Coup de théâtre

On donne ce nom, dans une action dramatique, à tout événement imprévu dont l’importance amène un changement considérable dans la situation respective des personnages et porte le trouble et l’émotion dans l’âme du spectateur. Dans l’Hamlet de Shakespeare, l’apparition du spectre du feu roi venant dévoiler à son fils le crime horrible qui a causé sa mort est un coup de théâtre d’une hardiesse admirable. Corneille n’a pas été magnifiquement inspiré lorsque dans les Horaces, au milieu de la scène où Curiace, amant de la sœur d’Horace, déplore devant Horace, époux de sa sœur, qu’Albe n’ait pas encore fait choix des trois guerriers qui doivent se mesurer contre les trois Horaces, il fait entrer un simple messager qui vient précisément apporter cette grande nouvelle :
Curiace
Albe, de trois guerriers a-t-elle fait le choix ?
Flavian
Je viens pour vous l’apprendre.
Curiace
Eh, bien ! qui sont les trois ?
Flavian
Vos deux frères et vous.
Curiace
Qui ?
Flavian.
Vous et vos deux frères.
Rien n’est assurément plus imprévu, plus beau, plus noble, plus grand, que ce coup de théâtre épique. On ne saurait lui rien trouver de comparable, soit chez les anciens, soit chez les modernes.
Dans la comédie, les hommes de génie ont fait aussi, dans ce genre, les trouvailles les plus heureuses. Molière est plein de coups de théâtre hardis et charmants, et de l’effet le plus puissant. Dans l’École des Maris, au second acte, la scène dans laquelle Isabelle, feignant d’embrasser Sganarelle, profite de la situation pour donner sa main à baiser à Valère et lui jurer, tout en semblant parler à son jaloux, une fidélité inviolable, forme un coup de théâtre de l’effet le plus heureux. Le dénouement de Tartuffe est amené par un double coup de théâtre, l’entrée de M. Loyal, venant mettre Orgon et sa famille aux abois, bientôt suivie de celle de l’exempt, qui défait tout ce qu’a fait le précédent personnage. Beaumarchais, dont l’esprit était si fertile et si inventif, a prodigué les coups de théâtre dans ses œuvres, et la plupart sont du plus grand effet. Nos grands écrivains contemporains n’ont pas été moins heureux sous ce rapport que leurs illustres devanciers. Dès le premier acte d’Hernani, Victor Hugo trouve un coup de théâtre superbe en mettant en présence, chez dona Sol, le bandit Hernani, l’amant aimé de celle-ci, et le roi don Carlos, poursuivant repoussé, tous deux se haïssant et tous deux s’épargnant. Dans un autre ordre d’idées, il y a un coup de théâtre d’un merveilleux effet au quatrième acte du Gendre de M. Poirier, lorsque la jeune épouse du duc de Presles, après l’explication qu’elle vient d’avoir avec son mari, lui dit en l’embrassant : « Et maintenant, mon ami, va te battre ! » quant au mélodrame moderne, il ne vit que de coups de théâtre répétés ; mais ceux-là, il faut le dire, sont trop souvent vulgaires, forcés et en dehors de toute vraisemblance.

Dictionnaire pittoresque et historique du théâtre d‘Arthur Pougin, 1885

 

Evénement imprévu, qui frappe subitement l’esprit et les yeux des spectateurs, et qui ajoute à l’intérêt de la pièce, soit en compliquant l’intrigue, soit en la développant ou en amenant le dénouement. On distingue :

  • 1° les coups de théâtre d’action ;
  • 2° les coups de théâtre de pensée.

Les coups de théâtre de la première espèce sont surtout prodigués dans les drames et les mélodrames.

Encyclopédie de l'art dramatique / par C.-M.-Edmond Béquet - 1886


 

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