Marchands de billet

Une des plaies du théâtre, à Paris. Les marchands de billets sont des gens qui, on ignore par quel procédé, se procurent en grand nombre des billets pour tel ou tel théâtre, et, le soir venu, font sur ces billets un trafic audacieux. Les personnes qui veulent aller au théâtre, n’en trouvant plus aux bureaux, sont racolées sur la voie publique par ces personnages, souvent peu ragoûtants, qui leur offrent des places à un taux beaucoup plus élevé que celui du tarif, et il en faut passer par ces conditions si l’on veut se procurer le plaisir qu’on s’est proposé et s’épargner l’ennui sorti inutilement. Ce commerce interlope n’est pas, comme on le pourrait le croire, d’invention récente, car voici le récit que faisait l’Année littéraire de faits qui s’étaient produits à la représentation de Timoléon, tragédie de la Harpe (1764) : Les jours de pièces nouvelles, il se commet un monopole criant sur les billets de parterre. Il est de fait qu’aujourd’hui, à Timoléon, on n’en a pas délivré la sixième partie au guichet. On voyait de toutes parts les garçons de café, les Savoyards, les cuistres du canton rançonner les curieux, et agioter sur nos plaisirs. Les plus modérés voulaient tripler leur mise, et le taux de la place était depuis trois livres jusqu’à six francs. Par là l’homme de lettres, peu à son aise, est privé d’un spectacle particulièrement fait pour lui. Il n’est pas possible que dans le très petit nombre de billets qu’on distribue il soit assez heureux pour s’en procurer un, à moins qu’il ne s’expose à recevoir cent coups de poing, à faire déchirer ses habits, à être écrasé lui-même par la foule des gens du peuple qui obsèdent la grille. Le magistrat, citoyen éclairé, vigilant, qui préside à la police, ignore sans doute ce désordre, qui ne peut provenir que d’une intelligente sourde entre les subalternes de la Comédie et les agents de leur cupidité. Il ne serait peut-être pas difficile de rompre cette intelligence, non plus que d’interdire l’accès du guichet à cette canaille qui l’assiège, et qui empêche les honnêtes gens d’en approcher. De nos jours, l’audace des marchands de billets est devenue telle qu’elle occasionne de véritables scandales, et que les administrations théâtrales sont les premières à réclamer l’action de la police contre ces industriels, afin d’empêcher leur trafic illicite. Voici ce qu’on lisait à ce sujet dans le journal le Temps du 28 janvier 1883 : Sur la demande des directeurs de théâtres, la préfecture de police s’est décidée depuis quelques jours à opérer de nombreuses rafles de marchands de billets, dont la présence aux abords du Vaudeville, de l’Éden, des Variétés et du Châtelet occasionne un véritable scandale. Pour opérer l’arrestation de ces individus, parmi lesquels se trouvent, d’ailleurs, plusieurs repris de justice, la préfecture de police se base sur l’article 45 de l’ordonnance du 1er juillet 1864, portant que « la vente et l’offre de billets ou contremarques et le racolage ayant ce trafic pour objet, sont formellement interdits sur la voie publique ».
Quoi qu’il en soit, les marchands de billets continuent leur petit commerce, tantôt d’un côté, tantôt d’un autre, et il est fort difficile de faire disparaître complètement cet étrange négoce. (Voyez Agences des théâtres.)
Dictionnaire pittoresque et historique du théâtre d'Arthur Pougin, 1885.


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