Tradition

Tradition et Théâtre

On ne doit point confondre la tradition avec les traditions. La première, spéciale à la Comédie-Française, revêt un caractère de généralité, et se rapporte à la façon de parler, de dire, de comprendre et de jouer un rôle. Les traditions, qui sont de mise dans tous les théâtres, concernent certains jeux de scène d’un genre particulier, certains mouvements et même certains mots ajoutés à la mise en scène ou au texte primitifs, et qui sont destinés à obtenir un effet soit dramatique, soit le plus souvent comique, dont l’auteur n’avait pas conçu la pensée. La tradition est le plus souvent insupportable, en ce sens que, si on l’observait à la lettre, elle pétrirait tous les comédiens dans le même moule et apporterait au théâtre la plus désolante uniformité. On voudrait l’imposer à des comédiens du talent le plus opposé, du tempérament le plus divers, sans tenir compte du physique, des facultés des aptitudes particuliers à chacun d’eux.

Certainement l’art du théâtre, comme tous les autres arts, repose sur des lois générales, sur des données premières et raisonnées qui veulent être respectées ; mais il y a loin de là à vouloir obliger tous les comédiens à marcher, à parler, à se mouvoir, à rire et à se moucher de la même manière. Les principes généraux de la diction théâtrale et de l’action scénique doivent assurément être inculqués aux jeunes comédiens ; mais il ne faut pas les asservir à l’observance rigoureuse de détails puérils qui leur enlèverait toute initiative et toute originalité. C’est ce dont on ne se rend pas toujours suffisamment compte sur notre grande scène littéraire, où les nouveaux venus, à qui l’on oppose sans cesse « la tradition, » ont la plus grande peine à faire admettre dans leur jeu quelque nouveauté et quelque personnalité.
 

Dictionnaire pittoresque et historique du théâtre d‘Arthur Pougin, 1885

 

Du latin traditio

Tout ce qui se transmet oralement d’une génération à l’autre. Toute tradition n’est pas bonne, et il n’en faut suivre aucune sans l’examiner. Le système des traditions favorise la paresse des talents médiocres, en même temps qu’il met des entraves au génie. L’artiste prudent se servira de la tradition comme le littérateur se sert du commentaire d’un passage difficile : il examine si avant lui tel rôle a été bien saisi ou telle situation bien sentie, et il l’adoptera ou la rejetera selon qu’il la trouvera vraie ou fausse ; mais il doit bien se garder de copier servilement le jeu et la déclamation de son prédécesseur : si l’un et l’autre ont été vrais, il se les appropriera tellement qu’ils paraîtront lui appartenir. Ce n’est que dans ce sens qu’il est permis à l’acteur de copier, parce que rien ne peut le dispenser d’étudier et de sentir lui-même son rôle. Qui a fait les traditions ? Ce sont les acteurs. De nouveaux acteurs peuvent donc en établir aussi qui vaillent les anciennes, et même qui vaillent mieux ; si l’on n’osait pas innover, où en seraient les arts ? Il n’a pas fallu peu de courage aux grands acteurs pour secouer le joug des traditions ; et de nos jours il y aurait peut-être encore bien des choses à faire pour s’affranchir tout-à-fait. Les mœurs changent ; ces changements doivent avoir lieu au théâtre destiné à en offrir la peinture fidèle. Rester dans l’ornière de la routine est le fait de la médiocrité ; le véritable talent prend, des traditions, ce qui est de tous les temps et de tous les lieux, et il le combine avec ce qu’il doit au présent.

Dictionnaire de l’art dramatique A l’usage des artistes et des gens du monde Ch. De Bussy Paris, Achille Faure, 1866


 

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