Kermesse

Dans les villes flamandes de Belgique et de Hollande, on donne le nom de kermesses à des grandes foires annuelles qui sont accompagnées de divertissements de toutes sortes : chants, danses, mascarades, jeux divers, spectacles populaires, etc. A défaut d’autre célébrité, elles auraient eu du moins celle que leur a value le pinceau de Téniers, qui les a si souvent reproduites. Mais les kermesses hollandaises, surtout celles d’Amsterdam, de la Haye, de Rotterdam, qui attiraient des environs une foule immense, ont été longtemps fameuses, surtout par les effroyables orgies auxquelles elles donnaient lieu et qui, avec moins de grâce et sous un ciel moins séduisant, rappelaient les saturnales de l’ancienne Grèce. Hommes et femmes du peuple, artisans, ouvriers, domestiques, faisaient tout le long de l’année des économies destinées par eux à célébrer dignement la grande kermesse ; puis, le moment venu, chacun quittait le travail pour se livrer à un plaisir bestial, à des orgies sans frein, tant que durait la fête. Les maîtres étaient pendant ce temps obligés de se servir eux-mêmes, car un domestique ou une servante se fussent crus déshonorés de ne point prendre part à l’ivresse générale. Et ivresse est bien le mot, car on ne voyait alors par les rues, sur les places, au bord des canaux, que groupes impudiques, au bord des canaux, que groupe impudiques, composés d’hommes hébétés, de femmes échevelées, tous sous l’influence de libations excessives, se livrant à des chants obscènes, à des danses véritablement effroyables, à des gestes et à des postures sans nom, criant, hurlant, vociférant et ne se connaissant plus, leurs cris se mêlant aux grincements des orchestres de carrefours, au bruit des grosses caisses des saltimbanques, aux explosions des pétards et des pièces d’artifice qui partaient de tous côtés. Malheur à l’infortuné que le besoin ou sa mauvaise étoile poussait du côté d’un de ces groupes : on le saisissait, en commençant par lancer son chapeau dans le canal voisin, puis, bon gré malgré, on l’obligeait de prendre part à une danse furieuse. Ces bacchanales immondes duraient non seulement le jour, mais toute la nuit, à la lueur fauve des torches et des flambeaux, et ce qui se passait alors était indescriptible. Puis, la fête terminée, cette population, d’ordinaire si calme et si paisible, reprenait ses habitudes, et tout rentrait dans l’ordre accoutumé. De tels divertissements, et d’un nature si sauvage, étaient néanmoins la honte d’un pays civilisé. Aussi, depuis une vingtaine d’années, les efforts du gouvernement et des classes éclairées de la société tendent à atténuer, sinon à faire disparaître les effets funestes de fêtes d’un caractère si indigne. Ces efforts n’ont pas été infructueux, et déjà les grandes kermesses de la Hollande sont loin de reproduire les scènes ignobles et licencieuses qui les illustraient encore il y a trente ou quarante ans.
Dictionnaire pittoresque et historique du théâtre d'Arthur Pougin, 1885


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