Stenterello

Un des types les plus curieux du théâtre populaire italien moderne. Stenterello appartient à la Toscane, comme Gianduja au Piémont et Meneghino au Milanais. Les Florentins en raffolent, et ils assurent que ce personnage plein de fantaisie fut imaginé, il y a environ quatre-vingt ans, par un acteur populaire nommé Del Buono. Son nom vient du verbe stentare, souffrir, parce qu’en effet Stenterello est une sorte de souffre-douleur comique ; c’est un pauvre niais, qui ne vise pas à l’esprit, mais qui pourtant en a parfois, naïvement et sans qu’il s’en doute. A Florence, on le fourre partout et à toutes sauces : tantôt maître et valet, on le voit soit personnifier en caricature une passion politique, soit parodier un héros de roman, de drame ou même d’opéra ; c’est ainsi que les affiches vous annoncent Roberto il Diavolo, con Stenterello, etc. « Ce qui le caractérise, a dit Maurice Sand, ce qui est le sceau sans lequel Stenterello ne saurait exister, c’est l’absence de la plus belle de ses dents de devant. L’acteur qui va se vouer à la reproduction de cet amusant personnage doit, avant tout, lui offrir ce sacrifice. Plus le trou noir qu’il fait ainsi à sa gencive supérieure est marqué, plus il a de succès. Cette dent du milieu absente aide du reste extrêmement l’acteur à imiter, en charge, le dialecte du peuple toscan.
Stenterello n’est pas un type littéraire. M. Fr. Mercey nous apprend même que les lettrés florentins n’éprouvent pour lui qu’un dédain excessif et violent :
Ces messieurs de la Crusca, dit M. F. Mercey, et en général les puristes de Florence, sont les ennemis déclarés du pauvre Stentarello. Ils n’en parlent qu’avec dédain et colère, et c’est moins son inconduite que l’incorrection de son langage et son faible pour les patois qui motivent leur haine. Stentarello, en effet, est plutôt Toscan que Florentin. Vous le rencontrerez à Pérouse, à Arezzo, à Pistoie, à Sienne ; il s’est même naturalisé chez les Lucquois, les Pisans et les Bolonais, ses voisins, et il parle à merveille la langue accentuée du peuple de ces villes, dont on le croirait citoyen. Mais si le langage varie, les actions sont les mêmes. A Bologne, Stentarello a pris, quelque peu, les allures de ses compagnons de Venise, de Milan et de Turin, Arlequin, Menéghino et Gerolamo, avec lesquels il a d’ailleurs, quelques liens de parenté. Ce ne sont, en effet, que les variétés d’un même type, que les diverses faces d’un même caractère, modifié par l’entourage et le climat. Ce ne sont pas des types différents. Cela n’empêche pas Stenterello de rester l’ami le plus cher du peuple de Florence (Les journaux italiens ont annoncé, à la fin de 1883, la mort d’un artiste nommé Raffaello Landini, qu’ils qualifiaient du titre de roi des Stenterelli. Fils d’un boulanger et d’abord ouvrier typographe, il avait pris le goût du théâtre et était devenu fameux dans la représentation du personnage burlesque si cher aux Florentins. Né à Florence en 1822, il avait commencé sa carrière théâtrale en 1849, pour ne la terminer que la veille même de sa mort. Chose assez singulière, on remarqua qu’à sa dernière représentation il avait joué une comédie intitulée Stenterello et son cadavre, et que la semaine précédente il s’était montré dans deux autres pièces dont l’une portait ce titre : le Mort au manteau rouge, avec Stenterello barbier de la mort, et l’autre celui)ci : les Tartuffes avec Stenterello mort à l’école et ressuscité à Legnago.
Dictionnaire pittoresque et historique du théâtre d‘Arthur Pougin, 1885


 

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