Génie Musical

Le génie, en musique, c’est la faculté, la puissance de création. Le musicien de génie est celui qui sait trouver des idées nouvelles, et ouvrir à l’art des routes inexplorées. La nature et le cœur humain offrent sans cesse une mine abondante et riche aux explorations de l’artiste , mais il n’est qu’un petit nombre de privilégiés qui sachent recueillir cet or pur, le séparer de tout alliage, le façonner avec habileté et le marquer d’une empreinte ineffaçable. Cette faculté de création indique la différence qui existe entre le musicien de génie et celui qui n’a que du talent. Le premier, marchant dans sa force et dans sa liberté, fait entendre au monde des chants nouveaux et des mélodies inconnues. Le second s’empare de cette œuvre commencée, la perfectionne et la complète. A l’un la gloire des découvertes, l’initiative des idées ; à l’autre l’habileté de la mise en œuvre. L’histoire a enregistré les noms des hommes d’élite qui ont agrandi par leurs travaux le domaine de l’art musical ; mais il faut le dire, ces hommes éminents n’ont pas toujours recueilli le fruit de leurs efforts. Supérieurs à leurs contemporains, la foule a quelquefois refusé de les suivre dans leur essor hardi vers des sphères inconnues ; et, longtemps incompris, ils ont eu à lutter contre l’indifférence ou le dédain du public dont ils froissaient les préjugés et les habitudes. On sait quelles préventions, quels obstacles eut à vaincre le génie de Gluck avant qu’il lui fût possible de se déployer sur notre scène lyrique ; on sait quelles tempêtes de récriminations soulevèrent les chefs-d’œuvre de ce grand musicien. On contesta la haute valeur de ses travaux, on méconnut son originalité puissante, on proscrivit ses innovations les plus heureuses, et l’on ne craignit pas même d’appeler un galimatias stupide ses plus éclatantes et ses plus sublimes beautés. Mais l’illustre compositeur ne se découragea pas ; il tint tête à l’orage avec cette attitude calme et fière que donne la conscience d’une grande supériorité ; et peu à peu les préventions cessèrent : aux injures succéda l’admiration, et le nom de Gluck est arrivé jusqu’à nous entouré d’une glorieuse auréole. Ce dédain de la foule pour tout génie novateur n’a pas même épargné l’un des plus grands musiciens de notre temps, Rossini. Personne n’ignore qu’à l’époque de son apparition, Guillaume Tell fut peu goûté par la masse des dilettantes ; et cependant Guillaume Tell est regardé aujourd’hui comme la création la plus admirable de Rossini, comme celle où l’illustre compositeur a déployé le plus de sève et d’originalité. Ces exemples prouvent qu’en dépit des préjugés, des habitudes prises, des préventions de la médiocrité et de l’ignorance, le génie véritable est toujours sûr d’arriver au succès ; et souvent même ce succès est d’autant plus éclatant, d’autant plus durable, qu’il a été plus lent et plus difficile à obtenir.
Dictionnaire de musique, Léon et Marie Escudier, 1872


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