Jacques-Antoine Arlaud

Peintre né à Genève en 1688

Peintre, né à Genève en 1668, mort dans la même ville en 1743. C’était un de ces esprits faits pour réussir dans tout ce qu’ils entreprennent. Aidé d’une mémoire prodigieuse, l’étude des langues ne lui coûta presque rien. Deux mois lui suffirent pour le passer de maître en peinture. Après ce temps, s’étant enfermé pendant trois ans pour s’exercer dans cet  art, il vint à Paris. Son application constante et suivie lui acquit une facilité surprenante, qui, jointe à la correction du dessin et à la vivacité de l’esprit, le mit en état de faire un grand nombre de tableaux en miniature, genre qu’il avait embrassé. Ses tableaux étaient toujours ressemblants et posés agréablement. Quelques-uns étant parvenus au duc d’Orléans, depuis régent, ce prince, frappé de leur beauté, choisit Arlaud pour maître dans ce genre de peinture ; et afin d’être plus à portée de le voir travailler, de l’entendre parler de son art, et de profiter de ses leçons, il lui donna un logement à Saint-Cloud. Arlaud, animé par une protection si brillante, se surpassa ; aussi mérita-t-il justement les éloges flatteurs de ce même prince, qui dit  c’est Arlaud qui leur a appris à faire des portraits sa miniature a toute la force de la peinture à l’huile.

L’Angleterre rendit également hommage à ses talents. Dans un voyage qu’il y fit en 1721, il fut comblé de présents, de médailles d’or, et fut chanté par les poètes. Mais ce qui lui fit le plus d’honneur sans doute, c’est qu’il mérita l’estime et l’amitié du grand Newton, qui lui communiqua ses idées sur l’optique, qu’Arlaud rendit sensibles par es figures. De retour à Paris, il y fit ce chef-d’œuvre de miniature dont on parla beaucoup alors, et qu’il serait injuste de passer sous silence. Un jour, en visitant le cabinet de M. Cromelin, il y découvrit un bas-relief de marbre blanc, par Michel-Ange, qui représentait Léda et Jupiter changé en cygne. Ce morceau qui avait environ deux pieds de large, frappa tellement notre artiste, qu’il demanda à le copier. On le lui permit. Il m’imita sur du papier avec un soin extrême ; l’ouvrage fini, tout Paris connaisseur fut frappé de l’illusion. Cette superficie plate devint en bosse ; la vue pouvait à peine détromper les plus habiles artistes. Le vrai ton de couleur, les dégradations, les ombres portées, tout était rendu, ainsi que la finesse du dessin. On assure que le duc de la Force en avait fait l’acquisition pour 12000 livres, prix très confortable et que quelque changement dans la fortune de ce seigneur l’obligea de rendre la Léda au peintre, en lui donnant 3000 livres en dédommagement du temps qu’il l’avait gardée.

Arlaud, après avoir vécu quarante ans à Paris, et amassé près de 40000 écus, retourna en 1729 dans sa patrie pour y finir ses jours. Il emporta avec lui de beaux tableaux des meilleurs maîtres, dont il orna son cabinet la Léda y tenait la première place ; mais, fait qu’il eût quelque scrupule sur la nudité de cette figure, ou que peut-être ou lui en fît des reproches, ce joli tableau disparut en 1738. On a su depuis qu’il l’avait coupé en morceaux, de façon néanmoins que les parties n’en ont point été gâtées. Un des principaux magistrats de Genève possède la tête, une dame de Paris la main, et une dame anglaise le pied. Arlaud avait une si grande vénération pour cette miniature, que dans son portrait par Largillere, il est représenté travaillant à ce morceau. Il se peignit de même, avec la Léda, dans le portrait dont il enrichit la galerie de Florence  le Grand-Duc lui envoya en échange une médaille d’or. Arlaud ne fit plus rien depuis son retour de Paris, prétextant un coup qu’il avait reçu à la tempe, qui l’empêchait de travailler. Il passait son temps à lire, ou à entretenir une correspondance suivie avec les savants de tous les pays et dans tous les genres. Varignon lui envoya, de la part de Newton, son Essai sur l’optique. Ce présent était accompagné d’une lettre pleine d’amitié du savant Anglais  distinction d’autant plus grande, que Newton dit lui-même qu’il écrivit peu de lettres.

Après avoir près de douze ans sans se servir du pinceau, l’amour de la peinture se réveilla dans Arlaud, et lui reprocha cette inaction. Il essaya, et trouva heureusement que la main obéissait encore à la tête, et que la pratique, qu’il croyait entièrement perdue ne l’était point. Il allait mettre la dernière main au portrait d’un de ses parents, lorsqu’il sut enlevé par une mort subite. Il laissa, par son testament, à la bibliothèque de Genève, plusieurs médailles d’or qu’il avait reçues de différents princes et grands seigneurs ; son cabinet de tableaux, parmi lesquels on voit deux miniatures en grand de sa main ; l’une est une sainte Famille, et l’autre Magdeleine pénitente. Il lui légua de plus sa bibliothèque composée de livres rares et une ample collection d’Estampes. Franc avec ses amis, simple dans ses mœurs, décent dans ses plaisirs, Arlaud n’avait qu’une faiblesse, encore est-elle celle de l’amour-propre. Il se mettait ses façons au premier rang parmi les plus grands peintres.

Dictionnaire des artistes ou Notice historique et raisonnée des architectes, peintres, graveurs, sculpteurs, musiciens, acteurs et danseurs. Ouvrage rédigé par M. l'Abbé de Fontenai. 1776


 

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