Mengelberg Willem

Willem Mengelberg

Willem Mengelberg (1871-1951)

« vous êtes des gens charmants mais de médiocres musiciens. Dorénavant, je ne ferai plus de musique qu’à Utrech », c’est en ces termes que Brahms se serait adressé aux habitants d’Amsterdam lors de sa dernière visite en 1888. Ces derniers, atterrés semble-t-il, s’empressèrent de construire la même année une magnifique salle de concerts (le Concergebouw) et de fonder leur propre orchestre. Le chef fondateur Willem Kes, amena vite la nouvelle formation à un très haut niveau et, à la surprise générale, fut remplacé par un tout jeune chef de vingt-quatre ans Willem Mengelberg.
Né le 21 mars 1871 à Utrecht, mais de parents allemands, Willem est le fils d’un célèbre sculpteur de Cologne. Il étudie tout d’abord dans sa ville, Concerto en mi bémol majeur de Liszt à l’occasion du concert d’adieu de Kes en 1895 ; trois jours plus tard, Mengelberg prend ses nouvelles fonctions à la tête du Concergebouw où il restera pendant cinquante ans. Au programme de son premier concert figurait, le 27 octobre 1895, la Cinquième symphonie de Beethoven, compositeur dont il donnera par la suite des cycles annuels de l’intégrale des symphonies. Ayant étudié la composition avec un disciple de Schindler, l’un des amis intimes de Beethoven, Mengelberg connaissait les manuscrits du maître de Bonn, ses indications métronomiques. Dès l’année suivante, il donna la Symphonie pathétique de Tchaîkovsky (huit mois seulement après sa première audition en Hollande), cette même Pathétique qu’il fera triompher à Paris dix ans plus tard, provoquant l’hystérie du public français, pourtant résolument prévenu contre l’œuvre. En 1898, il emmène pour la première fois le Concertgebouw à l’étranger : sur l’invitation expresse de Grieg, il participe au festival de Bergen puis part pour Francfort, Paris, Hambourg et Berlin. La première tournée aux Etats-Unis a lieu en 1905 ; en 1910, il a l’honneur de remplacer Toscanini à Milan pour une série de six concerts. Sa réputation devient telle que les plus grands compositeurs s’adressent à lui, admiratifs : Richard Strauss lui dédie sa Vie d’un héros. Rachmaninov crée sous sa direction son Troisième Concerto pour piano à Londres ; Debussy devient son ami ; Schoenberg assiste satisfait à l’exécution de ses propres œuvres en 1914, 1919 et 1920 ; Stravinsky lui demande de diriger son Oiseau de feu (alors que le compositeur dirigeait lui-même le reste du programme). Mais c’est Gustav Malher que Mengelberg défendra avec le plus d’ardeur et qu’il invite en Hollande dès 1903 : « Il est le seul auquel je puisse en toute tranquillité confier mes œuvres », écrivait Malher à sa femme et, de fait, il laissera la baguette au chef hollandais après avoir dirigé à Amsterdam ses Première et Quatrième Symphonie. Cette collaboration exceptionnelle trouvera son couronnement (posthume) dans le festival Malher qu’organisera Mengelberg en 1920.

Ne négligeant pas les compositeurs de son pays, il supervisera par ailleurs trois festivals de musique hollandaise en 1902, 1913 et 1935. Lorsque les Américains fondent à New York un nouvel orchestre en 1928 : le National Symphony Orchestra, c’est encore à lui qu’ils font appel comme chef principal (il en fera une formation exemplaire pour les autres orchestres américains). Pendant la seconde guerre mondiale, Mengelberg sombrera malheureusement dans le nazisme tout en reprochant bien haut aux musiciens du Philharmonique de Vienne de ne pas jouer « ce qu’il y a de plus beau : Malher ». Si nous comprenons l’amertume qu’en garda contre lui tout le peuple hollandais, lui ne l’a compris jamais : il s’exila en Suisse (Van Beinum l’avait remplacé à la tête du Cincertgebouw en 1945) où il mourut le jour de ses quatre-vingts ans : le 21 mars 1951.
Certains veulent voir dans une subjectivité impulsive, mal contrôlée, la source de ses derniers égarements : nous nous garderons bien de conclure mais force est de reconnaître que Mengelberg trahit parfois une sentimentalité emphatique, qui ne résista pas toujours à la tentation de l’effet, voire de la violence. La version historique qu’il nous a laissée en 1939 de la Passion selon saint Matthieu, d’un lyrisme superbe, tombe parfois dans l’expressionnisme le plus débridé. Désireux d’éveiller chez son public « le besoin », l’urgence de prendre part totalement au concert », Mengelberg exerça une fascination hypnotique de ses contemporains. Les musiciens de son orchestre semblaient eux, plus distants, si l’on en juge par le témoignage de Ménuhin : « Il commençait chaque répétition par un cours sur le compositeur dont on allait jouer la musique. Ses explications pouvaient durer une heure ou plus, pendant laquelle les musiciens s’ennuyaient ferme, et il ne gardait que le temps de parcourir l’œuvre à la sauvette, d’une façon qui ne bénéficiait nullement de l’avalanche préliminaire ». Mengelberg invoquait en effet sans cesse l’autorité de l’entourage des compositeurs pour justifier ses propres retouches sur les partitions étudiées : Schindler pour Beethoven, les confidences mêmes du compositeur pour Malher ; quant à Tchaïkovsky, l’expert invoqué était invariablement son frère Modeste (si bien qu’un jour où il voulut doubler un instrument dans une partition de Bach, des membres de l’orchestre s’esclaffèrent : « Il la tient sans doute de Modeste Bach ! »)

Quoiqu’il en soit, on ne peut dénier à Mengelberg une exceptionnelle ouverture d’esprit et de goût qui lui permit de servir avec un égal bonheur des musiciens aussi différents que Debussy, Ravel, d’Indy ou Dukas, Scriabine ou Bartok, Rachmaninov ou Stravinsky. C’est par ailleurs à lui que l’on doit, incontestablement, cette sonorité unique « de vieux velours grenat » du Consertgebouw d’Amsterdam. (La symphonie était au cœur de son répertoire cette forme musicale exprimait pour lui l’essence même de son époque ; l’opéra ne le retint jamais.)
Qu’il nous soit cependant permis de regretter un usage immodéré du rubato, des contrastes dynamiques forcés jusqu’à la nausée : sa sensibilité exacerbée ne laissait de place ni à la tendresse d’un Bruno Walter, ni à la sérénité conquise d’un Furtwaengler. Dionysos régnait en maître chez lui.

  •   Bach : Passion saint Mathieu, Erb, Ravelli, Vincent, Durigo, van Tulder, Schey, Orch. Du Concertgebouw (Philips).
  •   Beethoven : Les neuf Symphonies, Orch. Du Concertgebouw (Philips).

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