Soubrette

Servantes au théâtre

Suivante de comédie

Pour divers rôles de soubrettes, il n’importe pas, et peut-être il est  propos que l’actrice ne soit plus de la première jeunesse. Pour d’autres, il est de la bienséance qu’elle soit jeune, ou que du moins elle le paraisse. Cela est convenable, lorsque les discours peu respectueux, tenus par la soubrette à des personnes auxquelles elle doit des égards, ou les conseils peu sages qu’elle donne à des jeunes femmes, ne peuvent avoir pour excuse qu’un grand fond d’étourderie. Cela l’est surtout, lorsque, pour favoriser deux amants, elle se permet certaines démarches condamnables au tribunal d’une morale rigoureuse. Moins la soubrette aura l’air jeune, plus d’indécence sera frappante, ainsi que dans George Dandin, les Folies amoureuses, le Tartuffe et autres semblables. Si une soubrette n’est pas toujours obligée d’avoir l’air jeune, elle l’est quelquefois d’avoir dans la langue une extrême volubilité. Si elle est privée de cet avantage, elle fera perdre à plusieurs rôles la plus grande partie de leurs grâces. Toutefois, il ne faut pas abuser de cette volubilité et croire que les Lisettes du théâtre doivent être des babillardes impitoyables. Il faut savoir faire la différence d’une servante bavarde et acariâtre, avec une soubrette fine, rusée et pleine d’esprit. Celle-ci doit paraître d’autant plus s’écouter, réfléchir et se posséder, qu’elle aura peut-être des intrigues importantes à conduire. Quand ce ne serait que de petits tours d’espiègleries à faire à différents personnages de la pièce, cela supposerait toujours une malice un peu tranquille et sagement combinée.

On sait bien que pour jouer l’une ou l’autre Lisette, il ne faut pas avoir la mâchoire pesante, non plus que pour tout autre espèce de rôle ; mais il ne s’en suit pas qu’un bavardage continuel, uniforme et fatigant, puisse constituer l’excellence d’une soubrette, comme bien des gens pourraient le croire. L’extrême volubilité ne fait pas le plaisant d’un rôle, excepté dans certaines pièces où cela constitue une Charge. Car la Charge, pour le dire en passant, n’est pas moins permise que nécessaire, toutes les fois que l’occasion se présente de contrefaire un personnage ; c’est la seule circonstance où l’on puisse outrer un peu l’imitation de la nature, afin de donner plus de piquant à l’intention où est l’acteur, de faire rire aux dépends d’un autre ; comme aussi lorsqu’un valet fait le marquis, où une servante la comtesse, etc. Mais dans tout autre cas, cette affectation de réciter avec  vitesse, dégénère en une monotonie aussi désagréable que peu comique. Une suivante au théâtre doit être en général à peu près dans son genre ce qu’un Valet est dans le sien ; c’est-à-dire, qu’ils doivent avoir l’un et l’autre au suprême degré le naturel, la vivacité, le jeu et surtout ce vis comica si rare, et pourtant si nécessaire dans ces sortes de personnages. Sans quoi, l’on trompe l’attente du spectateur. Autant l’air malin est nécessaire aux suivantes, autant la souplesse et l’agilité le sont-elles aux valets. Une taille épaisse ne sied pas mieux à ceux-ci que le  bégaiement à celles-là.

Dictionnaire de l’art dramatique A l’usage des artistes et des gens du monde Ch. De Bussy Paris, Achille Faure, 1866

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