Hippocrate

Hippocrate et la médecine clinique

A la tête des ouvrages d’Hippocrate, on trouve un décret du peuple d’Athènes, qui accorde à ce médecin une couronne d’or, le droit de bourgeoisie et l’éducation gratuite pour les jeunes gens de l’île de Cos comme pour les enfants des Athéniens même/ Ce peuple généreux lui décerna encore les honneurs que l’on rendait à Hercule ; et ce fut par sa sage prévoyance qu’il les avait mérités. Les Illyriens lui offrirent de grandes sommes pour qu’il se rendit en leur pays et travaillât à les délivrer de la peste qui les désolait ; mais comme il connut, par certains vents qui régnaient alors, que cette maladie passerait ensuite dans la Grèce, il ne voulut point s’en éloigner, persuadé que sa présence et ses avis ne tarderaient pas à être nécessaires à sa patrie. Dans cette vue, il envoya d’avance ses disciples dans toutes les villes, les chargea de ses conseils et les munit des secours propres à arrêter les ravages de l’épidémie naissante. Fort éloigné de jouir du repos qu’il n’accordait point à ses élèves, il tenait le gouvernail d’une entreprise dont l’amour de la patrie était le premier mobile. Attentif à tout ce qui se passait, informé des progrès de la maladie, il volait dans les endroits où sa présence était jugée nécessaire.

L’importance de ce service qu’il rendit à la Grèce, et le grand nombre d’autres qu’il rendait tous les jours, lui méritèrent non-seulement l’estime de sa nation, mais encore celle des peuples voisins. Il n’y eut bientôt qu’une voix sur son compte, et la célébrité dont il jouit fut d’autant plus solidement établie, qu’il n’y était parvenu que par des vertus, un désintéressement, une modestie qui égalaient son habileté. Mais il se présenta une nouvelle occasion de donner à la Grèce une preuve éclatante de ces rares qualités. Le sénat d’Abdère l’engagea à se transporter dans la solitude de Démocrite et à travailler à la guérison de ce sage que le peuple prenait pour un fou. Hippocrate s’y rendit et pensa bien différemment sur le compte de Démocrite. Ses raisons convainquirent même les Abdéritains, qui lui présentèrent dix talents en récompense des peines qu’il  avait prises pour les tirer d’inquiétude ; il refusa ce présent, et il fit encore voir, à cette occasion, combien il méprisait les richesses.

Pline fait Hippocrate auteur de la médecine clinique, que d’autres  ont attribuée à Esculape ; mais il n’y a pas d’apparence que l’on ait tant tardé à visiter les malades dans leur lit. Il est un si grand nombre de choses qui distinguent cet habile médecine, que Pline a tort de le parer d’un mérite supposé, pendant qu’on en trouvé tant de réels dans sa conduite. Le principal consiste à le voir tout employer pour dissiper les nuages d’une fausse philosophie sur les débris de laquelle il établit la véritable médecine. On ne remarque dans ses observations, dans ses raisonnements, ainsi que dans ses remèdes, aucune trace de cette superstition philosophe, qui de son temps subjuguait les esprits. Son bon sens la lui fit mépriser ; il ne conservant de la philosophie que ce qui pouvait être de quelque usage, il joignit avec sagesse le raisonnement et l’expérience ; ce qu’aucun médecin n’avait fait avant lui. Telle est l’origine de la médecine dogmatique ou rationnelle dont cet heureux accord est le premier fondement.

Hippocrate tourna principalement ses vues du côté de l’observation. Attentif à examiner les mouvements de la nature dans le cours des maladies, il s’attacha non-seulement à connaître les symptômes passés, présents et futur, mais à les décrire de telle façon, que les autres pussent les connaître comme lui. L’habileté qu’il montra en cela est encore aujourd’hui un sujet d’admiration ; car personne ne l’a surpassé, peut-être même égalé, dans la manière d’exposer les indications et les pronostics des maladies. C’est aussi ce qui lui a mérité le nom de Prince de la Médecine. Mais ce grand génie ne s’en tint pas là ; il fut encore l’inventeur de cette excellente partie de l’art de guérir, que nous appelons diététique et qui concerne les aliments ou le régime des malades. Il lui parut si important de s’attacher à cet article, qu’il en fit son remède principal et souvent unique, surtout lorsque la personne incommodée est d’un bon tempérament et qu’elle conserve ses forces.

- Ce médecin est le plus ancien auteur chez qui l’anatomie soit traitée comme une science. Il a semé dans ses ouvrages une si grande quantité d’observations sur cette partie de la médecine, qu’on en composerait un corps considérable en les réunissant. Si d’ailleurs l’on parcourt les traités admirables qu’il nous a laissés sur les luxations, on ne doutera point qu’il n’ait eu une profonde connaissance de l’ostéologie. Convaincu lui-même des progrès surprenants qu’il y avait faits, et jaloux de transmettre à la postérité des preuves durables de sa science et de son industrie, nous lisons dans Pausanias qu’il fit fondre un squelette d’airain, qu’il consacra à Apollon de Delphes [1]. Hippocrate se distingua encore par son habileté dans la chirurgie. Les écrits qu’il a laissés sur cette partie doivent être mis au rang de ce qu’il a fait de mieux ; ils sont clairs, méthodiques, parfaits, et méritent encore d’être lus dans notre siècle, quoique cet art soit maintenant poussé bien loin. Ce qu’il en a dit n’est pas le fruit d’une simple théorie ; il a fait pendant une vie longue et appliquée. Toutes les opérations connues de son temps entraient dans sa pratique ; il faut cependant en excepter la lithotomie, qu’il interdit à ses disciples, ainsi qu’il paraît du Livre De jurejurando, dont la formule contient cette promesse : Calculo verolaborantes haudquaquam secabo ; sed viris operatoribus hane operationem obeuntibus relinquiam.

[1.] On a suivi l’opinion de Riolan qui fut au nombre de ceux qui ont pensé qu’Hippocrate avait disséqué des cadavres humains, et c’est d’après lui qu’on a fait parler Pausanias. Mais un critique moderne (M. Goulin) prouve que cet historien n’a rien écrit de semblable ; voici comme il traduit le passage cité par Riolan : il y avait, parmi les offrandes faites à Apollon, la représentation en airain d’un homme exténué par une longue maladie, les chairs duquel étaient consumées et fondues, et qu’il n’avait plus que les os. On disait à Delphes que c’était une offrande du médecin Hippocrate.

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