Lustre

Placé sous le plafond et dans le centre même du vaisseau, le lustre, on le sait, est le principal appareil d’éclairage d’une salle de spectacle. Autrefois, certaines salles en possédaient plusieurs, de petites dimensions ; aujourd’hui, on se borne à peu près partout à un lustre unique et d’une grande puissance éclairante.
L’emploi du lustre a été souvent l’objet de certaines critiques, qui n’étaient pas toutes sans fondement. M. Charles Garnier, l’habile architecte de l’Opéra, prit un jour sa défense avec une éloquence véritable, et traça ce qu’on pourrait appeler l’ »éloge du lustre. » Le morceau est joli, et vaut d’être reproduit (c’était dans un rapport au ministre des beaux-arts, et à propos du système d’éclairage à appliquer à la nouvelle salle de l’Opéra) : Arrivons donc à ce lustre que je soutiens et que j’aime ; la besogne est facile, car je n’ai pas à décrire un objet que tout le monde connaît : je veux seulement combattre les reproches qui lui sont faits et que j’ai déjà indiqués : celui de gêner les spectateurs des quatrièmes loges, et celui de masquer une partie de la voûte de la salle.
J’accorde très bien que dans plusieurs théâtres le lustre gêne la vue de quelques spectateurs ; mais cet inconvénient tient bien plutôt à la salle qu’au lustre tel qu’il devrait être. Si, comme à l’Opéra actuel et dans quelques autres théâtres, la salle, au lieu d’être terminées par un plafond, l’était par une voûte ou voussure, la place serait suffisante pour pouvoir placer un lustre assez haut, et, pour qu’il ne gênât pas les quatrièmes loges ou les cintres, il suffirait de donner à ce lustre plus de développement en largeur et moins en hauteur, pour concourir au même résultat éclairant. Si les lustres sont petits et mesquins et qu’il faille les descendre assez bas pour bien éclairer la salle, n’accusez pas le système général, mais bien l’engin particulier. Si le plafond commence tout de suite au-dessus des spectateurs des rangs du haut et que le lustre doive par suite être placé au niveau des troisièmes loges, accusez la forme de la salle, mais non pas le foyer central. Si le lustre est dessiné en forme de poire longue, accusez cette forme mal venue et illogique, mais absolvez le lustre large et peu élevé. Rendez-vous compte d’où vient l’obstacle, demandez-vous comment on peut le supprimer, et vous verrez bientôt qu’au lieu de subir une condamnation banale, il ne s’agit que de faire une étude facile sur la composition de la salle, sur les dimensions du lustre, sur la hauteur de son point de suspension, et que l’inconvénient signalé disparaîtra bientôt… Les reproches faits au lustre sont donc mal fondés ; il est toujours possible d’atténuer et même d’éviter les inconvénients qu’on signale, il est impossible de remplacer ce charmant foyer lumineux.
Qui pourrait donner à la salle cette joyeuse animation, si ce n’est cette lumière directe et visible, qui se joue dans les contours et accuse les saillies ? Qui pourrait, si ce n’est le lustre, donner cette variété de formes dans la disposition des flammes, ces points lumineux groupés et étagés, ces tons fauves de l’or piquetés de points brillants, et ces reflets cristallins ? Tout se tient, tout s’enchaîne ; c’est une gerbe de feu, de diamants et de lueurs dont la forme gracieuse, la ceinture miroitante est le complément indispensable de toute salle de fête.
N’avais-je point raison ? et, pour être bien plus vivant qu’académique, n’est-ce point là un véritable « éloge du lustre ( Avant l’emploi du gaz, les lustres de nos théâtres étaient éclairés à l’huile, et il n’y a pas plus d’un siècle qu’on fit l’essai d’un lustre unique éclairant la salle. Voici ce qu’on lit dans le petit almanach les Spectacles de Paris pour 1785, au chapitre de la Comédie-Française :, « A la rentrée d’après Pâques, on a fait l’essai d’une nouvelle manière d’éclairer la salle, suivant le procédé de MM. Lange et Quinquet. Il consiste en un lustre placé au milieu de la salle, qui répand partout une lumière très vive, très égale, et en même temps très agréable. ») ? » (Voyez Plafond lumineux.)

Dictionnaire pittoresque et historique du théâtre d'Arthur Pougin, 1885


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