Louis-Claude d’Aquin

Organiste né à Paris en 1694

Célèbre organiste, né à Paris au mois de Juillet 1694, mort le 15 Juin 1772. Il descendait d’un ancien professeur d’hébreu au collège royal et appartenait à M. d’Aquin, conseiller d’Etat, premier médecin de Louis XIV ; à M. Rouillé, ministre de la marine ; et à M. Geoffroy, de l’académie des sciences, etc. Son père, après avoir dissipé une partie de son bien à faire des voyages, avait perdu tous ses titres, et ses papiers dans un naufrage près de Tunis. Il avait heureusement beaucoup de disposition pour la peinture et il était revenu à Paris vivre du produit de cet art, dont jusque-là il n’avait jamais compté faire qu’un amusement.

Le jeune d’Aquin montra, dès son enfance, beaucoup de goût pour la musique, et n’eut presque d’autre maître que son génie. A l’âge de six ans il fut mené à la cour, et toucha le clavecin devant Louis XIV, qui lui fit un beaucoup d’accueil, et le récompensa. Le grand dauphin, qui était présent, frappa sur l’épaule de cet enfant extraordinaire, et lui dit : Mon petit ami, vous ferez un jour un de nos plus célèbres artistes. Cette prédiction s’est accomplie.

Quelques leçons de composition du fameux Bernier lui suffirent pour composer, à l’âge de huit ans, une Beatus vit à grand chœur et symphonie. Quand on l’exécuta, Bernier mit d’Aquin sur une table pour qu’il battit la mesure, et fût mieux vu des spectateurs. Il n’avait que douze ans lorsqu’il obtint l’orge de MM. les chanoines réguliers de S. Antoine ; et l’on accourait déjà en foule pour l’entendre.

Quand l’âge eut achevé de mûrir et de perfectionner ses talents, l’orgue de S. Paul vint à vaquer : c’était en 1727. Le concours sut annoncé et Rameau s’y présenta. Dès que d’Aquin eut entendu la fugue de Rameau, il s’aperçut qu’elle avait été préparée et se douta bien que le sujet lui avait été communiqué. Il ne cessa pas de jouer sur le champ une fugue qui pouvait le disputer à celle de son rival ; mais les suffrages furent partagés. Les maîtres de musique qu’on avait pris pour arbitres, furent d’avis de demander à ces deux concurrents des morceaux à leur choix. D’Aquin remonta à l’orgue le premier, jeta avec dépit son épée dans la chambre aux soufflets et arrachant le rideau qui le cachait aux spectateurs, il leur cria : C’est moi qui vais toucher. Il était hors de lui, et enleva tous les auditeurs. Rameau, déjà découragé, essaya inutilement de balancer les suffrages : d’Aquin eut la gloire de l’emporter sur ce grand homme.
L’année d’après, Marchand, qui est regardé comme le grand organiste qu’il y ait jamais eu, vint entendre le Te Deum de d’Aquin à S. Paul. D’Aquin toucha supérieurement ; et donna surtout un quinque qui parut un chef-d’œuvre. Marchand, qui l’aimait, fut surpris, et même un peu jaloux. Monsieur, lui dit-il en sortant, vous avez fait des miracles. Venez m’entendre aux Cordeliers le jour de S. Bonaventure. D’Aquin y alla ; et jamais peut-être Marchand n’a touché l’orgue avec plus de feu et de talent. Ce grand artiste dit, avant que de mourir, qu’il ne connaissait que d’Aquin qui pût le remplacer ; et d’Aquin lui succéda en effet à l’orgue des Cordeliers.

En 1739, le roi l’honora d’une des charges d’organiste de sa chapelle. Ce fut là qu’il fit souvent admirer la fécondité inépuisable de son génie. Dans les premiers temps de son exercice, il lui arriva de toucher l’orgue le jour de Pâques. Il donna, à l’ossertoire, des variations de l’O Filii. Ce chant heureux était propre à faire briller les talents du musicien, mais la longueur de l’offrande fit durer ce morceau plus longtemps qu’il ne s’y était attendu. Il poussa ses variations à l’infini, se surpassa lui-même, et étonna toute la cour. Le roi eut la bonté de lui en témoigner sa satisfaction dans la grande galerie ; et M. le Comte d’Eu lui dit qu’on en avait parlé plus d’un quart d’heure dans la chambre de Sa Majesté.

D’Aquin avait enseigné à feu M. le prince de Conti à toucher du clavecin ; mais il était d’un caractère trop vif et trop impatient pour s’assujettir à faire d’autres écoliers. La vivacité de son jeu sur l’orgue, était une suite de ce caractère vif et bouillant. Ennemi de tout esclavage, il préférait à l’honneur d’approcher des grands qui le recherchaient, les sociétés où il était libre et à son aise. Sa simplicité et sa droiture le rendaient incapable de toute manœuvre. Jamais il ne demanda rien, jamais l’ambition ni l’intérêt, jamais sa fortune ni celle de sa famille ne l’occupèrent un seul moment. Il aimait son art pour lui-même. Il suivait sa carrière, parce qu’il était né pour elle ; et il y rencontra la gloire, sans l’avoir cherchée. Il s’intéressait au succès de ses confrères : il instruisait les uns, il plaçait les autres. Personne n’a jamais admiré avec plus de plaisir et de meilleure foi les ouvrages des musiciens supérieurs. Il fut si frappé du Jubilate, l’un des plus beaux motets de Mondonville et y applaudit si vivement, que Mondonville, flatté de ce suffrage, a toujours appelé ce motet, depuis, le motet de M. d’Aquin.
Les plus grands artistes, de leur côté, ne pouvaient allez faire l’éloge de d’Aquin. Lorsque Händel vint en France, il alla l’entendre à S. Paul, et fut si étonné de son jeu, que, malgré toutes les instances qu’on put lui faire, il fut impossible de l’engager à toucher l’orgue devant lui. Rameau lui-même disait un jour à M. Balbâtre  La musique se perd, on change de goût à tout moment. Je serais fort embarrassé, si j’avais à travailler comme par le passé. Il n’y a que d’Aquin qui ait eu le courage de résister à ce torrent ; il a toujours conservé à l’orgue la majesté et les grâces qui lui conviennent. Il ne tiendrait cependant qu’à lui de faire des folies ; et c’est en quoi je l’admire.

Il est vrai que les chants nobles et mélodieux de d’Aquin allaient au cœur. Il y joignait une profonde science de l’harmonie, et une précision inaltérable dans la plus grande rapidité du jeu. Ce qu’il a eu encore par-dessus tous les virtuoses, c’est l’égalité des deux mains. Il a prolongé jusqu’à l’âge de soixante-dix-huit ans cette carrière o il s’était distingué de si bonne heure, et il a conservé jusqu’ la fin la même tête et des doigts aussi brillants. Dix-huit jours avant que de mourir, il toucha l’orgue de S. Paul à la fête de l’Ascension, et charma tous ses auditeurs. Pendant sa dernière maladie, qui n’a duré que huit jours, il pensait encore à la fête de S. Paul qui s’approchait : il disait qu’il voulait s’y faire porter par quatre hommes, et mourir à son orgue.

Il a beaucoup souffert, dans les dernières années de sa vie, du dérangement de sa fortune qu’il avait trop négligée. Une jeune femme, que son fils avait épousée, voyant son beau-père toujours assailli de créancier, a eu la générosité de sacrifier elle-même presque toute sa dote pour payer ses dettes, et lui procurer plus de tranquillité dans ses derniers jours. Sans les libéralités qu’il a reçues au lit de mort de M. le comte d’Eu, et les secours de M. Midor, curé de S. Paul, il serait mort dans le besoin. Ses mœurs étaient simples, sa probité inaltérable. On peut mettre au nombre de ses vertus une piété sincère, et un attachement pour la religion qui ne s’est jamais démenti.

Il a été enterré à S. Paul, avec un concours prodigieux d’artistes et d’amateurs. Les chanoines réguliers de S. Antoine, dont il avait touché l’orgue pendant soixante-six ans, on fait chanter un service pour lui, et accordé une gratification à son fils.

Ses ouvrages grâces sont : 1° un livre de pièces de clavecin, qu’il publia en 1735 et qui ont eu le plus grand succès ; 2° un livre de noëls, qui est fort estimé ; 3° une cantatille intitulée La Rose. Il en a laissé plusieurs autres manuscrits.

Dictionnaire des artistes ou Notice historique et raisonnée des architectes, peintres, graveurs, sculpteurs, musiciens, acteurs et danseurs. Ouvrage rédigé par M. l'Abbé de Fontenai. 1776


 

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