Représentation (Première)

Exposition devant le public d’une pièce nouvelle

Les coutumes théâtrales sont bien changées depuis un siècle, et surtout depuis vingt-cinq ans. Autrefois on laissait au public, au vrai public, le soin de juger et d’apprécier la valeur d’un ouvrage à sa première représentation, et celui-ci laissait un libre cours à ses impressions, applaudissant lorsqu’il était satisfait, sifflant s’il était mécontent, et du premier coup établissant le succès ou provoquant la chute l’œuvre qui lui était offerte. Il n’en est plus de même aujourd’hui, où l’on peut presque dire que les premières représentations ont lieu à huit clos, par ce fait que si la salle est toujours entièrement garnie, on peut affirmer néanmoins que le public véritable, celui qui paie sa place au bureau, en est soigneusement, rigoureusement et absolument exclu. Dans ces jours « solennels » la salle d’un théâtre est remplie d’un foule particulière, composée d’écrivains, de journalisme, d’artistes, de fournisseurs de la maison, de gens de bourse et de finance qui ont des relations avec la direction, de femmes à la mode, plus ou moins légères, qui sont généralement dans le même cas, etc., C’est devant ce public particulier, forcément indulgent parce qu’aucun de ceux qui le composent n’a payé sa place, qu’on lieu les premières représentations ; c’est à peine si les théâtres consentent à laisser quelques dizaines de places figurer sur la feuille de location, où elles sont encore disputées par des personnages qui, pour les obtenir, ont recours à toutes sortes de patronages et de protections, si bien qu’il n’est pas rare de voir appliquer le soir, sur les bureaux déserts, une pancarte portant cette inscription : Les Bureaux ne seront pas ouverts ce soir. Donc comme nous le disions, le public est maintenant exclu des premières représentations, et les théâtres en agissent ainsi pour que l’auditoire favorisé qu’ils invitent à ces petites solennités ne puisse se montrer sévère, et pour que tous les journaux qui sont à leur dévotion puissent dire dès le lendemain que la pièce nouvelle a obtenu un succès colossal. Mais comme on ne saurait tromper longtemps le public, cette petite malice cousue de fil blanc n’obtient elle-même que le succès qu’elle mérite. Quel que soit le résultat de la première représentation, on peut dire maintenant qu’il ne compte plus pour rien aux yeux du gros des spectateurs. Les succès frelatés n’en imposent à personne, et malgré les ovations, les rappels, les bis et les trépignements intéressés qui peuvent se produire à une première représentation, on peut tenir pour certain que si une pièce est mauvaise, son existence n’en sera ni plus longue, ni plus brillante. Elle n’est pas sifflée comme elle l’eût jadis, il est vrai, l’amour-propre de l’auteur est moins meurtri, mais elle tombe bientôt sous l’ennui et sous l’indifférence générale, et se voit obligée de céder promptement la place à une autre.

Dictionnaire pittoresque et historique du théâtre d‘Arthur Pougin, 1885

 

Représentation (Première)

Exposition devant le public d’une pièce nouvelle. Il ne faut pas s’en tenir aux délibérations d’une première séance ; on ne juge bien des ouvrages de goût qu’à la longue, et même dans des choses plus graves, on peut voir que le public n’a jamais jugé qu’avec le temps. Il est impossible de compter sur le succès d’une première représentation ; un rien peut quelquefois tout gâter.
 

Dictionnaire de l’art dramatique A l’usage des artistes et des gens du monde Ch. De Bussy Paris, Achille Faure, 1866


 

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