Le violon d’Ingres

Ingres

Ingres posséda plusieurs violons au cours de sa vie. Il semble même, au moment de sa mort, que trois instruments étaient encore en sa possession. Mais évidemment, étaient encore en sa possession. Mais évidemment, seul celui de Montauban, dont la boîte porte encore la trace des cachets apposés au moment de son décès, est assuré de lui avoir appartenu. L’artiste a même gravé son nom en toutes lettres sur l’archet qui l’accompagne, certifiant ainsi sa provenance.

L’instrument n’a, musicalement, rien de véritablement exceptionnel. On s’accorde même à penser qu’il s’agissait d’un simple violon d’étude, et il a subi plusieurs transformations au cours de sa vie. Sa taille, légèrement inférieure à celle d’un violon ordinaire, était parfaitement adaptée aux doigts plutôt courts de l’artiste.
Bien entendu, ce n’est pas en tant qu’instrument de musique proprement dit que ce violon est devenu célèbre, mais comme support d’une expression passée dans le langage populaire et qui veut dire : "avoir passe-temps". Ainsi donc, Ingres empêcha Henri Matisse, lui aussi violoniste amateur, d’accaparer à lui la fameuse expression : on ne parle malheureusement pas aujourd’hui de "violon de Matisse".

Ingres n’a jamais connu cette expression, lancée comme une boutade au cours d’un dîner, vers 1871-1872. Elle serait l’invention du journaliste Emile Bergerat, gendre du poète Théophile Gautier - du moins se vanta-t-il dans ses Mémoire, parus en 1911 (chapitre VII) - et le bon mot semble avoir eu toutes les chances d’amuser Gautier, qui été le soutien d’Ingres le plus fidèle. Sa répétition, de dîners en réceptions, assura ensuite la fortune de ce mot d’esprit.
Sur le talent d’Ingres, tout et à peu près n’importe quoi a été dit. En tout cas, il ne fut jamais un véritable virtuose et semble n’avoir jamais eu véritablement le temps de se consacrer à l’étude sérieuse et approfondie de la musique, après sa période d’adolescence. A partir de son entrée véritable dans le monde de la peinture, il semble que la musique soit restée un goût sincère, profond et important, mais la pratique musicale fut souvent sacrifiée. Et, s’il put être le soliste d’un concerto de Viotti, au moment de son séjour toulousain, on doute qu’il aurait pu le jouer à nouveau dans les dernières années de sa vie.
Certes, Ingres, joua maintes fois les grandes oeuvres de chambre de Mozart, Haydn ou Beethoven, et il fut même, à Rome accompagné par Liszt. mais il semble avoir plus volontiers tenue lapartie du second violon dans les quatuors à cordes, sans doute parce que celle de premier violon était bien trop ardue pour lui. Evidemment, il y a une grande différences entre savoir "jouer" et "pouvoir jouer".

Malheureusement, les témoignages étaient souvent bienveillants et d’une grande indulgence. Ingres et son violon étaient comme une sorte d’emblème de signe de reconnaissance, comme son amour pour les chats, pour la cuisine du Quercy, pour l’achat de petites antiquités. Et, de son vivant, on sembla surtout en sourire avec indulgence. Personne, en tout cas, ne parla de lui comme d’un virtuose, et si ses interprétations pouvaient être correctes, il ne semble pas qu’elles auraient pu faire de lui un violoniste recherché. D’ailleurs, après sa mort, Delphines Ingres se sentit sur le sujet, sous la forme d’une lettre qui fut publiée dans e Figaro du 30 juillet 1895 [1] :"Depuis longtemps je désire rectifier une assertion qui se propage dans les journaux et dans les mémoires artistiques à propos de prétentions que M. Ingres montrait pour son violon beaucoup plus, dit-on, que pour son pinceau. Il est sûr, qu’il était très bon musicien et qu’il adorait Mozart, Gluck, Beethoven mais jamais il n’a eu la prétention de se poser en virtuose, interprétant simplement la deuxième partie de violon dans les admirables quatuors de ces maîtres. Cette rectification me paraît nécessaire pour ne pas laisser à la postérité un dit-on qui a tout l’air d’un ridicule. Je vous serai très obligée, Monsieur, d’insérer cette petite note dans Le Figaro qui, par sa grande publicité, rectifiera, j’espère,une opinion répandue bien à tort." Le journal se contenta d’ajouter une phrase du peintre : "Je n’ai pas la dextérité ni l’habileté des vrais artistes, mais j’appuie sur la bonne note". Ce que beaucoup de musiciens amateurs aimeraient déjà pouvoir faire.

Caractéristiques du violon d’Ingres.
Petit entier - Italie fin du XVIII°siècle et Paris, milieu du XIX°siècle.
Erable et épicéa, 59 x 19,5 x 10
Hist. : Legs Ingres à sa ville natale (1867)
Extrait de l’ouvrage Ingres "autour des peintures du musée de Montauban, publié par le musée d’Ingres.


Notes

[1] (Cette lettre figura à la vente des archives de Philippe Gille (1831-1901), journaliste et écrivain, le 24 novembre 2002 (n°20).


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