Pièces en écriteaux

Jusqu’à la Révolution, les grands théâtres ne cessèrent de persécuter leurs rivaux moins puissants, soit pour les pressurer, soit pour les réduire aux plus strictes limites ce qu’ils considéraient comme une concurrence. Les théâtres de la Foire, et particulièrement l’Opéra-Comique, eurent singulièrement l’Opéra-Comique, eurent singulièrement à souffrir de cette suzeraineté exercée sur eux, et qui se traduisit par des chicanes incessantes. C’est ainsi que, vers 1710, la Comédie-Française fit défendre à tous ces petits théâtres de jouer aucune pièce dans laquelle on parlerait, soit par dialogues, soit par monologues. Mais les acteurs forains, toujours habiles à éluder les difficultés, et ne voulant pas être absolument réduits à jouer la pantomime, imaginèrent un moyen ingénieux.
Ils se firent faire des pièces tout en couplets, et firent tracer ces couplets sur des écriteaux, que chaque comédien présentait à son tour au public pour expliquer la situation ; puis, ce moyen étant gênant, ils finirent par faire descendre les écriteaux du cintre ; l’orchestre jouait l’air, et bientôt les spectateurs prirent l’habitude de chanter eux-mêmes, en chœur, le couplet qu’ils pouvaient lire. On assure que les deux auteurs, aujourd’hui complètement oubliés, qui firent les premières pièces en écriteaux, s’appelaient Rémy et Chaillot ; le fameux abbé Pellegrin en écrivit aussi plusieurs ; mais les écrivains les plus féconds en ce genre furent les trois collaborateurs presque inséparables : Lesage (l’immortel auteur de Gil Blas, qui était le fournisseur attitré des théâtres de la Foire), Fuzelier, le futur rédacteur en chef du Mercure de France, et d’Orneval. L’usage des pièces en écriteaux dura dix années environ, et, comme singularité sans doute, on en donna encore plus tard quelques-unes de loin en loin, même lorsque la faculté de parler et de chanter fut rendue (moyennant finance) aux acteurs forains. Voici les titres de quelques-unes des pièces en écriteaux qui obtinrent le plus de succès : Arlequin aux Champs-Élysées (1710), Arlequin à la guinguette, les Fêtes parisiennes, les Aventures comiques d’Arlequin, Scaramouche pédant scrupuleux (1711), Arlequin rival du Docteur, le Retour d’Arlequin à la Foire, l’École des jaloux (1712), Arlequin invisible, Arlequin roi de Sérendib (1713), la Matrone de Charenton (1714), le Château des Lutins, le Pied de nez, Arlequin Orphée le cadet, Ariane et Thésée (1718), etc.
Dictionnaire pittoresque et historique du théâtre d‘Arthur Pougin, 1885


 

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