et dimensions des cordes vocales en fonction de la morphologie

Portrait de Jeanne Hébuterne Modigliani

Question

Quand il m’arrive d’aider une soprane à repérer son larynx par palpation, j’ai l’impression qu’il est juché plus haut dans le cou que mon larynx de contralto (saillant, en rostre, et qui fait penser un peu à une pomme d’Adam !) ne l’est dans le mien. Il se trouve presque là où je cherche mon os hyoïde . Pure fantaisie ? Subjectivité de la sensation sur son propre corps ?
N.N. Professeur de technique vocale

Réponse

Chez les personnes qui possèdent un long cou, l’adaptation osseuse se manifeste au niveau de la dimension des vertèbres qui sont plus allongées que les vertèbres des cous moyens. C’est le même type d’adaptation qui se produit pour les individus de grande taille qui ont des fémurs et des tibias plus longs que ceux des individus de taille moyenne.
Le larynx étant posé sur le dernier anneau de la trachée, pour évaluer la hauteur laryngée d’un sujet au repos, plutôt que de prendre le menton comme référence, il me paraît plus judicieux de se référer à la ligne des épaules qui passe par la base du cou. Sans cela, la position du larynx paraîtra plus basse pour un chanteur possédant un long cou que pour un chanteur doté d’un cou moyen ou court, alors qu’il n’en est rien, ainsi que le montre le schéma ci-dessous, sur lequel il apparaît de façon évidente que, bien que les larynx (réprésentés par un cercle rouge) soient à la même distance de la base du cou, le larynx du sujet qui a un long cou donne l’impression d’être beaucoup plus bas que celui du sujet dont le cou est court.

Fig. 1
Silhouette d’un sujet bréviligne et
d’un sujet longiligne avec leur larynx à la même hauteur

Quant à la proéminence de votre pomme d’Adam, elle est liée au degré d’ouverture des lames quadrilatères du cartilage thyroïde (Fig.2). Imaginons que vous posez un livre droit devant vous, comme un écran d’ordinateur, le dos vers l’arrière. Lorsque vous l’ouvrez en grand, les deux pages cartonnées qui constituent la couverture (les lames quadilatères ou ailes du cartilage thyroïde) sont dans le prolongement l’une de l’autre et la reliure (la pomme d’Adam) n’est pas apparente puisqu’elle se trouve dans le même alignement que la couverture. Mais au fur et à mesure que vous refermez votre livre, la reliure va être de plus en plus proéminente. Par conséquent, dans la mesure où votre larynx possède une structure morphologique qui est adaptée aux dimensions de votre cou (étroit dans l’axe transversal mais développé dans l’axe antéro-postérieur), les lames du cartilage thyroïde dont l’expansion latérale est limitée sont resserrées et la pomme d’Adam sera très saillante. En revanche, chez votre élève soprano dont le cou est plus large dans l’axe transversal, les ailes du thyroïde forment un angle plus ouvert et la pomme d’Adam est moins visible.

Larynx, vue postérieure. Fig. 2
1. Épiglotte ; 2. Cartilage thyroïde ; 3. Ligament vocal ; 4. Cartilage cricoïde ;
5. Trachée ; 6. Os hyoïde ; 7. Corne supérieure du cartilage de la thyroïde ;
8. Membrane thyro-hyoïdienne ; 9. Cartilage corniculé ;
10. Cartilage aryténoïde ; 11 Corne inférieure du cartilage thyroïde

L’angle intra-thyroïdien, qui est l’angle formé par les deux ailes du cartilage thyroïde, a une incidence sur la longueur des cordes vocales et, par voie de conséquence, sur la hauteur de la voix. En effet, les sujets de type longiligne ont théoriquement des cordes vocales plus longues et donc des voix plus graves, parce que le diamètre antéro-postérieur de leur cou est beaucoup plus développé que le diamètre transversal, ce qui entraîne la fermeture de l’angle intra-thyroïdien.
En voici la démonstration sur deux types de larynx dont les ailes sont strictement de la même longueur. Les schémas représentent deux cartilages thyroïdes vus de dessus.
• En noir le cartilage thyroïde qui a la forme d’un livre ouvert vers l’arrière et dont la couverture correspond à l’aile ou lame quadrilatère.
• En rouge, les deux cordes vocales en adduction (accolées) qui s’insèrent :
  vers l’avant, à l’angle interne du cartilage thyroïde (à l’endroit de la pliure du livre),
  et vers l’arrière, aux deux petits cartilages de forme pyramidale qui les font se mouvoir. Ce sont les cartilages aryténoïdes qui ne figurent pas sur ces schémas très simplifiés (Cf. Fig. 1)

Voici tout d’abord le schéma de la partie supérieure du larynx d’un sujet bréviligne, ainsi que la section de son cou qui est court et large parce que plus développé dans l’axe transversal que dans l’axe antéro-postérieur. De ce fait, les ailes du cartilage thyroïde ont la place de se déployer latéralement et leur angle est plus ouvert :

Voilà maintenant la partie supérieure du larynx d’un sujet longiligne, ainsi que la section de son cou qui est long et étroit latéralement car davantage développé dans l’axe antéro-postérieur. Les ailes du cartilage thyroïde n’ayant pas d’expansion latérale, l’angle qu’elles forment est fermé, d’où une pomme d’Adam proéminente, même chez les femmes !

Fig. 3 (gauche) Sujet bréviligne.
1. Pomme d’Adam ; 2. Aile du cartilage thyroïde ; 3. cordes vocales
Fig. 4 (droite) Sujet bréviligne
cou long étroit

On constate donc que les cordes vocales du sujet bréviligne sont plus courtes parce que son angle intra-thyroïdien est plus ouvert, alors qu’elles sont plus longues chez le sujet longiligne dont l’angle intra-thyroïdien est plus fermé. Par conséquent, la longueur des cordes vocales dépend du degré d’ouverture de l’angle que forment les ailes du cartilage thyroïde.
Les sujets brévilignes dotés d’un cou large et court auront donc des voix plus aiguës que les sujets longilignes qui possèdent un cou long et étroit. Entre ces deux types extrêmes, il existe des morphotypes intermédiaires ainsi que d’autres paramètres qui entrent en ligne de compte et qui font que les archétypes du ténor petit et trapu et de la basse grande et mince ne sont pas toujours respectés, mais ceci explique que pendant très longtemps, on ait pu classer les voix des élèves de chant en fonction de leur morphotype.

Rédacteur : Nicole Scotto Di Carlo, odologue  Directeur de Recherche Emérite LPL - UMR 6057 CNRS
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Iconographie

Modigliani : détail du portrait de jeanne Hébuterne

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