Deux Reines de France (Les)

Drame en quatre actes, de M. Ernest Legouvé, musique de M. Charles Gounod, représenté au Théâtre-Italien le 27 novembre 1872. Cette pièce devait être représentée en 1865. L’auteur, ayant étudié consciencieusement son sujet, a donné à la lutte engagée entre le roi de France, Philippe-Auguste, et le pape Innocent III, le véritable caractère que l’histoire impartiale lui attribue.

« On est habitué à voir, écrit M. Legouvé, dans cette lutte entre Philippe et Innocent, la rivalité de deux puissances temporelles ; aux yeux de beaucoup de lecteurs, l’interdit n’est, dans la main du pape, qu’une arme politique, un instrument de domination. Philippe représente l’indépendance de la France ; Innocent, l’ambition papale. Son seul but est l’abaissement de la couronne devant la tiare/ La lecture attentive des lettres d’Innocent  m’a convaincu de l’inexactitude de cette opinion. Cette longue correspondance est un monument d’équité, d’humanité, de patience, de douceur ; le pape défend évangéliquement la plus évangélique des causes ; ce n’est qu’après de longues années de supplications et de remontrances paternelles qu’il se décide à lancer l’excommunication ; et si le moyen qu’il emploie est excessif, et même, selon, inique, il ne combat pas du moins pour le pouvoir, il combat pour le droit. »

Les politiques du régime impérial s’effarouchèrent de certains vers inspirés au poète ; et prenant prétexte d’une tirade satirique sur les impôts, interdirent la représentation des Deux reines, tandis qu’ils encourageraient de toutes les manières les pièces immorales de M. Offenbach, la Belle Hélène, la Grande-Duchesse de Gérolstein, et tutti quanti. Il n’entre pas dans le plan de cet ouvrage d’analyser ce drame. Il a obtenu un certain succès, quoique les circonstances fussent peu favorables. Plusieurs scènes ont été trouvées belles et d’autres familières. L’introduction de morceaux de musique dans ce drame historique aurait pu être très heureuse si, d’une part, on leur eût fait une part plus large et ménagé des développements dignes d’un aussi grand sujet historique, et si, d’autre part, le compositeur s’était montré mieux inspiré. Ce n’est pas que le nombre de morceaux ne fût suffisant ; il y en a onze et douze ; mais l’ensemble en est terne, les idées pauvres et languissantes. La scène de la bénédiction du temple, air de basse : O toi que l’univers ne peut pas contenir, est une sorte d’hymne religieux qui a du caractère ; les chœurs des femmes danoises de la suite d’Ingelburge et des Françaises, compagnes d’Agnès de Méranie sont manqués. Il y avait là une occasion d’obtenir des effets intéressants et variés. M. Gounod a préféré donner une imitation de son chœur des Sabéennes, dans la Reine de Saba ; c’est monotone et froid. Quant à la Bataille des vins, l’idée en était originale ; l’exécution n’y a pas répondu ; le changement ingénieux des rythmes, les modulations, les intentions, une instrumentation très intelligente et d’une science consommée, tout a été mis en œuvre ; et, cependant, il n’y a dans ce long intermède aucun entrain, aucune trace de cette franche gaieté gauloise qui eût si bien à sa place. Le chœur des pèlerins n’a rien de saillant ; la meilleure scène est celle de l’interdit ;  la phrase d’Ingelburge : Depuis dix jours, j’erre de ville en ville, est touchante ; le finale, dans lequel le peuple supplie le roi de céder à l’autorité religieuse, offre des fragments qui révèlent le compositeur dramatique ; et cependant il est resté au-dessous des sentiments qu’il avait à exprimer. Telle qu’elle est, la pièce de M. Legouvé est très intéressante, et, pour ma part, je serais heureux de voir ce genre nouveau dans notre pays se faire une place sur nos scènes lyriques. Weber, Beethoven, Meyerbeer, pour ne citer que les plus célèbres, ont trouvé pour des tragédies et des drames de magnifiques inspirations. Je désire voir nos musiciens imiter leur exemple, quand ce ne serait que pour échapper à la mauvaise influence des livrets d’opérettes bouffonnes et ultra-burlesque, dénuées de tout esprit et de tout  sentiment. Les Deux reines de France ont eu pour interprètes Mmes Dica-Petit et Tholer (Ingelburge et Agnès) ; les autres rôles de Philippe-Auguste, du comte de Landresse, du cardinal, du comte de Nervers, ont été joués par Brésil, Berton père, Dupont-Vernon et Debray. Le rôle de l’évêque a été chanté par Colonnese ; celui du Jongleur, par Lutz.


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