Janine Reiss, coach de Maria Callas

Qu’est-ce pour vous enseigner le chant ?

N. L. Qu’est-ce pour vous enseigner le chant ?

Reiss Janine

J. R. C’est une passion et en même temps une inquiétude permanente. Il y faut une connaissance, un sens de la communication, et surtout la faculté de se gommer complètement de soi-même pour recevoir celui qui vient, être une espèce de mur amical, chaleureux et réflecteur, mais par une personnalité qui impose son ego. L’artiste est fragile, il faut l’apprivoiser avant de travailler. D’abord parce que le chanteur a, en fait, un contrôle très incomplet sur lui-même. La voix que nous entendons, il ne l’entend qu’avec l’oreille interne. Il faut donc d’abord lui donner la possibilité de se contrôler physiologiquement – c’est-à-dire d’avoir la certitude qu’il a bien son souffle, que ce souffle emmagasiné reste très bas, que la gorge est libre, qu’il n’a pas de sensations de serrage au niveau du larynx, qu’il n’a pas de vibrations dans le nez, toutes choses qu’il peut contrôler en étant aidé. De même qu’il faut l’aider à contrôler les résonances de tête, qui sont salutaires pour la voix parce que c’est la brillance et la jeunesse du son. Mais le produit fini, ce que le chanteur délivre après que tout cela est passé dans son laboratoire, à savoir le son porteur de mot lui-même porteur d’émotion quand la phrase est accomplie, il n’a pas de recul dessus, car le temps le dépasse et parce que d’autre part il surexpose le désir de ce qu’il voudrait faire entendre au son réellement produit. Je dois donc être un miroir pour le chanteur. Car il y a deux éléments dans ce qui se réalise de l’interprétation pour celui qui écoute : il y a l’artiste lui-même qui s’engage, et il y a ce qu’il délivre. Entre les deux il y a cette espèce de trait d’union à maintenir entre sa personnalité profonde et sa personnalité d’interprète qui arrive à la surface : il faut toujours que l’une surveille l’autre. Un grand artiste donne ainsi l’illusion de la plus grande spontanéité alors qu’il lui faut contrôler la voix, ne pas se laisser emporter par le débordement de son émotion, ne pas produire de mauvais sons. Et pourtant je ne crois pas à la pudeur dans l’interprétation : je veux dire que je ne crois pas à ces artistes qui ont prétendument un fort tempérament mais qui le cachent… Quand on a un grand tempérament, il sort !

N. L. Mais en fait votre métier c’est quoi ?

Janine Reiss

J. R. C’est un métier de bonheur, peu importe comment on l’appelle, l’essentiel est le plaisir qu’on peut y trouver, à condition que ce ne soit pas un pois aller, mais qu’on l’aime. Et alors il y a des moments tellement fantastiques. Ce qui est passionnant par exemple, c’est de remettre un chanteur au début de son rôle. Ainsi une grande chanteuse française est venue un jour me trouver car elle devait reprendre la Tosca, et elle m’a dit : « C’est un rôle que je ne sens plus, il est déchargé, vous comprenez, cette histoire… » Alors, je lui ai dit : « Comment, cette histoire ? Mais toutes les choses de la vie à notre époque vous prouvent qu’il y a partout dans le monde des femmes qui sont prêtes à donner leur vie pour sauver la vie de leur amant. Après Scarpin il y a eu le Duce, les Chemises noires, il y a eu Hitler, il y a eu la Gestapo et la rue Laurisson, et il y a eu des femmes qui se sont fait tuer pour ne pas délivrer des noms. » Et elle me regardait avec des yeux de plus en plus agrandis. Alors j’ai enchaîné : Maintenant, on va travailler Tosca. » Elle était complètement en condition, batterie rechargées, et elle a revu Tosca comme un nouveau rôle.
Cela est indispensable, mais devrait être naturel. Or, au Conservatoire, il y a bien une classe d’accompagnement, mais on n’y enseigne pas à devenir chef de chant, c’est-à-dire qu’on n’apprend pas aux gens qui se destinent à ce métier qu’à côté du piano il y a un être un peu spécial, debout, qui s’appelle un chanteur, qui n’est pas un monsieur ou une dame à « accompagner », ou à qui seulement donner des leçons de solfège, et qu’il ne faut pas traiter comme un violoniste ou un flûtiste, car il a un instrument au dedans de lui, qui fait partie de son corps. Et c’est pour cela aussi qu’il faut tenir compte de son attitude physique, ne pas par exemple le laisser chanter la bouche en biais, ou avec le menton qui tremble, ou en faisant du tricot avec les mains pour monter les vocalises… C’est tout cela mon métier, et c’et une redécouverte de chaque jour.

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