Hallucinations musicales, les facteurs déclenchants

Hallucinations musicales, cas cliniques

Clara cite dans son journal que son époux entendait « une céleste musique, émanant d’instruments aux résonances merveilleuses, comme jamais on en entendit sur terre » [13].
Comme il le confia à l’un de ses amis, Schumann était sujet à « un étrange phénomène … : l’audition intérieure de morceaux merveilleusement beaux, totalement formés et complets ! On dirait des cuivres dont les accords lointains seraient soulignés par de magnifiques harmonies ». « Ce compositeur souffrait d’un trouble maniaco-dépressif ou schizoïde, ainsi que d’une neurosyphilis contractée sur le tard. Et ; comme Peter Oswald le signale dans son Schumann : Music and Madness, les hallucinations musicales qu’il avait auparavant dominées ou mises au service de sa créativité avaient dégénéré vers la fin de sa vie : passant de l’ « angélique » au « démoniaque », elles avaient fini par engendrer cette « terrible » - note unique - un la d’une intensité insupportable qui retentissait jour et nuit. »
O. Sack conte l’histoire de « John C. éminent compositeur âgé de plus de soixante ans, n’était ni sourd ni en mauvaise santé. Il franchit la porte de mon cabinet parce que, comme il disait, son crâne contenait « un iPod » qui jouait une musique surtout constituée des airs populaires qu’il avait entendus dans son enfance ou son adolescence : il regrettait d’être exposé à l’âge adulte à ces sortes de productions musicales qui ne lui plaisaient pas. Sa musique intérieure le dérangeait d’autant plus qy’elle ne s’interrompait qu’en de très rares occasions : l’écoute d’une musique, la lecture ou la conversation ne l’inhibait que temporairement ; et il ne parvenait à l’arrêter que pendant trente ou quarante secondes après s’être dit ou crié « Stop ! ».

Hallucinations musicale, médecine des arts©

Tout en différenciant le fonctionnement de son « iPod » de celui d’un objet extérieur, John soulignait qu’il ne se comportait pas du tout non plus comme l’imaginaire musical normal (volontaire ou involontaire) qui faisait partie intégrante de son esprit et qui était d’autant plus actif qu’il s’efforçait de composer. Cet « appareil » lui semblait avoir une vie propre : il se déclenchait à tout propos, spontanément, inexorablement et de manière répétitive – et c’était encore plus agaçant la nui que le jour. Non seulement les créations de John étaient des plus complexes, tant intellectuellement que musicalement, mais il avait toujours eu du mal à composer. Il se demandait si son « iPod » cérébral n’allait pas le conduire à choisir « la solution de facilité » : il craignait qu’il ne l’incite à préférer les remaniements d’airs anciens à l’enfantement douloureux de nouvelles idées musicales. .. Il convient de noter que, en dépit de son origine habituellement vocale et orchestrale, sa musique hallucinatoire se transcrivait instantanément et automatiquement en une musique de piano, le plus souvent écrite dans une tonalité différente. Ses mains « jouaient » ces transcriptions « toutes seules ou presque », et il avait l’impression que deux processus distincts étaient à l’œuvre : de vielles chansons refluaient d’abord, puis son cerveau de compositeur (et de pianiste) retraitait activement cette « information musicale tirée de ses banques de mémoires ». [14]

Donal Henahan a parlé de la blessure de Chostakovitch dans un article du New York Times. Selon une rumeur non confirmée, remarqua Henahan, le compositeur aurait été atteint par un éclat d’obus allemand lors du siège de Leningrad et une radiographie pratiquée quelques années plus tard aurait révélé qu’un fragment de métal était logé dans l’aire auditive de son cerveau.

Selon Henahan « Chostakovitch hésitait cependant à se faire opérer, ce qui n’a rien d’étonnant ; depuis que ce fragment était là, disait-il, il entendait de la musique chaque fois qu’il penchait la tête d’un côté. Son crâne regorgeait de mélodies – toutes différentes – dont il faisait ensuite bon usage quand il composait. Il lui suffisait de redresser la tête pour que cette musique s’interrompe immédiatement ». Nora Klein, fine connaisseuse de la vie et de la musique de Chostakovitch, m’a dit, commente O. Sacks, depuis que cette histoire de shrapnel est « une ânerie remontant à la guerre… En fait, Chostakovitch n’est jamais monté sur un toit survolé par des avions ennemis ; la composition des premiers mouvements de la Symphonie n°7 suffisait à l’occuper ». « Les bureaucrates soviétiques passaient leur temps à colporter ces genres de mensonges », a ajouté le Docteur Klein. ». [15]

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