Huées

Le public de nos théâtres s’est civilisé. Peut-être dirait-t-on aujourd’hui qu’il est devenu trop débonnaire, et que sa placidité tourne à l’indifférence. Toujours est-il que jadis il se montrait beaucoup plus difficile et beaucoup plus chatouilleux, et que son esprit de critique allait souvent jusqu’à la cruauté. A tout prendre, mieux vaut sans doute excès d’indulgence qu’excès de sévérité. Comédiens et comédiennes sont des êtres humains, et nous ne voyons pas pourquoi, parce qu’ils portent un costume et se dévouent à nos plaisirs, le premier goujat venu se permettrait de les insulter. Autrefois, les parterres de nos théâtres, impitoyables envers l’acteur qui leur déplaisait ou chez qui se montrait une défaillance, ne se contentaient pas de murmures improbateurs ou même de sifflets cruels. Il les couvraient de cris, d’imprécations indignes, de huées formidables, et le malheureux, qui n’avait pas le droit de s’insurger, était obligé de se taire et de dévorer en silence un affront que parfois il n’avait pas mérité, des injures auxquelles il lui était interdit de répondre. Aujourd’hui, nous n’en sommes plus là, et si le sifflet a peut-être trop complètement disparu, pour certains acteurs qui méconnaissent aussi bien leur dignité que le respect qu’ils doivent au public, du moins l’outrage n’est-il plus de mise au théâtre, où il n’avait pas plus de raison d’être qu’ailleurs.
Dictionnaire pittoresque et historique du théâtre d'Arthur Pougin, 1885


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