Djamileh

Opéra-comique en un acte, paroles de M. Louis Gallet, musique de M. Georges Bizet, représenté à l’Opéra-comique le 22 mai 1872. La donnée du livret, tirée du poème d’Alfred de Musset, Namouna, n’était pas favorable à la musique. C’est la destinée de tous les livrets empruntés à ce poète, le moins naturel de tous les poètes, malgré le matérialisme qui fait le fond de ses affabulations. L’art dramatique en général, la musique dramatique surtout ne peuvent se passer des sentiments de la nature humaine, et quelque dissimulés et déguisés qu’ils soient par une mauvaise prose ou de mauvais vers, ils suffisent souvent à inspirer le musicien et, dans tous les cas, ils donnent un certain intérêt à la pièce. MM. Louis Gallet et Bizet auront été sans doute amenés, par l’accueil fait à leur œuvre collective, à réfléchir sur ses défauts et à modifier leur itinéraire. Que peut avoir d’intéressant ce jeune Egyptien, Haroun, qui change de maîtresse, c’est-à-dire d’esclave, chaque mois, qui est sceptique, énervé, en un mot qui possède les qualités morales et physiques de ce qu’on appelle sur le boulevard « un petit crevé ? » Djamileh, sa dernière esclave, le juge plus favorablement et, au moment de recevoir son congé, elle conçoit pour lui une passion que je peux à juste titre qualifier d’insensée. Haroun ne la renvoie pas moins. La jeune personne tient bon et obtient du marchand d’esclaves, que sous un déguisement, elle sera de  nouveau présentée à son maître. Touché d’une ardeur si obstinée, Haroun se décide enfin  à aimer cette créature ; il le dit du moins et le rideau tombe. A cette occasion, on a cru faire une chose agréable au public en lui offrant sur la scène une reproduction du tableau de M. Giraud Un marchand d’esclaves ; comme si les véritables dilettanti et les gens de goût se souciaient de voir cette gracieuse, spirituelle et poétique scène de l’Opéra-Comique transformée en un marché de chair humaine ! Au sujet de ce livret, je ferai observer que la musique prête son langage à l’amour aussi à la coquetterie, à la galanterie qui sont des formes de la grâce ; qu’on la fait servir aussi trop souvent dans le genre bouffe à des idées grivoises et à la gaudriole ; mais j’ajouterai qu’elle résiste à exprimer la volupté charnelle et les impressions grossières de l’amour physique, parce que ces choses sont hors de son domaine ; parce que là il n’y a ni sentiments, ni idées, ni esprit, ni cœur. Quels sont les cavatines, les duos, que l’Orient nous a envoyés ? Quelles sont les mélodies passionnées ou touchantes qui nous sont venues du pays des harems et de la polygamie ? C’est à nous autres, Occidentaux, qu’il revient encore de mettre en musique les amours de ces gens-là, en leur supposant notre manière de sentir, nos idées, les caprices de notre imagination, toutes choses qui leur sont étrangères. La musique que M. Georges Bizet a écrite sur ce livret est si extraordinaire, si bizarre, en un mot si désagréable, qu’on dirait qu’elle est le résultat d’une gageure. Egaré sur les traces de M. Richard Wagner, il a dépassé son modèle en bizarrerie et en étrangeté. Que la mélodie soit absente, passe encore ; c’est la faute des sons et des accords, que les procédés harmoniques de l’accompagnement n’appartiennent la plupart du temps à aucun système de composition connu et classé, c’est là une erreur du jugement fort regrettable chez un musicien habile comme l’est M. Georges Bizet. La forme rythmique de l’ouverture est des plus connues et des plus modernes ; mais la concordance des sons est si singulière, que la musique entendue au temps de Ramsès et de Sésostris ne paraîtrait pas plus extraordinaire à des oreilles modernes. Dans les cours de l’ouvrage, à peine peut-on citer une phrase d’un duo d’hommes : Que l’esclave soit brune ou blonde ; une autre phrase du trio : Je voyais au loin la mer s’étendre ; le chœur : Quelle est cette belle ? et quelques lueurs de mélodie et d’expression dans le duo final.
Le reste m’a paru hérissé de dissonances et de cacophonies harmoniques, en comparaison desquelles les hardiesses de Berlioz n’étaient que jeux d’enfant. Distribution : Djamileh, Mme Prelly, Haroun, Duchesne, Splendiano, Potel, un marchand d’esclaves, Julien.


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