Théâtres d’enfants

Pendant longtemps, et à de nombreuses reprises, on a vu à Paris des théâtres dans lesquels la comédie était jouée par des enfants dont la grâce et la gentillesse attiraient le public. Dès l’année 1662, un organiste de Troyes, nommé Raisin, qui s’étai attiré la protection de Louis XIV, obtenait de ce prince la permission d’ouvrir à la Foire de Saint-Germain un théâtre qui prenait le titre de Troupe des Petits Comédiens Dauphins ; ce théâtre vécut peu, mais assez pourtant pour pouvoir fournir à la Comédie-Française quelques artistes tels que le fameux Baron et les deux Raisin, fils de l’organiste. Vers 1777 on voyait s’ouvrir au Ranelagh, sous le titre de Petits Comédiens du Bois de Boulogne, un établissement du même genre. _ En 1779, on inaugurait sur le boulevard du Temple un Théâtre somptueux qui prenait le nom de Théâtre pour les élèves de la danse de l’Opéra, et dans lequel on jouait de grands ballets dansés et mimés, en effet, par les jeunes élèves de l’école de danse de l’Opéra. En 1784, on ouvrait au Palais-Royal le Théâtre des Petits Comédiens de S. A. Mgr le comte de Beaujolais, théâtre où des marionnettes d’abord, des enfants ensuite, jouèrent des comédies et des opéras-comiques qui attiraient la foule. La Révolution vit se multiplier les théâtres d’enfants, et nous donna entre autres ceux des Jeunes-Artistes (rue de Bondy), des Jeunes-Élèves (rue de Thionville) et des Jeunes-Comédiens (Jardin des Capucines), où commencèrent leur carrière des artistes tels que Lafont, Firmin, Lepeintre aîné, Monrose père et Virginie Déjazet. Plus tard, sous le gouvernement de Juillet, on eut le théâtre Comte, pour lequel fut construite la salle occupée aujourd’hui par les Bouffes-Parisiens, et le Gymnase-Enfantin. A cette époque la province elle-même fut sillonnée, pendant plusieurs années, par une troupe enfantine spécialement réunie à son intention par une comédienne nommée Mme Castelli, et qui prenait le nom de troupe Castelli.
Cependant, on finit par s’apercevoir qu’il y avait quelque chose de cruel à faire ainsi travailler d’infortunés enfants, dont quelques-uns n’avaient pas plus de cinq ou six ans, et à abuser de leurs forces physiques et intellectuelles dans un âge où elles doivent, au contraire, se développer en toute liberté. D’autre part, on découvrit aussi que, pour ceux qui étaient plus âgés, la promiscuité des sexes était fort loin d’être un élément d’honnêteté et de moralisation. Aux environs de 1848, des ordonnances très sévères interdirent formellement les théâtres d’enfants, qui durent disparaître sans retour. Le dernier connu fut le théâtre Comte, qui dut se transformer, et où les enfants firent place à des acteurs plus avancés en âge.
Dictionnaire pittoresque et historique du théâtre d‘Arthur Pougin, 1885


 

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