Flûte enchantée (La)

All. Die Zauberflüte
Opéra en deux actes
Livret d’Emanuel Schikaneder, d’après le conte « Lulu » tiré du recueil de contes orientaux, Dschinnistan, de Wieland (1780).
Musique de Wolgang Amadeus Mozart

Création
30 septembre 1791, à Vienne (Theater an der Wien)

Personnages
Tamino, un prince égyptien (ténor lyrique, de préférence à ténor léger ainsi qu’on le distribue parfois – Papageno, un oiseleur (baryton) – La Reine de la Nuit (soprano dramatique coloratura ; rôle court, mais présentant de grandes difficultés vocales : la tessiture est très tendue et exige de monter au contre-fa aigu ; on distribue donc souvent le rôle à un soprano léger, faute de trouver des sopranos dramatiques qui vocalisent avec aisance) – Les trois Dames de la Reine de la Nuit (soprano, mezzo-soprano, alto) – Pamina, fille d’Isis et d’Osiris (basse profonde : un des rôles les plus graves du répertoire courant) – Monostatos, Maure au service de Sarastro (ténor bouffe) – L’Orateur (basse) – Papagena (mezzo-soprano léger) – Les trois Garçons (soprano, mezzo-soprano, alto ; ou trois voix d’enfants) – Les deux Hommes armés (ténor, basse) – Six petits rôles (dont quatre parlés), chœur, ballet (finale du premier acte).

Argument
Il n’est pas possible, en quelques lignes seulement, de rendre sensible l’extrême diversité d’un argument où la fantaisie n’est pas incompatible avec la gravité, où le familier côtoie le sublime, où l’allusion maçonnique, en outre, est une composante du livret qu’on ne saurait négliger : livret dont le musicologue A. Einstein disait qu’il permet de déceler le sens théâtral d’un auditeur ‘selon qu’il aime ou ne l’aime pas) et que Goethe prit tellement au sérieux qu’il pensa lui donner une suite.
L’action se déroule dans une Egypte imaginaire, à une époque indéterminée. Le jeune prince Tamino aime la belle Pamina, fille de la maléfique Reine de la Nuit, prisonnière du cruel Monostatos. Conduit par trois Garçons ingénus et muni d’une flûte enchantée, Tamino triomphera de toutes les épreuves initiatiques imposées par le grand prêtre Sarastro et recevra Pamina en récompense suprême, tandis que l’oiseleur Papageno – subissant bien malgré lui les mêmes épreuves – trouvera lui aussi sa Papagena.

Le compositeur
Mozart (né à Salzbourg, 1756, mort à Vienne en 1791) est né à une époque entièrement dominée par l’opéra italien, et s’est intéressé très tôt au théâtre lyrique : dès l’âge de neuf ans, il écrit un air dramatique pour ténor et, à onze ans, il compose un opéra mythologique, Apollo et Hyacynthus. Dès lors, les ouvrages dramatiques occuperont une place centrale dans son œuvre : ils se conforment aux règles et conventions de l’opéra buffa et de l’opera séria, à quoi s’ajoutera le Singspiel allemand. Cependant, la génie mozartien saura s’affranchir des influences, transcender les formes anciennes sans les détruire, et trouver une expression personnelle, à nulle autre comparable. L’opéra mozartien – les chefs d’œuvre de la maturité – constitue une réussite solitaire, qu’il demeure vain de tenter de définir par des références ou des comparaisons dans le domaine lyrique : à partir d’Idoménée, tout enchante, tout est digne d’admiration, sans qu’il soit possible d’en démêler toujours les raisons, qui sont davantage celles du cœur que de l’intelligence.
Le premier véritable opéra est La Finta Semplice (1769), partition bouffe dans le style de Goldoni, que suit immédiatement Bastien et Bastienne ». Mitridate, Rè di Ponte (1770) est un opéra séria sans grande originalité, dont le succès valut au compositeur la commande de la « serenata » Ascanio in Alba (1771) : œuvre d’apparat et de circonstance qui prend cependant, grâce à la musique, une vérité et une densité étonnantes. Avec Lucio Silla, l’année suivante, s’annoncent très manifestement les ouvrages delà maturité.
Toutefois, La Finta Giardiniera (1775) n’est encore qu’un opéra bouffe traditionnel, et Il Rès pastore (1775) un simple enchaînement d’airs fort beaux.
Mais, en 1781, Mozart crée son premier grand chef-d’œuvre dramatique, Idomeneo, Rès di Creta, qui préfigure tous les opéras futurs, et jusqu’au drame Wagnérien. Se succéderont ensuite die Entführung aus dem Serail (1782), la divertissante satire du Schauspieldirektor (1786) ainsi que Le Nozze di Figaro (la même année), puis Don Giovanni (1787), Cosi fan tutte (1790), La Clemenza di Tito (1791) et Die Zauberflüte (la même année), tous les ouvrages qui seront successivement présentés dans le cours de ce volume. La production lyrique de Mozart comprend également cinquante-six grands airs de concert ou airs d’opéras séparés, et quatre ouvrages dramatiques inachevés (dont Zaïde et L’Oca del Cairo).

L’œuvre

Papageno

La Flûte enchantée – cet ultime chef-d’œuvre de Mozart, énigmatique, déconcertant – ne souffre guère de comparaison avec aucun autre opéra du compositeur. Fable naïve et symbolique, qui tient à la fois de la féerie populaire et de l’ésotérisme maçonnique, la Flûte enchantée « revêt, en dernière analyse, le caractère essentiel de la démarche mystique » (Roland-Manuel).
Mais il faut rappeler que l’œuvre fut écrite pour un modeste théâtre de la banlieue viennoise, et nullement destinée – comme on l’imagine parfois aujourd’hui - aux fastes du grand opéra. La Flûte enchantée appartient essentiellement au genre du Singpiel allemand illustré déjà par l’Enlèvement au sérail, et si Mozart exalte, transcende le genre, c’est qu’il réalise ici la somme de toutes ses expériences. Sous son vêtement grossier – les invraisemblances, les trivialités qui émaillent l’intrigue -, la Flûte enchantée reflète le sentiment de fraternité humaine du musicien, et sa quête incessante d’une vérité absolue : exemplaires sont les deux personnages de l’oiseleur Papageno et du prince Tamino, en qui Mozart incarne, tour à tour, ses aspirations.
A travers son itinéraire initiatique, la Flûte enchantée dessine les grands symboles de la lutte des ténèbres contre la lumière : opposition entre les airs vocalisants de la Reine de la Nuit, héritière du Monde nocturne – et qui multiplient les coloratures brillantes et glacées – et ceux du prêtre Sarastro, maître du Jour, détenteur du cercle solaire de la Sagesse – d’une profonde noblesse, d’une sérénité dépouillée :
« Il suffit d’entendre la Flûte enchantée, de la lire une seule fois pour saisir ses prolongements, son sérieux profond et aussi à quel point l’art musical de Mozart est devenu une véritable somme des styles (C. de Nys) : si Sarastro semble issu de l’opéra de Gluck et la Reine de la Nuit de l’opera séria, avec Papageno et Papagena nous entendons des chanson viennoises populaires à peine stylisées, avec une légère pointe de l’esprit bouffe italien, tandis que Tamino et Pamina unissent le bel canto italien et la simplicité mélodique du lied allemand :
Même diversité stylistique dans la succession des différents tableaux de l’ouvrage qui font parcourir toute la gamme des formes dramatiques, de l’ariette strophique (les airs à couples de Papageno) aux structures les plus complexes (ouverture, célèbre choral des deux hommes armés – où Mozart combine en une polyphonie savante trois thèmes liturgiques -, grand finale du second acte) ; jamais cependant le moindre disparate ne se fait sentir, et l’impression domine d’un « tout » merveilleusement fondu et organisé. La Flûte enchantée réalise l’une des synthèses les plus parfaites de toute la musique dramatique … Ouvre grave et prophétique, portant en elle les germes du romantisme allemand, elle marque le point de départ d’une longue évolution de l’opéra qui conduira à Wagner et, tout autant, à R. Strauss (v. la Femme sans ombre).

Discographie
Sur la dizaine d’enregistrements intégraux disponibles, trois dominent nettement leurs concurrents.
- A.Dermota (Tamino), I. Seefried (Pamina), E. Kunz (Papageno), W. Lipp (la Reine de la Nuit), L. Weber (Sarastro), etc. Orch. Philh. De Vienne, dir. H. von Karajan (3 disques, rééd., EMI) : cette ancienne version, proprement « miraculeuse », reste de référence (on y admirera, en particulier, la Pamina insurpassée d’I. Seefried, et le Tamino, extrêmement musical, d’A. Dermota). N. Gedda (Tamino), G. Janowitz (Pamina), W. Berry (Papageno), L. Popp (la Reine de la Nuit), G. Frick (Sarastro), etc., Orch. Philharmonia, dir. O. Klemperer (3 disques, Voix de son maître) : bonne interprétation vocale, et la direction grandiose d’O. Klemperer.
- S. Burrows (Tamino), P. Lorengar (Pamina), H. Prey (Papageno), C. Deutekom (la Reine de la Nuit), M. Talvela (Sarastro), etc., grande réussite également, et sans doute l’interprétation vocale la plus complète après celle de la version Karajan.
- Mais on ne se privera pas d’écouter la version publiée sous la direction du grand F. Fricasy (3 disques, Deutsche Grammophon), de même que deux enregistrements « live » aux mérites dissemblables : tous deux avec l’Orchestre Phil. De Vienne, l’un conduit par A. Toscanini (3 disques mono, Cetra), l’autre par W. Furtwängler (3 disques monon, Cetra).


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