Thomassin

Comédien

Vicentini Thomaso Antonio, connu sous le nom de Thomassin, né à Vicence, était un des principaux acteurs qui furent choisis par le sieur Riccoboni le père, pour former la troupe italienne qu’il amena en France en 1716, par ordre du régent. Thomassin y jouait les rôles d’Arlequin, et continua jusqu’à sa mort de remplir cet emploi. Le moindre mérite de cet admirable modèle, qui n’a eu, jusqu’à l’arrivée du sieur Bertinazzi (Carlin), que de mauvaises copies, ainsi que le fameux Dominique Biancolelli [1], fut celui d’être un excellent Arlequin. Sa souplesse, sa gaieté naturelle et les grâces de sa balourdise, auraient suffi pour lui mériter cet éloge ; mais la nature en avait fait un grand acteur, à prendre ce terme dans son acception la plus étendue. Vrai, naïf, original, pathétique, au milieu des ris qu’il excitait par ses bouffonneries, un trait, une réflexion dont il faisait un sentiment par sa manière de la rendre, arrachait des larmes et surprenait l’auteur lui-même, aussi bien que le public ; et cela malgré l’obstacle d’un masque qui semble avoir été imaginé pour faire peur autant que pour faire rire ; souvent même après avoir commencé par rire  de la façon dont il exprimait la douleur, on finissait par éprouver l’attendrissement dont on le voyait pénétré.
Enfin, il serait difficile de définir le jeu de cet acteur qui a si longtemps fait les plaisirs du public, et d’en donner une idée juste à ceux qui n’ont pu le voir ; c’était une espèce de balourdise spirituelle, un air gauche, embarrassé, quoique plein de souplesse et de grâce ; la niaiserie d’un enfant, bien différente de celle d’un sot ; un jeu muet qui ne se bornait pas aux mouvements des mains et des bras, mais qui s’étendait depuis la tête jusqu’aux pieds, et qui faisait de chaque articulation de son corps un organe intelligible : dans sa douleur, quelquefois comique et quelquefois attendrissante, tous ses muscles étaient d’excellents interprètes ; son cou flexible, sa taille mobile comme le corps d’un serpent, ses genoux tendus ou tremblants, tout en lui peignait la passion dont il était agité ; l’illusion était si complète qu’on oubliait quelquefois que son visage était couvert ; son masque immobile s’animait et semblait se mouvoir ; on croyait apercevoir un sourire ou voir couler ses larmes. Thomassin, après avoir longtemps fait les plaisirs de la capitale, mourut à Paris le 19 août 1739 des suites d’une longue et douloureuse maladie, emportant avec lui les regrets de ses camarades et ceux d’un public juste admirateur du vrai mérite. Il légua sa batte et son masque à Carlin Bertinazzi, qui fut digne de lui succéder par ses mœurs et son rare talent.

[1]. Dominique Biancolelli, qui était ce fameux arlequin dont on a tant parlé, et que l’on cite encore tous les jours avec admiration, mourut en 1688 ; on lui prête l’anecdote suivante.
Les comédiens Italiens faisaient construire leur salle. Dominique leur appartenait par ordre de monseigneur le duc d’Orléans, régent. Dans un comité il avait été résolu de placer quelques instants de réflexion, se révêt de ses habits d’arlequin, prend un manteau, et se rend à l’abbaye de Saint-Victor. Parmi les chanoines de ce chapitre était Santeuil, qui composait ces hymnes sacrées que l’église catholique chante encore tous les jours avec respect. Dominique monte à la cellule du chanoine : il frappe, on ouvre ; il entre, quitte son manteau et tourne tour autour de la chambre en faisant tous ses lazzis d’arlequin. Santeuil étonné lui demande qui est « Je suis le Santeuil de la Comédie-Italienne, répond Dominique. – Et moi le Dominique de Saint-Victor, répliqua Santeuil qui reconnut Dominique ; et chacun d’ajouter aux lazzis. Dominique  expose le sujet de son voyage satisfait prend son manteau, et se retire. Lors de l’ouverture du théâtre, on lut sur le rideau la devise par Santeuil. On la lit encore de nos jours sur celui de l’Opéra-Comique.

Galerie dramatique, ou Acteurs et actrices célèbres qui se sont illustrés sur les trois grands théâtres de Paris. 1809


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