Spectacle à la Cour

Au septième et au dix-huitième siècle, nos trois grands théâtres, l’Opéra, la Comédie-Française et la Comédie-Italienne, allaient fréquemment donner des représentations à la cour, soit à Paris, soit, lorsque le roi était en villégiature, à Saint-Germain, à Versailles, à Fontainebleau ou ailleurs. Sous Louis XIV, la plupart des opéras de Lully furent donnés d’abord à la cour, et Paris n’avait qu’exceptionnellement la faveur d’une véritable première représentation. Quant à la Comédie-Française, on sait que Molière préparait souvent ses ouvrages sur l’ordre du roi, et que la plupart d’entre eux ne furent offerts à son public ordinaire qu’après avoir paru à la cour ; c’est ainsi que l’Impromptu de Versailles, la Princesse d’Élide, l’Amour médecin, les trois premiers actes de Tartuffe, George Dandin furent joués d’abord à Versailles, le Mariage forcé au Louvre, Mélicerte, le Sicilien, la Comtesse d’Escarbagnas à Saint Germain, Monsieur de Pourceaugnac, le Bourgeois gentilhomme à Chambord, enfin Psyché aux Tuileries.
Sous Louis XV, les spectacles de la cour furent organisés avec une sorte de régularité. Un petit ouvrage spécial, l’État actuel de la musique du roi et des trois spectacles (1759) publiait à ce sujet la note suivante : « Les spectacles de la Cour commencent ordinairement à Fontainebleau lorsque Leurs Majestés y font leur résidence pendant l’automne ; mais comme il n’y a eu cette année que quelques voyages interrompu, faits seulement par le roi pour prendre le plaisir de la chasse, les comédiens n’ont commencé à jouer que le jeudi 16 novembre à Versailles. Les Comédiens-Français sont obligés d’aller représenter deux fois par semaine à la Cour les mardi et jeudi. Ils sont voiturés aux dépens de Sa Majesté, et chaque acteur a pour droit de présence 6 livres qui leur sont payées par le trésorier des Menus-Plaisirs. » Il en était de même des Comédiens-Italiens, qui jouaient généralement à la cour une fois par semaine. Quant à l’Opéra, il montait ordinairement ses grands ouvrages de façon à en donner la première représentation à Fontainebleau, qui était le quartier général du roi lorsqu’il quittait Paris.
Les choses suivirent le même train, sous ce rapport, pendant les premières années du règne de Louis XVI ; mais il va sans dire que les approches de la Révolution modifièrent ces coutumes, comme bien d’autres. Le premier empire, qui, en toutes ces matières d’apparat, singeait servilement la royauté, rétablit les spectacles à la cour ; enchérissant même sur les souverains qui l’avaient précédé, Napoléon se fit suivre en 1808, à Erfurt et à Weimar, par un détachement de la Comédie-Française qui lui donnait des représentations sous le commandement de Dazincourt. Les spectacles de la Cour chômèrent un peu, je pense, sous la Restauration ; mais le gouvernement de Juillet et le second empire en reprirent la tradition ; seulement, ces spectacles, qui étaient donnés alors aux deux châteaux de Saint-Cloud et de Compiègne, n’avaient plus la régularité du temps jadis, on ne leur réservait plus les premières représentations d’ouvrages nouveaux, et les grands théâtres subventionnés n’étaient pas les seuls à y prendre part.
Dictionnaire pittoresque et historique du théâtre d‘Arthur Pougin, 1885


 

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