Miles Davis et la drogue

Musicien et Addictions

Miles Davis et addiction

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Début de l’addiction

"A mon retour de Paris raconte Miles Davis, je me suis mis à beaucoup traînasser du côté de Harlem. Il circulait pas mal de dope dans le milieu musical, et beaucoup de musiciens donnaient à fond là-dedans, dans l’héroïne en particulier. Dans certains cercles, on tenait pour très hip les musiciens qui se piquaient au smark. C’est à cette époque que certains jeunes musiciens - Dexter Gordon, Tadd Dameron, Art Blakey, J.J. Johnson, Sonny Rollins, Jackie McLean, moi… on fait le plongeon vers l’héroïne. Malgré le fait que Freddie Webster était mort à cause de la mauvaise came. Et puis, il y avait Bird, Sonny Stitt, Bud Powell, Fats Navarro, Gene Ammons, qui consommaient tous de l’héroïne, sans oublier Joe Guy et Billie Holiday. Ils se shootaient tout le temps. De nombreux musiciens blancs se shootaient eux aussi - Stan Getz, Gerry Mulligan, Red Rodney, Chet Baker - mais la presse faisait comme s’il n’y avait que les musiciens noirs.

Dépression

Je ne me suis jamais laissé embarquer dans le trip qui consistait à croire qu’en se piquant à l’héroïne on pouvait jouer comme Bird. Beaucoup de musiciens y croyaient, dont Gene Ammons. Ce n’est pas ça qui m’a fait passer à l’héroïne. C’est ma dépression à mon retour en Amérique. Et l’absence de Juliette (Greco)

Et puis, il y avait la cocaïne, un truc très latino. Des types comme Chano Pozo - qui était percussionniste dans l’orchestre de Dizzy - avaient plongé. Chano était Cubain, noir, et le meilleur joueur de congas du moment. Une vraie brute. Il se procurait de la drogue et ne la payait. On avait peur de lui parce que c’était un vrai casseur, quelqu’un qui te foutait une raclée en un tournemain. ..Il s’est fait tuer en 1948, après avoir foutu sur la gueule d’un dealer de coke latino, à Harlem, au Rio Café, sur Lenox Avenue, vers la 112ème ou la 113ème Rue.

Éloignement de la famille

Ma quête de drogue à Harlem m’a un peu plus éloigné de ma famille. Je les avais installé dans un appartement de Jamaica dans le Queens, puis à St. Albans… Irène et moi… On sortait jamais. Parfois, je restais deux heures, le regard perdu dans le vague, à penser musique. Irène s’imaginait que je rêvais d’une autre femme… Les femmes ne m’intéressais pas à cette époque… Quand on marche à l’héroïne, on perd tout désir de rapports sexuels. C’était mon cas du moins… La seule chose qui monopolisait mes pensées, c’était comment j’allais faire pour me trouver un peu plus d’héroïne.

Dépendance

Je ne me piquais pas encore, mais je sniffais tout ce que je trouvais. Un jour, j’étais au coin d’une rue dans le Queens. j’avais le nez qui coulait, je me sentais fiévreux, comme si j’avais pris froid. Un copain, un proxo qui se faisait appeler "Martinee", est arrivé et m’a demandé ce que je devenais. je lui ai dit que je sniffais de l’héroïne et de la coke tous les jours, mais ce jour là je n’étais pas allé à Manhattan, où je me fournissais habituellement. Matinée m’a regardé comme si j’étais un imbécile et m’a expliqué que j’étais accro.
"Qu’est-ce que tu veux dire accro ?
Ton nez coule, tu as des frissons, t’es faible. T’es vachement accro, négro."

Il m’a acheté de l’héroine dans le quartier. Je ne l’avais jamais fait jusque-là. j’ai sniffé sa came et je me suis senti bien. J’ai continué à sniffer jusqu’au jour où je suis retombé sur Matinee : "Smiles, claque pas le peu d’argent que t’as pour des sniffs, tu vas encore te retrouver en manque. Pique-toi, tu te sentiras mieux." Ce fut le début d’un film d’horreur de quatre ans.

Manque et dépendance

Au bout de quelque temps, j’en suis arrivé à rechercher de la dope en sachant que si je n’en trouvais pas, j’allais être en manque. Le manque, c’était comme la grippe. Le nez coulait, les articulations devenaient très douloureuses et, si on se shootait pas, on dégueulait. c’était terrible, je voulais évitet cette situation à n’importe quel prix.

Ma première piqûre, je l’ai fait seul. Puis je me suis mis à fréquenter Leroy, un danseur à claquettes, et un certain Laffy. On se fournissait dans la 110°, la 111° et la 116° Rue, à Harlem. On traînait dans des bars comme le Rio, le Diamond, le Sterlin’s, le Lvantt’s Pool Hall… Toute la journée, on sniffait coke et héroïne…

On achetait des capsules d’héroïne à trois dollars et on se shootait. On se faisait quatre à cinq capsules par jour, selon l’argent qu’on avait. On allait faire ça chez Fat Girl, au Cambridge Hotel, dans la 110° Rue, entre la 7° Avenue et Lenox chercher notre "matos" - nos aiguilles et ce qui nous servait à nous garrotter les bras pour pouvoir nous piquer, pour faire saillir les veines, pour bien voir où nous allions nous shooter la dope. Parfois on était tellement défoncés qu’on oubliait tout notre bazar chez Bishop. Ensuite, on allait traîner du côté du Minton’s et on regardait les danseurs de claquettes s’affronter… Je me souviens en particulier de duels entre Baby Laurance et un type très grand et très maigre, un certain Ground Hog. Babay et Ground Hog étaient des junkies. Ils dansaient beaucoup devant le Minton’s pour se fournir : les dealers aimaient les regarder et leur donnaient de la merde gratuitement en cas de besoin.

J’ai voulu cesser de me shooter pratiquement dès que j’ai réalisé que j’étais sérieusement accro. Je ne voulais pas finir comme Fredddie Webster ou Fat Girl. Mais ça semblait impossible.

Drogue, impact sur la personnalité

Me piquer à l’héroïne a totalement changé ma personnalité. D’agréable, tranquille honnête et attentionné que j’étais, je suis devenu exactement le contraire. C’était la course à l’héroïne qui me rendait ainsi. J’aurais fait n’importe quoi pour ne pas être en manque - ce qui signifiait que je devais trouver et me shooter de l’héroïne sans arrêt, jour et nuit.

D'après : Miles Davis L’autographie Infolio 2007
 


Rédacteur Docteur Arcier, président fondateur de Médecine des arts®
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