Le savoir médical du temps de Mozart. Dossier 3

Du barbier au chirurgien

Le mot grec de « chirurgie » désigne « la partie de la thérapeutique qui consiste à pratiquer certaines manœuvres externes ou opérations sanglantes ».
Jusqu’au XIIe siècle, en France, les médecins étaient aussi chirurgiens. Puis, par le concile de Latran en 1215, il leur fut interdit de « verser le sang » ainsi que d’effectuer des actes manuels. Cette interdiction fut à l’origine de la création de la profession de « chirurgien-barbier ». À partir de 1311, ceux-ci durent passer un examen de capacité pour obtenir le droit d’exercer [7]. En 1543, la corporation des chirurgiens-barbiers se sépara de celle des barbiers-perruquiers. En 1660, les chirurgiens-barbiers furent interdits de titre universitaire, d’enseignement public et de marque libérale et furent inféodés à la faculté de médecine. En 1720 est créée la première chaire chirurgicale pour les apprentis de Saint-Côme, puis en 1748 l’Académie de chirurgie, après qu’une ordonnance royale a reconnu le statut de chirurgien comme étant distinct de celui de chirurgien-barbier, en 1743.
En France, à cette époque, les chirurgiens, souvent d’origine moins aisée, sont formés sur le modèle des compagnons, qui comprend une partie de stages obligatoires complétée par des cours théoriques. L’examen dit « de grand chef-d’œuvre » couronne cet apprentissage à dominance pratique. Les candidats à la maîtrise de chirurgie doivent savoir le latin et posséder un degré de « maîtriser d’art ». Cet examen « de grand chef-d’œuvre » doit être passé devant un jury exclusivement composé de médecins. En 1744, les chirurgiens refusent de se présenter devant ce jury et commencent à se détacher peu à peu de l’autorité des médecins.

Dès 1736, une déclaration royale avait ordonné l’organisation d’un enseignement spécifique de la chirurgie dans toute ville pourvue d’une communauté. C’est le début d’une révolution de l’enseignement. Le collège de chirurgie de Paris, reconnu officiellement en 1750, édifie un amphithéâtre où les cours aux étudiants chirurgiens insistent sur la complémentarité de la théorie et de la pratique. S’y attachent une école pratique de dissection avec un petit hôpital de perfectionnement ou est dispensé un enseignement au lit de malade. Des étudiants en médecine rejoignent parfois les rangs des chirurgiens, dans les amphithéâtre et même dans les salles d’hôpitaux, où les chirurgiens règnent en maîtres.
A la fin du XVIIIe siècle en France, le nombre de chirurgiens est 4 fois supérieur à celui des médecins. Les chirurgiens, réunis en une confrérie placée sous le patronage de Saint-Côme et Saint-Damien, pratiquent des opérations difficiles. Les chirurgiens-barbiers, quant à eux, s’occupent des blessures, pansent les plaies, réduisent les fractures, incisent les abcès, pratiquent les saignées, et sont souvent appelés en cas d’accouchement difficile. Dans les campagnes, faute de médecins, ils pratiquent indifféremment la médecine et la chirurgie, pas toujours de façon clairvoyante.
En Allemagne, les opérations vulgaires et ordinaires sont laissées aux chirurgiens. Le médecin ne doit faire ni incision, ni appliquer cautères ou emplâtres. Mais il doit connaître la chirurgie, car il est de son devoir de guider le chirurgien dans ses interventions, dont l’indication doit être posée par le médecin. Un peu partout en Europe, le mouvement de séparation de la médecine et de la chirurgie va s’étendre. Le chirurgien cherche à établir sa valeur et à gagner son indépendance vis-à-vis du médecin.

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