Reine Berthe (La)

Opéra en deux actes, livret de M. Jules Barbier, musique de M. Victorin Joncières, représenté à l’Opéra le 27 décembre 1878. La légende de Berthe la Fileuse, versifiée au XIII° siècle par le trouvère Adenès, a fourni le sujet de la pièce. Elle pouvait être exposée avec plus de clarté, surtout dans un ouvrage lyrique, où les récitatifs ne sont pas nettement articulés par les chanteurs. L’impatience causée au public par l’obscurité de l’action a rejailli sur la partition, et cet opéra n’a pu être donné que trois fois. La musique n’est pas cependant sans mérité, ni inférieure à celle de plusieurs ouvrages représentés depuis quelque temps et qui, sans avoir du succès, ont été accueillis plus favorablement. Les personnages sont : Pépin le Bref ; Berthe, fille de Flor, roi de Hongrie, et de la reine Blanche-Fleur ; Enguerrand ; Simon, vieux bûcheron, Gertrude, femme de Simon, un page. Le premier acte se passe sur la lisière d’une forêt. Les bûcherons veulent y mettre le feu pour se venger des exactions et des cruautés exercées par la reine ou en son nom, soit, mais l’auteur aurait dû choisir un autre méfait que celui qu’il signale, c’est-à-dire la pendaison d’un braconnier :

Vengeons-nous en livrant à la flamme
Le domaine royal ;
Rendons à cette reine infâme
Le crime pour le crime et le mal pour mal.

Simon cherche à s’opposer à leur fureur ; il demande qu’on épargne sa maison, asile qui abrite.

L’ange inconnu, la jeune hôtesse
Qui de son cœur sur vous a versé le trésor !
Qui de son travail même et non de larmes vaines
A secouru vos maux et soulagé vos peines.
Celle que vous nommez la fée aux tissus d’or !

Berthe paraît ; elle promet d’obtenir pour le pauvre peuple des traitements plus doux, et, cédant au charme que cette jeune fille exerce, les séditieux ajournent leur dessein incendiaire. Restée seule avec Simon et Gertrude, elle rappelle, et, à leurs questions sur sa naissance, elle répond :

Vous n’aimez ! que suis-je autre chose ?
Je suis votre fille Isabeau.

Mais elle sait qu’elle a perdu le rang suprême, la couronne de reine de France, par l’infâme machination du seigneur de Laval. Chargé par le roi Pépin d’aller en Hongrie chercher Berthe sa fiancée, ce seigneur l’a conduite dans une forêt, l’a frappée de sa masse d’armes et, la croyant morte, a fait prendre ses habits à sa fille Aliste et a présenté celle-ci au roi comme l’épouse qui lui était destinée. Berthe a rencontré dans les bois un bel écuyer, salue, survient  un page qui, dans le bel écuyer, salue le roi lui-même.
Berthe, indignée d’avoir été trompée, s’enfuit. Les paysans mettent le feu à la forêt. Le roi, la reine et tous ceux qui les accompagnent quittent ce lieu sinistre ; ainsi finit le premier acte.
Le second a lieu dans une salle du palais. Les dames et les pages s’amusent à se lancer des cercles d’or avec des baguettes, autrement dit à jouer aux grâces :

Volez, anneaux légers.
Volez dans l’air, volez vers elles ;
Soyez d’amour les messagers
Fidèles.

Aliste a des pressentiments. On a annoncé la prochaine arrivée d’un page envoyé vers les parents de Berthe. Enguerrand de Laval cherche à rassurer sa fille en lui disant qu’il a donné des ordres pour que le page soit frappé avant qu’il ait pu rempli sa mission.

Le roi survient ; il annonce à la reine et à Enguerrand stupéfaits que, chevauchant à l’aventure, il a délivré le page attaqué par des malfaiteurs et déjà blessé par eux. La reine essaye d’éviter la vue de ce messager. Le roi, qui conçoit des soupçons et d’ailleurs n’aime pas Aliste, insiste pour qu’on introduise le page, qui n’est autre que Berthe elle-même. Ici commence pour les deux coupables une scène de torture morale fort bien conduite et qui réussirait dans une autre pièce que dans un opéra. Le page rend compte à la reine des sentiments de ses parents pour elle, de ce qu’on rapporte de ses vertus, de l’affection qu’elle inspirait à tous, et l’ironie est sanglante. Il finit par annoncer la venue dans trois jours du roi Flor et de la reine Blanche-Fleur. Cette scène se complique encore de l’étonnement que cause à Pépin le son connu de cette voix. Le bûcheron Simon, suivant les instructions de Berthe, vient offrir à la reine des tapisseries de la belle inconnue qu’elle avait témoigné le désir d’admirer. Pépin consent à les voir. Aliste et son père, affolés de terreur, veulent quitter le palais secrètement ; le roi se trouve sur leur passage et les oblige à assister à l’exhibition de ces tapisseries. Simon les déroule et en décrit le sujet. C’est l’histoire en figures de la jeune princesse Berthe. On y voit successivement son départ pour la France, son arrivée à la frontière, le crime d’Aliste et d’Enguerrand. Celui-ci se trouble : « Il ment, s’écrie-t-il, ne le croyez pas, sire. Qui donc m’a vu ? Qui donc répond de lui ? » - Moi ! la reine Berthe ! répond Isabeau, paraissant en costume royal. Pépin a retrouvé l’objet aimé. Enguerrand est livré à la justice du roi ; Aliste, expie son usurpation dans un couvent.

Ce livret singulier n’a pas été pris au sérieux par le public de l’Opéra. Le compositeur, au contraire, a déployé à le traiter une ardeur et une conviction incontestables, et sa partition est une œuvre très laborieuse. Les morceaux les plus saillants à notre avis sont, dans le premier acte : la romance de Berthe, Refuserez-vous de m’entendre ? la cantilène, Je suis la colombe ; le finale, Comme un oiseau de Dieu ; dans le second acte, le chœur de femmes, Volez dans l’air, anneaux légers, le duo, Rassurez-toi ; l’air, A toi merci, ma bonne épée, et la musique orchestrale de la scène des tapisserie. Les procédés de composition de M. Victorin Joncières sont fort éclectiques ; l’accent dramatique y domine toutefois et les situations sont traduites dans le langage musical avec une grande intelligence, comme par exemple la scène entre Berthe et Pépin : Je suis sans doute le jouet d’un rêve. On aurait pu s’attendre à plus de simplicité dans quelques détails, tels que dans les sonneries de trompettes qui modulent en fa, en la bémol, en si, en , en ut successivement et donneraient la meilleure opinion de la facture des instruments de cuivre au VIII°siècle, si l’on ne devait pas dans un opéra sacrifier l’archaïsme à l’idéal ; cependant trop de complications nuisent au caractère. Distribution : Berthe, Mme Daram ; Aliste, Mme Barbot ; Gertrude, Mme Nivet-Grenier ; un page, Mlle Blum ; Pépin, M. Vergnet ; Simon, M. Gaillard ; Engerrand, M. Caron
Dictionnaire des Opéras. Dictionnaire Lyrique. Félix Clément, 1881


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