Roméo et Juliette

Opéra en cinq actes, paroles de MM. Jules Barbier et Michel Carré, musique de M. Charles Gounod, représenté au Théâtre-Lyrique le 17 avril 1867. Le livret reproduit les principales situations du drame de Shakespeare : le prologue, ou l’exposition du sujet de la pièce, le bal chez Capulet, l’entrevue de Roméo et de Juliette, le rendez-vous, le mariage dans la cellule du frère Laurent, la scène du duel, la condamnation de Roméo à l’exil, la scène nocturne des adieux entre les deux amants, le sommeil léthargique de Juliette, le retour de Roméo et sa mort. Les auteurs ont préféré adopter le dénouement des opéras de Bellini et de Vaccaj, c’est-à-dire rendre Roméo témoin du réveil de Juliette, plutôt que de terminer la pièce par la réconciliation des deux familles sur les cadavres de leurs enfants. C'eut été cependant une scène bien pathétique que celle-là, et l’impression sur le public eut été plus morale et plus forte que celle qui résulte d’un suicide double et stérile.

C’était d’ailleurs la pensée du drame de Shakespeare.
« LE PRINCE -  Où sont-ils maintenant ces ennemis ? Capulet, Montague ! Approchez ! venez ! Voyez si vos haines sont maudites ! Voyez comme Dieu châtie ! Il vous frappe dans vos joies ; l’amour venge l’humanité que déshonorent vos vengeances. »

Tel qu’il est cependant, le poème est disposé avec beaucoup de talent, et les auteurs ont eu le bon goût de conserver, lorsqu’ils l’ont pu, les expressions mêmes du poète anglais.

Ainsi que nous l’avons déjà dit ailleurs. (V. les Musiciens célèbres, art. Gounod), « il était digne de l’ambition de M. Gounod de donner un pendant à son Faust, en s’arc-boutant au seul génie qui puisse peut-être entrer en comparaison avec Goethe. » Toutefois le succès n’a pas complétement couronné son entreprise. L’élément symphonique domine trop dans cet opéra, ou l’action est aussi animée, où les personnages sont sans cesse agissants. Il y a peut-être aussi plusieurs scènes trop développées et qui produisent un effet contraire à celui qu’espéraient les auteurs ; telle est la bénédiction nuptiale donnée aux époux par le frère Laurent. Il y a là des phrases interminables, languissantes et déplacées dans un opéra. Nous ne comprenons pas cette manie qu’à Gounod de transporter dans tous ses ouvrages des scènes d’église. S’il croit impressionner les spectateurs par ce moyen, nous pensons qu’il se trompe. Au temps de Shakespeare, on était plus réservé dans l’intervention des actes de la religion. Ils étaient sous-entendus ou se passaient ailleurs que sur la scène.

LE FRERE LAURENT
Allons, allons, jeunes gens, il faut me suivre ; ce sera bientôt fait. Sauf votre bon plaisir, vous attendrez, pour parler d’amour, que notre sainte Eglise vous ait unis à jamais. (Ils sortent.) »
Dans le premier acte, on remarque la chanson de la reine Mab, la valse chantée par Juliette ; dans le second, le duo du jardin, où se trouvent des phrases charmantes, entre autres la mélodie : Comme un oiseau captif, et le petit chœur des domestiques à la recherche du page. La première partie du troisième acte est très froide à cause de cette scène de mariage dont nous avons parlé plus haut, mais la deuxième partie est tout à fait saillante et une des meilleures que le compositeur ait écrites. La chanson du page : Gardez bien la belle, est jolie ; mais c’est surtout la grande scène du duel qui est d’une beauté achevée. Il y a là du mouvement, de la passion, et cet ensemble de mélodie et d’harmonie qui constitué une belle page de musique dramatique. Dans le quatrième acte, la scène célèbre des adieux a été traitée par M. Gounod avec un sentiment dramatique presque exclusif. Ces phrases délicieuses : Non, ce n’est pas le jour, ce n’est pas l’alouette, auraient pu être interprétées avec autant de passion, mais avec plus de grâce, d’émotion naïve, avec moins de dissonances déchirantes, de cris violents. Il s’agit d’une toute jeune fille, d’un premier amour entouré de mystère et de dangers. Les cris, les unissons stridents sont ici hors de propos. Il fallait beaucoup d’art et de nuances dans cette scène. Le compositeur a préféré faire des concessions aux doctrines de la musique de l’avenir, en laissant de côté les exigences du goût et de l’oreille, et en faisant du drame réaliste ; nous le regrettons. C’est cependant le dernier morceau saillant de la partition. La scène des tombeaux n’a rien de remarquable, si ce n’est l’instrumentation, qui est riche d’effets et d’intentions ingénieuses. L’opéra de Roméo et Juliette a obtenu un succès que nous trouvons légitime, malgré nos réserves. Les œuvres sérieuses sont trop rares à notre époque pour qu’on leur marchande la sympathie. L’exécution de cet ouvrage a été excellente sous le rapport de l’orchestre et des chœurs. Mme Carvalho a créé le rôle de Juliette avec beaucoup de talent. Plusieurs personnes, dont le goût est difficile, ont trouvé qu’elle avait moins bien compris ce rôle que celui de Marguerite. Michot, malgré le timbre agréable de sa voix, a été un Roméo insuffisant. Mlle Daram, Troy, Barré et Puget ont chanté les autres rôles.

 


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