Le savoir médical du temps de Mozart. Dossier 3

Le savoir médical

Les Anciens [9]  [10]
Au début du XVIIIe siècle, les connaissances médicales sont l’héritage de la médecine de l’Antiquité : Hippocrate, au Ve siècle avant J.-C., puis Galien au IIe siècle après J.-C. en sont des grandes figures. Leur conception de la médecine, innovatrice en leur temps, marqua des dizaines de générations de médecins, jusqu’au XVIIIe siècle qui verra le bouleversement de ces concepts.

Hippocrate

Hippocrate

Hippocrate, médecin grec ayant vécu au Ve siècle avant J.-C, nous a laissé peu de témoignages sur la vie publique. Par contre, restent de nombreux textes traitant de sujets médicaux, transmis jusqu’au Moyen-Age, rassemblés sous le titre de « Corpus Hippocratum ». Ces textes, au nombre d’une soixantaine, se présentent soit sous la forme de véritables documents, soit sous la forme d’annotations d’ordre clinique, et peuvent être considérés comme formant la première grande encyclopédie médicale, puisqu’elle traite non seulement des maladies, mais aussi des facteurs favorisants, de l’anatomie, de la physiologie, des épidémies, des pronostics, etc. Quelle que soit leur présentation, tous révèlent une même volonté didactique, énonçant les principes généraux qui sont les fondements de la « médecine Hippocratique ». Ces principes sous exprimés sous la forme d’aphorisme, les fameux « aphorismes d’Hippocrate », faciles à apprendre par cœur et à réciter, qui seront transmis et appris jusqu’au XVIIIe siècle.
Dans sa pratique médicale, Hippocrate était aussi bon médecin que chirurgien. Il soignait fractures et plaies, pratiquait saignées, cautères, purgatifs et vomitifs, autant de prescriptions et procédés dépuratifs utilisés jusqu’à la fin du XVIIIe siècle. Les prescriptions médicamenteuses se référaient aux 3 règnes existant à l’état naturel : le minéral, le végétal et l’animal.
Hippocrate édicta des principes guidant l’action du médecin, tels que :

  •   La priorité absolue à l’instruction du médecin, qui devait avoir lu et appris, avoir été formé par des maîtres, connaître la nature du corps humain, sa composition, son anatomie et ses réactions devant la maladie.
  •   En outre, quelles que soient ses connaissances théoriques, l’expérience personnelle devait tenir une place primordiale dans sa formation.
  •   Enfin, rien ne devait remplacer l’interrogatoire et l’examen du malade, auprès duquel le médecin devait longuement s’entretenir, et qu’il devait regarder, toucher et palper.

Le médecin pouvait alors formuler un diagnostic, envisager un pronostic et proposer un traitement adapté. Il s’agissait donc d’une méthode reposant sur le pragmatisme.
A ces principes concernant l’exercice médical s’ajoutaient d’autres concepts portant sur la composition de l’univers et du corps, qui s’appuient, selon Hippocrate, sur les 4 éléments fondamentaux : l’eau, la terre, le feu et l’air. Quatre caractères naissent de ces 4 éléments : le chaud, le froid, le sec et l’humide. De même, le corps est composé de 4 humeurs : le sang, la lymphe (ou phlegme), la bile jaune et la bile noire. C’est la théorie des humeurs, théories selon laquelle le corps contient les 4 éléments du monde sous forme d’humeurs, distinctes par leur aspect et par leur qualité :

  •   Le sang trouve sa source dans le cœur, véhicule la chaleur nécessaire à la vie et se tempère dans le cœur au contact du « pneuma » (ou « esprit de vie »), qui circule dans tout le corps par les veines.
  •   La pituite (ou lymphe ou phlegme) provient du cerveau et propage le froid.
  •   Originaire du foie, la bile jaune est sèche.
  •   L’ « astrabile » ou bile noire ou « mélancolie », humide, se rend de la rate à l’estomac.

Les aliments et les boissons sont capables de les renouveler dans les proportions harmonieuses qui traduisent l’état de santé, instaurant ainsi un équilibre rationnel où les qualités premières sont réparties de façon qu’aucune ne prime sur les autres. Les influences naturelles, en particulier les tempéraments et les saisons, modifient l’équilibre humoral dans des proportions relativement faibles.
En marge du tempérament modéré, qui résulte de l’équilibre parfait des 4 éléments dans l’homme, il existe un tempérament intempéré qui, à son tour, peut se révéler simple ou composé. Les physiologistes anciens arrivent à 4 combinaisons acceptables : le tempérament chaud-humide, le chaud-sec, le froid-humide, le froid-sec. Les saisons influencent les tempéraments. Ainsi, en hiver, c’est le froid et l’humidité qui prédominent, d’où prédominance dans le corps de l’humeur froide et humide qui est le phlegme. Au printemps, humide mais presque chaud, c’est le sang qui devient abondant. En été, saison sèche et chaude, c’est la bile jaune qui prend le dessus. Enfin en automne, époque sèche et froide, c’est la bile noire qui prédomine.
L’ensemble de ces éléments concourt à l’interprétation de la nature, qui reste toute en théorie pour Hippocrate, pour qui seul l’examen associé aux connaissances et à l’expérience peut guider le médecin dans ses décisions. Les moyens thérapeutiques font ensuite appel à deux procédés différents, selon les cas pathologiques : soit le mal doit être soigné par son contraire, soit il doit être traité par des phénomènes similaires. Ainsi, avec Hippocrate apparaît une médecine basée sur un enseignement pragmatique, une prudence dans les décisions thérapeutiques, une recherche de l’équilibre des humeurs.

Galien

Galien

Avec Galien (129-201) s’ouvre une nouvelle ère de la médecine. Il se dit opposé aux principes d’Hippocrate, mais adopte néanmoins sa théories des 4 humeurs, dont le bon équilibre est garant de bonne santé. C’est l’époque de la « médecine arithmétique », qui repose sur l’association des 4 éléments, des 4 humeurs et des 4 tempéraments. Théoricien (il rejoint les pneumatistes), il est aussi expérimentateur, et pratique des dissections de singes, dont il tire de fausses dispositions anatomiques attribuées à l’homme. Son grand mérite est de montrer que l’anatomie et la physiologie sont inséparables en médecine.
Après Erasistrate (304-245 av. J.-C.), qui formulait la double erreur de croire que les artères ne contenaient que de l’air et que les veines conduisaient le sang aux diverses parties du corps, Galien démontra que les artères étaient remplies de sang mais qui n’était pas un sang nourricier comme celui des veines. Se pose alors la question du passage de l’air des poumons dans tout le corps. Galien répond ainsi :
« Il n’y passe pas : l’air attiré est rejeté ; il sert à la respiration par sa température, et non par sa substance ; il rafraîchit le sang, et c’est là tout l’usage de la respiration. »
Bien que plus clairvoyant que ses prédécesseurs sur l’organisation du système circulatoire, sa théorie de la circulation reste entachée d’erreurs : il affirme qu’il existe une communication constante entre les deux ventricules cardiaques, par des pores invisibles. Cette théorie sera admise et imposée à l’égal d’un dogme par l’église, jusqu’à l’époque de la Renaissance, entravant pendant des siècles les recherches des autres anatomistes. Selon Galien, les veines portaient le sang aux parties pour les nourrir. Il distinguait néanmoins un « système veineux ou sanguin », le sang des veines et du coeur droit, et un« système artériel », appelé encore aérien ou spiritueux, le sang des artères et du ventricule gauche. Il n’y a pas de circulation au sens moderne du terme, mais un mouvement de va-et-vient centripète et centrifuge. William Harvey (1578-1657) montrera en 1628 qu’il s’agit d’un mouvement circulaire [11].
Galien reprend également le principe du « pneuma », largement développé au ler siècle après J.-C.. Le « pneuma » est le « souffle de vie qui anime l’organisme et crée la vie ». Quand ce « souffle » ou « esprit » de vie souffre, apparaissent les maladies. Cet esprit se manifestait sous 3 formes principales :

  •   le « pneuma psychique » ou « esprit animal » siégeait dans le cerveau et occupait le centre des sensations et du mouvement. Le « pneuma zootique » ou « esprit vital » siégeait dans le coeur, centre de la circulation et de la thermogenèse.
  •   Le « pneuma physique » ou « esprit naturel » siégeait dans le foie, centre de la nutrition et des métabolismes.

On lui doit un remarquable esprit de synthèse des doctrines philosophiques liées à la médecine. Il souligne également l’importance d’une bonne observation des patients. Il fut également à l’origine des débuts de l’hygiène, en encourageant la création d’égouts, de latrines et de fontaines dans les villes de l’Empire. Il eut une grande influence sur la médecine des siècles à venir.

Rédacteur Médecine des arts® Docteur Gwenaëlle Martine
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Bibliographie

Revue Médecine des arts, n°71. Numéro spécial Instrument à vent. La Santé de Mozart
[1] Delaunay P. Le monde médical parisien au XVIIIe siècle. Librairie médicale et scientifique, 1906, 479 p.
[2] Delumeau J., Lequin Y. Les malheurs des temps. Histoire des fléaux et calamités en France. Paris-Larousse, 1987, 519 p.
[3] Vial R. Mœurs, santé et maladies en 1789. Ed. Londreys, 1989, 327 p.
[4] Ramsey M. Professionnal and popular médecine in France 1770-1830. Cambridge Univesity Press, 1988, 406 p.
[5] Laget M., Luu C. Médecine et chirurgie des pauvres au 18e siècle d’après le livret de Dom Alexandre, Ed. Privat, 1984, 147 p.
[6] . Laget M., Luu C. Médecine et chirurgie des pauvres au 18e siècle d’après le livret de Dom Alexandre. Ed. Privat, 1984, 147 p.
[7] King L. S. The médical world of the eighteenth century. The Univesity Chicago Press, 1958, 346 p
[8] Daremberg C. Histoire des sciences médicales – tome II. Ed. baillère et Fils, 1870 – 1300 p.
[9] Fiessinger C. La thérapeutique des vieux maîtres. Société d’éditions scientifiques, 1897, 367 p.
[10] Sournia J. C. Histoire de la médecine et des médecins. Paris Larousse, 1991, 589 p.
[11] Hamburger J. De motu cordis (William Harvey, 1628) ou la circulation du sang. Ed. Bourgeois, 1991, 311 pp.


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