Gaité

Gaîté sur scène

Du grec gao, rire

Joie, belle humeur ; parole ou action folâtre.
Si une personne de théâtre ne peut avoir trop d’attention à ne donner sur elle que le moins de prise qu’il est possible aux événements heureux ou malheureux qui lui arrivent, les acteurs comiques sont encore plus assujettis que les autres à cette loi. Le désir de se faire applaudir est presque la seule passion qui leur soit permise ; et, à cet article près, chacun d’eux ne doit connaître d’autre sentiment habituel que celui de la joie. Ce n’est qu’en se donnant la comédie à soi-même, qu’on peut parvenir à la bien jouer.

Quand on représente un personnage comique sans y prendre du plaisir, on a l’air d’un mercenaire qui exerce le métier d’acteur par l’impuissance de se procurer d’autres ressources. Au contraire, lorsqu’on partage le plaisir avec les spectateurs, on est toujours certain de leur plaire. S’ils sont joyeux, les acteurs comiques ont presque nécessairement de la chaleur. N’oublions pas cependant de les avertir que nous désirons (pour l’ordinaire) de lire dans leur jeu seulement, et non sur leur visage, la gaîté que leur inspirent leurs rôles. Les physionomies tristes ne sont souffertes qu’avec peine dans la comédie. Mais un comédien, qui se propose de nous réjouir, nous paraît souvent d’autant plus comique qu’il affectera davantage paraître sérieux. Il ne doit jamais perdre de vue qu’il est obligé toujours de demeurer caché derrière son personnage ; que le personnage nous divertit soit par les choses qu’il fait ou qu’il dit de dessein prémédité, soit par des actions et des discours involontaires ; que, dans la dernière supposition le comique manque son effet, si l’acteur, en riant, lui ôte l’air de naïveté qui en fait tout le prix ; que dans le premier cas, les plaisanteries perdent au théâtre, comme dans la conversation, leur sel le plus piquant, si la personne dont elles parlent ne dissimule avec soin son intention de faire rire, et l’espérance qu’elle a d’y réussir. Rien n’est si maussade, soit dans un valet, soit dans une soubrette, qu’une vivacité d’emprunt, qu’une gaîté factice et apprêtée ; rien qui semble plus fait pour attrister tout le monde que ces joies de commande, comme les sots ne paraissent jamais plus insupportables que quand ils ont des prétentions à l’esprit.

Dictionnaire de l’art dramatique A l’usage des artistes et des gens du monde Ch. De Bussy Paris, Achille Faure, 1866


 

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