Rôles Travestis

Ce sont des rôles qui représentent des personnages d’hommes joués par des femmes, ou des personnages de femmes joués par des hommes. Dans le premier cas, il arrive qu’un auteur ayant à mettre en scène un adolescent, presque un enfant, le fait jouer par une femme pour lui donner plus de grâce et de naturel ; c’est ce que fit Beaumarchais pour le Chérubin du Mariage de Figaro, qui rentre dans l’emploi des ingénuités ; ou bien on fait jouer à une femme un rôle tout spécial d’amoureux passionné, pour sauver ce que certaines situations pourraient présenter d’un peu excessif et d’un peu dangereux à la scène ; c’est ainsi qu’on a pris l’habitude de confier à une femme le rôle de l’Amour dans Psyché, bien que ce rôle ait été établi d’origine par Baron. Enfin, certaines comédiennes se sont montrées si alertes, si vives, si originales sous des habits d’homme, si désireuses d’ailleurs de remplir des rôles masculins, qui se prêtaient merveilleusement à la nature de leur talent, que les auteurs, se prêtant à leur fantaisie, se sont empressés d’écrire pour elles une foule de rôles travestis, qu’elles jouaient dans la perfection. Après Carline, l’actrice étincelante qui pendant tant d’années fit la joie et la gloire de la Comédie-Italienne, la plus fameuse de toutes ces comédiennes est assurément Virginie Déjazet, qui a créé plus de cent rôles de ce genre : Gentil-Bernard, le Capitaine Charlotte, le Vicomte de Létorière, Vert-Vert, En pénitence, Monsieur Garat, les Premières armes de Richelieu, etc.
Pour ce qui concerne les rôles de femmes joués par des hommes, ce fut d’abord une habitude, dans les commencements de notre théâtre et jusqu’à Corneille, de faire représenter par des acteurs les personnages de duègnes et de vieilles femmes. De Léris nous l’apprend, en parlant de la Galerie du Palais, quatrième ouvrage de ce grand poète : « Nous avons l’obligation au grand Corneille, dit-il, d’avoir substitué dans cette pièce le rôle de suivante à celui de nourrice, qui était dans la vieille comédie, et que des hommes habillés en femmes, et sous le masque, représentaient ordinairement. »
Chose singulière, c’est Molière qui ramena pour un temps cet usage, que l’on considérerait certainement avec quelque répugnance aujourd’hui. Molière écrivit pour Hubert, un des bons comédiens de sa troupe, la plupart des rôles de duègnes et de caractères qui sont dans ses comédies, et dans lesquels, dit-on, celui-ci excellait : Madame Jourdain du Bourgeois gentilhomme, la feinte Gasconne de Pourceaugnac, Madame de Sottenville de George Dandin, Philaminte des Femmes savantes. Après la mort de Molière, ces rôles devinrent l’apanage de Mlle Beauval, et l’usage du travestissement se perdit de nouveau. Mais à l’Opéra on vit, pendant un demi-siècle encore, les rôles de vieilles femmes, de furies, etc., représentés par des hommes.
Aujourd’hui, dans le répertoire moderne, on ne travestit plus guère un homme que lorsqu’on veut obtenir un effet grotesque et ridicule. Encore n’emploie-t-on ce moyen qu’avec la plus grande discrétion, le raffinement de notre goût le supportant malaisément.
Dictionnaire pittoresque et historique du théâtre d‘Arthur Pougin, 1885


 

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