Syndrome du canal carpien. Le traitement. Chapitre III

Traitement chirurgical du canal carpien

La chirurgie du canal carpien est une intervention extrêmement fréquente puisqu’on en réalise 79 000/an en France.
Le traitement chirurgical consiste à sectionner le ligament annulaire afin de diminuer la pression qui s’exprime sur le nerf médian logé à l’intérieur de ce canal.
L’indication de la chirurgie est portée le plus souvent en présence d’une forme résistante au traitement conservateur, ou dans les formes jugées sévères à l’étude électromyographique.
Si l’orientation stratégique privilégiée chez les artistes est en faveur d’un traitement conservateur, un acte chirurgical peut s’avérer nécessaire car s’il est important d’éviter un acte chirurgical, il est plus important encore de ne pas passer à côté d’un acte chirurgical nécessaire. En effet le musicien, le circassien, le plasticien ont besoin d’une qualité extrême de leurs sensations, de la motricité, car la moindre altération peut entraîner de graves conséquences, par exemple chez un instrumentiste à cordes, un acrobate, un jongleur, et le traitement doit se mettre en place sans retard. Des éléments cliniques péjoratifs, des résultats d’examens, EMG notamment, montrant une atteinte du nerf médian doivent faire poser l’indication chirurgicale. Dans ce cas, les consultations pluridisciplinaires que proposent Médecine des art® sont intéressantes car elles permettent dans un même temps, dans un même lieu, d’examiner, au-delà de l’examen clinique, l’artiste à l’instrument ou pour les circassiens sur des vidéos, dans le cadre d’avis interdisciplinaires (chirurgien de la main, rhumatologue, neurologue, ergonome etc.).
En cas de forme objective ou en l’absence d’efficacité pendant six mois de traitement médical bien conduit, un traitement chirurgical peut être proposé.

Les techniques chirurgicales
Plusieurs options techniques existent, toutes consistent à sectionner le ligament annulaire du carpe (rétinaculum des fléchisseurs) dans le but de diminuer la pression au sein de ce canal.
L’intervention se déroule le plus souvent en ambulatoire et peut bénéficier d’une anesthésie locale (on endort seulement la main) ou régionale (on endort tout le bras), de manière plus rare d’anesthésie générale.
On distingue deux approches chirurgicales, la technique à ciel ouvert ou exocanalaire et la technique endoscopique ou endocanalaire.

La chirurgie à ciel ouvert
Quelle que soit la technique utilisée, les voies d’abord se sont progressivement modifiées ces dernières années au profit d’incisions plus limitées, au détriment des voies d’abord extensives ; la longueur des incisions est actuellement de 2 à 3 cm.
Ont été décrites parmi ces techniques à ciel ouvert d’une part les techniques mini-invasives, et d’autre part les techniques traditionnelles (classiques)
Les techniques mini-invasives
"Après de nombreuses années de discussions dans les années 1990, au sujet de la chirurgie à ciel ouvert versus l’endoscopie, la majorité des auteurs s’accordent à proposer des techniques "mini-open" (endoscopie, couteau rétrograde à lumière froide). Le progrès résulte de l’absence d’incision sur le talon de la main, zone d’appui à protèger." [9]

Techniques mini-invasives (ou mini-open)

  • la seule voie courte
    l’incision est longitudinale, tracée dans l’axe du 4e doigt faisant en moyenne 2 cm. Les mini-écarteurs ont été utilisés pour faciliter l’identification du rétinaculum des fléchisseurs, qui a été divisé avec des ciseaux sous le contrôle direct de la vue.
  • la double voie courte
    Dans la double voie courte, la première incision transversale de 1 cm a été exécutée au niveau du pli de flexion du poignet. La partie proximale de rétinaculum des fléchisseurs est incisée avec des ciseaux sous le contrôle direct. Puis on passe un instrument de Kocher, dans le canal carpien. Une deuxième incision, longitudinale de longueur 2 cm a été faite au site de saillie sous-cutanée de Kocher. Par cette incision, on divise la partie distale du ligament avec des ciseaux sous le contrôle direct de la vue.

Chirurgie classique ou traditionnelle
La technique de section du rétinaculum des fléchisseurs à ciel ouvert est la plus ancienne.
La chirurgie classique comporte la section de toutes les structures qui sont superficielles par rapport au contenu du canal carpien (peau, aponévrose palmaire superficielle, ligament annulaire antérieur du carpe). L’incision doit répondre à quelques exigences : éviter les branches nerveuses cutanées, permettre la section complète du LAAC et parfois l’exploration du Canal Carpien.

chirurgie du canal carpien

Les techniques endoscopiques (voie endocanalaire)
Techniques qui ont vu les premiers résultats publiés en 1990. Les deux techniques les plus utilisées sont la technique à une voie utilisant le matériel de Agee et les deux techniques à deux voies dérivées de la technique de Chow deuxième manière.

technique endoscopique (canal carpien)

Quelle que soit la technique utilisée (à l’exception du Camitz), la mobilisation post-opératoire est possible. Il n’y a pas de preuve dans la littérature sur l’efficacité du port d’attelle en postopératoire ni de la rééducation postopératoire. [10]

Comparaison des techniques chirurgicales
Il existe un certain nombre d’inconvénients qui peuvent être observés au décours d’une chirurgie du canal carpien. Il s’agit d’abord de la faiblesse de la poigne (« grasp »). Cette diminution de la force est bien connue et se normalise en 4 à 6 mois selon les séries. Il existe également des douleurs cicatricielles et latérocicatricielles au niveau de la base des éminences thénar et hypothénar (« douleurs du talon de la main » ou « pillar pain »). D’autres inconvénients postopératoires sont classiques telle la récidive du syndrome du CC ou l’apparition d’un névrome douloureux des branches nerveuses cutanées ou de l’anastomose médio-cubitale. La survenue d’une algodystrophie est toujours possible, sa fréquence est mal connue.
Les arguments des défenseurs de la technique endoscopique sont que la méthode produit des traumatismes tissulaires moins importants, permettant ainsi une réduction de l’intensité et de la durée des douleurs, une récupération plus rapide de la force de la poigne et une réduction de la durée de l’arrêt de travail.
Les arguments des détracteurs de la technique endoscopique sont les suivants :

  •   cette technique est plus complexe et exige donc une grande expérience du chirurgien.
  •   Le risque de complications (notamment la section du nerf médian ou de l’une de ses branches, de l’arcade superficielle ou du nerf cubital et une neurapraxie du nerf médian) serait plus élevé notamment pendant la phase d’apprentissage. [1]

L’étape post-opératoire

Si la rééducation est le plus souvent facultative pour la population générale, on ne peut que conseiller aux personnes qui ont une activité manuelle sophistiquée de s’entourer de conseils qualifiés. Un instrumentiste, altiste, violoniste, pianiste, aura tout intérêt à suivre quelques séances de rééducation chez un kinésithérapeute spécialisé pour le musicien. Ainsi il pourra bénéficier d’un retour plus précoce à son instrument, tout en ayant des conseils précis pour utiliser une ergonomie du geste plus conforme à la physiologie articulaire.
La prescription d’une attelle de repos postopératoire pour quelques jours n’est pas univoque. En postopératoire, la mobilisation immédiate des doigts permet de lutter contre les adhérences postopératoires.
Les résultats, dépendants de la gravité de la compression nerveuse sont, en règle :

  •   disparition immédiate des douleurs nocturnes (le soir même de l’opération)
  •   disparition progressive des engourdissements (plusieurs semaines)
  •   réapparition progressive de la sensibilité (de quelques jours à quelques mois)
  •   La force, de même que l’indolence de la paume, se normalise progressivement. La main est « oubliée » généralement entre 3 et 6 mois.
  •   La reprise de travail est très variable, notamment en fonction du type d’activité artistique. Elle varie de 10 jours pour les activités les plus légères à un mois environ pour les activités de force soutenue. Des précautions complémentaires devront être précisées pour des activités particulières pour les circassiens (certaines pratiques, activités exigeantes sur le plan de la sécurité notamment) ou pour les plasticiens (outils de percussion, vibrants).
  •   récidives exceptionnelles (0,1% des cas).

Le canal carpien, chez les artistes, les spécificités en relation avec la pratique artistique : musique, arts plastique, cirque, danse
Les aspects plus précis concernant les pratiques artistiques et les artistes : musiciens, plasticiens, circassiens, de l’importance que l’on doit apporter à l’éducation du geste, aux supervisions du geste par des personnes accréditées (formées à la Médecine des arts®), aux conseils opératoires et post-opératoires pour les artistes seront commentés dans un nouveau chapitre.

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