Paradis

Galerie supérieure d'un théâtre

C’est ainsi qu’on appelait autrefois, dans nos théâtres populaires, particulièrement à ceux du boulevard du Temple, la dernière galerie supérieure, celle qui couronnait la salle. C’est probablement sa situation élevée qui avait valu à cette galerie le nom de paradis ; on lui donnait aussi celui de poulailler, sans doute parce que, le nombre des places n’y étant pas limité, les spectateurs de cette région étaient serrés comme poules dans un poulailler. Toutefois, cette dernière appellation était essentiellement familière, tandis que la dénomination de paradis était en quelque sorte officielle. Le paradis, en raison du bas prix de ses places, était le refuge naturel des ouvriers modestes, des titi gouailleurs, des bonnes d’enfants et des militaires ; on s’y mettait volontiers à son aise, et dans les jours de foule, comme il y faisait très chaud, les habitués du lieu ôtaient sans façon leur blouse ou leur veste et restaient en bras de chemise. La population du paradis était d’ailleurs assez bruyante, assez turbulente, mais sans méchanceté aucune, et elle amusait parfois les autres parties de la salle par les saillies burlesques et les réflexions originales auxquelles elle se livrait à haute voix.
Au dix-huitième siècle, ce nom de paradis, appliqué à la partie supérieure d’un théâtre, était déjà connu, et voici l’anecdote qu’un chroniqueur rapportait à ce sujet :
Madame la duchesse d’Orléans, née Conti, oubliait quelquefois sa dignité jusqu’à vouloir être prise pour une femme galante. C’est dans ce dessein que, s’étant placée un jour au spectacle dans un coin des quatrièmes loges, appelées communément paradis, elle y fut accostée par un jeune homme qui ne cherchait que des conquêtes faciles, et qui, la trouvant à son gré, lui dit, après plusieurs mots fort tendres, qu’il se proposait d’aller souper chez elle. La princesse accepte, prend son bras, et ils descendent ensemble. A peine sont-ils au bas de l’escalier, qu’on crie : La voiture de S. A. Madame la duchesse d’Orléans. En même temps deux écuyers se présentent respectueusement pour offrir la main à la personne que le jeune homme accompagnait. Il s’aperçoit aussitôt de son erreur et veut s’enfuir. La princesse, l’arrêtant :
Monsieur, lui dit-elle, vous m’avez promis de venir souper chez moi ; est-ce que vous ne voulez pas tenir votre parole ?
Madame, c’était au paradis où tout le monde est égal ; mais ici-bas ce n’est plus la même chose.
Et après un profond salut, il se perdit dans la foule.
Dictionnaire pittoresque et historique du théâtre d'Arthur Pougin, 1885

 

Places populaires dans théâtres (poulailler), galerie supérieure d'un théâtre, amphithéâtre, loges du comble

Synonyme : Place de théâtre


 

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