Pochette

Comment tenait-on la pochette ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Et maintenant, comme tenait-on la pochette ? Deux mots à ce propos ne nous éloigneront par du sujet spéciale de ce travail.

Voilà deux gravures qui représentent des maîtres à danser. L’une fort connue et datée de 1745, porte la signature de Le Bas, d’après un tableau de Cano ; l’artiste tient son minuscule violon à la hauteur du sein gauche. Dans une reproduction un peu antérieure, datée de 1687 et signée Bonnart, nous voyons un professeur épaulant sa poche en bateau. Cette dernière position nous paraît défectueuse. L’utilité de la pochette était de fournir à celui qui la jouait un instrument qui lui laissât libres tous ses mouvements dans la démonstration des figures chorégraphiques ; par conséquent, il paraît probable que la véritable posture de l’exécutant se trouve indiquée dans l’estampe de Le Bas. Il est vrai que la gravure de Bonnart est enrichie d’un quatrain. Le voici :

Ce danseur à l’air charmant
Qu’il s’attire bien des caresses
L’on peut juger facilement
Que le maistre a bien des maistresses.

Les vers ne sont pas merveilleux, mais l’intention est louable. Et puis le poète a eu la modestie de garder l’anonyme.
Il est permis de penser que la musique confiée à la pochette était peu chargée d’arpèges et de doubles notes et que son échelle pratique n’allait guère en deçà du la et au-delà de l’ut de la chanterelle. L’essentiel était de rythmer les pliés, les sautés, les cabriolés et les différents pas.
Signalons toutefois, dans la liste dressée par l’abbé de Marolles (Mémoires, édition de 1745), des virtuoses de son temps, « Constantin et Bocan, fameux joueurs de poche ». C’est le Bocan qui eut l’honneur de faire danser le cardinal de Richelieu, déguisé en baladin, devant la reine Anne d’Autriche, s’il faut en croire la piquante anecdote racontée par Loménie dans ses Mémoires.

Le nom de Bocan et la mention de son instrument professionnel se retrouvent dans une pièce burlesque imprimée en 1634 sous ce titre : Rôle des représentations faites aux grands jours de l’éloquence. On y voit figurer notre pochettiste, « lequel se plaint qu’un partysan luy a dressé une querelle ou tout au moins la Poche dudit Bocan eût été cassée si… etc., etc., »
Il serait difficile de préciser l’époque où ce délicieux bibelot a vu le jour. Toutefois, on peut s’assurer, au moyen de plusieurs documents, que, jusque vers la fin du XVI° siècle, c’étaient le tambourin et la flûte qui réglaient la danse. On lit dans une poésie satirique remontant tout au commencement du XVII° siècle (il est question de carême) :

Les joueurs d’instruments qui montrent les cinq pas
Et cessent leurs tons-tons dans cette quarantaine.

Or, l’onomatopée ton-ton, si nous consultons les recueils spéciaux, et en particulier ceux de la Monnaye, désignait invariablement le son du cor ou tout au moins d’un instrument à vent. Pour rappeler le bruit fait par un instrument de la famille du violon, on employait toujours flon-flon. Mais, voici mieux. Antonius de Arena fait paraître en 1536 son instruction « Ad suos compagnones, qui sunt de personna friantes, bassas dansas et branlos practicantes », au cours de laquelle il dit : « Tambourinarium post detrobare trabailla, qui dansoe praxim rite docere sciat. »
Point n’est besoin de recourir à de Wailly ni même à du Cange pour avoir la traduction de ce passage. Le poète macaronique indique clairement que ses contemporains apprenaient à danser non pas d’un maître de violon, mais d’un jouer de tambourin.

L’invention de la pochette se rattacherait donc au règne de Louis XIII à peu près. Quoi qu’il en soit, les auteurs sont muets sur ce point important de l’histoire musicale. Le Père Mersenne se borne à en faire la description, ajoutant que « quelques-uns la couvrent de nacre, de perles, de rubis ou d’autres pierres précieuses, quoy que cela ne serve de rien à la bonté de l’instrument ». Le Père Kircher l’appelle l’interculus a figura lintris sie dicta, et il s’en tient à cette définition, laquelle a le mérite d’indiquer clairement que les pochettes à bateau (linter) furent les premières en usage. Enfin Praetorius en donne le dessin à la planche XVI de l’album accompagnant l’Organographia, mais n’en dit pas un mot dans le cours de son ouvrage.

Aujourd’hui les pochettes reposent sous les vitrines des Musées et des collections privées. Elles ont été détrônées par le piano, et le piano à son tour, a dû faire place au cornet à pistons.
Plaise à Dieu qu’après cela on ne nous fasse pas danser au son du canon !

Eugène de Bricqueville Les anciens instruments de musique, 1889


Médecine des Arts®    
715 chemin du quart 82000 F-Montauban
Tél. 05 63 20 08 09 Fax. 05 63 91 28 11
E-mail : mda@medecine-des-arts.com
site web : www.medecine-des-arts.com

Imprimer

Association

Faire un don
Adhérer

Formation Médecine des arts-musique

Cursus Médecine des arts-musique