Idéal

Adjectif
Qui n’a pas de modèle dans la nature, et n’existe que dans l’imagination.
Toutefois, parce que l’imagination ne crée rien, et que ses fictions ne sauraient jamais être qu’une agrégation, une combinaison d’objets qui sont tombés sous les sens de l’homme, l’être idéal n’est rien en effet qu’une modification de l’être existant dans la nature. Tels sont les centaures, les satyres, les chimères, les sphinx, les génies ailés composés de membres empruntés de l’homme et de divers empruntés de l’homme et de  divers animaux ; le Janus à deux visages, le cyclope avec un seul œil au milieu du front, les géants aux cent bras, le serpent aux cent têtes, etc. Mais cette acception du mot idéal change, ou du moins se restreint encore quand il s’agit de ce qu’on appelle, dans la peinture, beau idéal.
Le Beau idéal ne résulte pas, et ne saurait résulter d’aucun de ces assemblages fantasques de parties empruntées à des individus d’espèces différentes. Il consiste au contraire dans le perfectionnement, c’est-à-dire dans une heureuse modification, suivant les lois de la nature, du modèle donné par elle dans l’ordre commun de ses opérations.
Par exemple, cent personnes sont rassemblées sur la place publique, et voilà que survient un événement digne du pinceau de l’histoire. Cependant le principal acteur de cette scène n’a ni par sa stature ni dans les traits de son visage rien d’analogue à la nature de l’action dont il est le héros. Parmi les autres personnages, quelques-uns sont infirmes ou contrefaits ; la plupart manifestent la passion qui les agite par des mouvements désordonnés, tous sont d’une nature commune, et vêtus selon le caprice d’une mode bizarre ; ils se pressent on se dispersent sans aucun ordre ; ce n’est partout que confusion. Tel est d’ordinaire le modèle donné par la nature. Mais le peintre qui aura à fixer cette action sur la toile fera choix, pour le principal personnage, d’un modèle imposant par sa taille et sa physionomie expressive ; les autres, exempts du moins de difformité et, tous drapés, ajustés, posés pittoresquement et diversement groupés selon les règles de l’art, exprimeront avec précision, sans sortir du naturel, par des mouvements variés, selon l’âge, le sexe, le caractère de chacun, la part ou l’intérêt qu’ils prennent à l’action, et les émotions qu’ils en éprouvent : ce sera là le beau idéal de la composition.
La figure, considérée isolément, est de même, et plus encore, susceptible de beauté idéale : non seulement le peintre peut composer un ensemble de toutes les parties les plus parfaites qu’il aura rencontrées dans une multitude de modèles, bien que jamais probablement la nature n’ait réuni toutes ces belles parties dans un seul individu ; mais, parce qu’il aura observé quels sont le principe et la cause de la beauté de chaque partie de la figure humaine, il lui sera possible, tantôt par une légère exagération, tantôt par une légère exagération, tantôt par une heureuse abstraction de certaines formes, d’élever la ressemblance à un degré de beauté, et, s’il faut le dire, de perfection supérieure à celle du modèle donné par la nature elle-même. C’est en cela que consiste, à proprement parler, le beau idéal.
Idéal s’emploie aussi substantivement dans cette phrase : l’idéal de l’art. Par quoi il faut entendre l’artifice au moyen duquel les arts d’imitation suppléent à l’impuissance où ils sont de reproduire exactement certains objets, certaine propriété des objets, comme la vie, le mouvement, le bruit ; artifice plus facile à sentir qu’à expliquer, mystère de ces arts en vertu duquel un tableau, par l’accumulation des objets bruyants, l’infinie variété d’attitudes des personnages et la manière dont ils sont mis en action, porte à notre esprit, souvent jusqu’à l’illusion, les images et les idées de tumulte, de confusion, de bruit, de bouleversement, bien que tout soit immobile et silencieux sur la toile ; ou bien encore qui fait que marbre inanimé et sans couleur nous représente l’homme vivant, sans même que cette image, si fort incomplète, nous laisse rien à désirer (Voir Imitation). L’idéal de l’art n’a rien de commun ni avec l’être idéal ni avec le beau idéal. On appelle Idéalistes les artistes dont les œuvres sont empruntées d’un idéal concret, sensible, individuel (Voir Ecole, Appendice).

Edouard Rouveyre Comment apprécier les croquis, esquisses, études, dessins, tableaux, aquarelles, pastels, miniatures. Librairie G. Baranger fils, 1911


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